Claude Demelenne

Le drame ukrainien montre le visage trouble de l’extrême gauche (carte blanche)

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Derrière le profil faussement progressiste et pacifiste de l’extrême gauche, se cache une réalité moins reluisante, selon l’essayiste Claude Demelenne. Pour qui la façon dont le PTB traite la guerre menée par Poutine contre l’Ukraine rappelle que ce parti est tout sauf humaniste.

Poutine n’est pas l’ennemi numéro un de l’extrême gauche. Celle-ci a d’autres chats à à fouetter. Elle combat en priorité le capitalisme honni et sa version autoritaire, installée, prétend-t-elle (sans rire!), dans les pays européens, avec au premier rang la France d’Emmanuel Macron, le diable incarné pour les militants d’extrême gauche. Ceux-ci donnent parfois l’impression de juger plus sévèrement le social-libéralisme du président français que les crimes du maître du Kremlin. Certaines postures de l’extrême gauche posent question. C’est notamment le cas, en Belgique, du PTB, qui dans un premier temps a condamné du bout des lèvres « l’intervention » de Poutine en Ukraine. Une « intervention », c’est moins grave qu’une agression, un envahissement, une guerre sanglante. Le choix du vocabulaire en dit long sur ce que pense vraiment le PTB, même si, face au tollé, ce parti a corrigé le tir, et dénonce désormais « une guerre sanglante ».

Le PTB n’aime pas Poutine, mais déteste encore davantage les démocraties européennes, les sociaux-démocrates, les ‘bourgeois’, les réformistes qui forgent pas à pas des compromis parfois laborieux, mais qui sont l’essence même de nos démocraties. Le PTB condamne Poutine pour la forme, et passe vite à autre chose. Il tente d’affaiblir le camp des démocraties en réclamant que la Belgique devienne un Etat neutre. Il s’oppose à la livraison d’armes aux résistants ukrainiens. Des revendications qui ont tout pour plaire à l’envahisseur russe. Le PTB n’aimerait-il les résistants ukrainiens que désarmés et transformés en chair à canon ? Ses errements face à l’agression brutale contre le peuple ukrainien rappellent que le PTB a un visage trouble, comme quasiment tous les partis d’extrême gauche en Europe.

Autocratie ou démocratie

Ce qui est remarquable, avec l’extrême gauche, c’est son extraordinaire indécence. Elle se présente comme la seule « vraie gauche » ou encore la « gauche authentique », alors qu’elle se refuse à prendre en compte, dans ses propos et dans ses actes, les attentes des peuples. Ceux-ci aspirent à la liberté et à la démocratie. C’est évidemment le cas en Ukraine. Poutine veut mettre aux pas les Ukrainiens parce qu’ils ont l’outrecuidance de clamer leur attachement aux valeurs libérales et à la démocratie. L’extrême gauche n’admet pas cela. Elle ne comprend pas que les enjeux du conflit en Ukraine sont planétaires. Il s’agit de savoir, comme le résume avec bonheur l’éditorialiste politique, Olivier Mazerolle, de «  savoir qui va dominer le monde : les autocraties (Chine, Russie) ou les démocraties ».

Poutine craint que les aspirations à la liberté et la démocratie prennent de l’ampleur, également en Russie. Il a bétonné son pouvoir absolu jusqu’en 2036, mais une mauvaise surprise n’est jamais à exclure. L’héroïsme des Ukrainiens pourrait donner des idées au peuple russe. Celui-ci n’a rien à attendre de l’extrême gauche européenne. Pendant des mois, l’autoproclamée gauche de la gauche française a – comme le PTB – martelé que les Occidentaux voulaient relancer la guerre froide. Tous coupables, en quelque sorte. En France, les candidats à l’élection présidentielle soi-disant ‘rouge vif’ – Jean-Luc Mélenchon pour la France insoumise, Philippe Poutou pour le Nouveau Parti Anticapitaliste et Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière – ont ménagé l’autocrate du Kremlin. L’extrême gauche a été extrêmement sourde aux bruits de botte, au coeur de l’Europe. Cet aveuglement n’est pas nouveau. La gauche dure a rarement brillé par sa lucidité. Elle n’a sans doute pas le monopole du refus de voir le réel.Mais jamais les démocraties n’ont menacé la Russie, ce qui aurait conduit à une agression folle ‘à la Poutine’.

Haine de la démocratie ‘bourgeoise’

Les faits sont là, implacables :depuis qu’il a des élus dans les différents parlements, le PTB n’a jamais voté une seule des résolutions condamnant les les crimes des dictatures russe et chinoise. Le PTB tente de justifier l’injustifiable. Il affirme n’avoir aucune sympathie pour Poutine. C’est sans doute vrai. Le maître du Kremlin n’a pas le profil des communistes qu’apprécie l’extrême gauche. Pour celle-ci, Poutine incarne un « capitalisme rouge oligarchique » tout sauf enthousiasmant. Mais alors, pourquoi diable le PTB, aux côtés du Vlaams Belang, n’a-t-il pas voté au parlement flamand, puis au parlement européen, une résolution condamnant l’agression russe en Ukraine ? Sans doute parce que ce qui prévaut, c’est la haine de la démocratie ‘bourgeoise’, la détestation de la social-démocratie, le rejet de tous ceux qui préfèrent la voie réformiste à la révolution, toujours intolérante et violente.

L’extrême gauche n’est pas fan de Poutine. Elle préférera cependant toujours garder son gros bâton pour tabasser verbalement les démocrates. Poutine, lui, aura droit à une petite tapette sur le bout des doigts. Tragique erreur…

Claude Demelenne, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

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