Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier © AFP

Le Corbusier, fasciste militant: des ouvrages fissurent l’image du grand architecte

L’image de Le Corbusier, grand architecte français du XXe siècle, est mise à mal par plusieurs ouvrages sur son « fascisme militant » et ses liens avec Vichy, publiés à quelques jours d’une exposition au centre Pompidou à Paris pour le 50e anniversaire de sa mort.

« J’ai découvert que c’était un militant fasciste, tout simplement », raconte à l’AFP Xavier de Jarcy, auteur de « Le Corbusier, un fascisme français ».

Le Corbusier « a milité pendant vingt ans dans des groupes dont l’idéologie était très nette », confirme François Chaslin, qui publie « Un Corbusier ». « On l’a caché. »

Des recherches saluées par Marc Perelman, auteur de « Le Corbusier, une froide vision du monde », qui a enquêté dès 1979 sur « les idées fascisantes » de l’architecte. « Je ne suis plus seul! », lance-t-il.

Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier, né en 1887 à La Chaux-de-Fonds en Suisse puis naturalisé français, est l’un des principaux représentants du mouvement moderne avec Ludwig Mies van der Rohe ou Alvar Aalto.

En France, il est le créateur de l’unité d’habitation « La Cité Radieuse » de Marseille (sud) et de la Chapelle de Ronchamp (est), candidates au classement au patrimoine mondial.

Ces nouveaux ouvrages montrent qu’il fréquente dès les années 1920 des cercles fascistes à Paris. Il devient proche du Dr Pierre Winter, leader du Parti fasciste révolutionnaire avec lequel il crée la revue « Plans », et de l’ingénieur François de Pierrefeu avec qui il lancera le journal « Prélude ».

L’architecte cautionne les articles « justifiant, dans Plans, l’antisémitisme nazi, et cosigne les éditoriaux haineux de Prélude », relève Xavier de Jarcy.

En août 1940, Le Corbusier écrit à sa mère: « L’argent, les juifs (en partie responsables), la franc-maçonnerie, tout subira la loi juste ». En octobre, il ajoute: « Hitler peut couronner sa vie par une oeuvre grandiose: l’aménagement de l’Europe ».

Il y a aussi « des croquis antisémites », déplore François Chaslin.

La Fondation Le Corbusier n’évoque cette période qu’en quelques mots sur son site internet: « 1929: collaboration à la revue Plans », « 1933: membre du journal Prélude », « 1941: Séjour prolongé à Vichy ».

Or Le Corbusier « a été à Vichy pendant dix-huit mois et occupait un bureau d’Etat », précise François Chaslin.

De retour à Paris, il devient, jusqu’en avril 1944, conseiller du théoricien de l’eugénisme Alexis Carrel qui avait été chargé d’une mission scientifique par le maréchal Pétain.

L’exposition « Mesures de l’Homme », présentée au centre Pompidou du 29 avril au 3 août, ne fait aucune allusion à ces publications car elle « ne traite pas de l’ensemble de l’oeuvre de Le Corbusier », ont expliqué ses organisateurs à l’AFP. Ses relations avec le régime collaborationniste de Vichy sous l’occupation allemande ont été traitées lors d’une rétrospective en 1987, ont-ils fait valoir.

De son côté, un membre du Comité d’experts de la Fondation Le Corbusier, Jean-Louis Cohen, s’est dit « choqué par cette polémique ».

Interrogé par l’AFP, le chasseur de nazis Serge Klarsfeld, président de l’association Fils et filles de déportés juifs de France, estime lui que l’exposition à Pompidou devrait montrer « toutes les facettes de la personnalité de Le Corbusier ».

Car ces publications jettent aussi une lumière crue sur son urbanisme, dont le « Plan Voisin » qui proposait en 1925 de raser le coeur historique de Paris.

« On dissocie ses idées, son urbanisme et son architecture, alors que c’est une même chose », souligne Marc Perelman.

La « Charte d’Athènes », éditée par Le Corbusier en 1943, est devenue la doctrine de la France démocratique des « 30 Glorieuses ». On a construit alors des « grands ensembles », bannis à partir de 1973.

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