Drieu Godefridi

Le Brexit, une formidable opportunité de réforme

Drieu Godefridi PhD (Sorbonne), juriste et auteur

Résidant partiellement en Angleterre, j’ai eu l’occasion, depuis le début de la campagne du Brexit, non seulement de lire tous les jours la presse anglaise, mais aussi de m’entretenir avec un grand nombre d’interlocuteurs sur les arguments pour et contre.

De ces échanges, qui ne prétendent certes pas à l’objectivité, je retiens que si le « case » en faveur de l’Union paraissait économiquement rationnel à court terme, il achoppait sur trois dossiers importants: l’hypernormativité européenne, les prétentions hégémoniques des institutions européennes et l’immigration. Examinons la réalité des griefs invoqués, et les pistes de réforme.

Quant à l’hypernormativité. De longue date, les Britanniques reprochent à l’UE sa propension à réguler tout et n’importe quoi, ainsi que le volume vertigineux des normes sécrétées, chaque année, par les institutions européennes. Cette méconnaissance du principe de subsidiarité est problématique en soi, mais également d’un point de vue démocratique, donnant l’impression d’une pluie continue de normes intrusives auquel le peuple souverain n’a rien à dire. Une solution serait de nommer un groupe de juristes de haut vol, chargés de faire la synthèse de ce droit communautaire dérivé, sur le modèle des quatre juristes qui firent la grande synthèse du Code civil.

Quant aux prétentions hégémoniques de l’UE. Dans la presse anglaise, le débat s’est focalisé sur les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, ex-CJCE), sise à Luxembourg. Le problème naît de ce qu’une charte européenne des droits fondamentaux fut adoptée en 2000 (avec force obligatoire depuis 2009). Ce texte, redondant de la Convention européenne des droits de l’homme (1950), permet à la CJCE de s’immiscer dans la totalité des débats démocratiques nationaux, à l’instar de la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique. Au nom de ces droits fondamentaux, il n’existe virtuellement plus un seul sujet sur lequel la CJUE ne puisse justifier de sa compétence. Or, les arrêts de la CJUE s’imposent aux Etats nationaux. Certaines cours constitutionnelles, telles l’allemande, ont contesté ce primat, avant de se soumettre pour l’essentiel. Cela, du point de vue de nombreux Européens, est inacceptable. Solution ? Trois possibilités: soit affirmer le primat des constitutions nationales sur les arrêts de la CJUE. Soit abroger cette charte qui n’ajoute rien aux droits que les Européens trouvent déjà dans leurs constitutions nationales et la Convention de 1950. Soit soumettre la nomination des juges de la CJUE aux mêmes exigences démocratiques et de publicité que les juges américains de la Cour suprême. Dans son état actuel, le processus de nomination, en Europe, accrédite l’idée que ces juges sont d’obscurs technocrates, qui partagent très généralement les mêmes préjugés idéologiques. La plupart des Américains connaissent le nom d’au moins un juge à la Cour suprême. Combien d’Européens peuvent en dire autant ?

Ce Brexit pose de vraies questions, auxquelles il faudra apporter des réponses, sans quoi cela n’aura été que la répétition générale de la dissolution de l’UE…

Reste l’immigration. Durant la campagne, lors d’un intéressant débat à la Oxford Union, l’ancien Premier ministre écossais Salmond s’était moqué de la posture des partisans du Brexit qui, disait-il, « veulent nous faire croire que nous devons limiter les migrants de l’UE pour pouvoir en accueillir bien davantage des pays qui ne sont pas membres de l’UE ». Rien n’est plus faux, bien entendu, et c’est l’habileté des partisans du Brexit d’avoir su faire passer l’UE comme principale responsable de l’immigration vers le Royaume-Uni. Bien sûr, il y a une part de vérité: la libre circulation des personnes est l’une des libertés fondatrices de l’UE et c’est en son nom qu’un grand nombre de Polonais, etc. sont venus travailler en Angleterre. Ce qui atteste de la vitalité de l’économie britannique.

Toutefois le vrai défi de la migration n’est pas intra-européen, mais extra-européen. Quant à ce défi, il reste permis de penser qu’il serait plus efficace de le traiter collectivement au niveau de l’UE qu’en redressant des frontières nationales entre Etats européens. Encore faut-il, bien sûr, que l’Union traite en effet le défi de la migration, sans désemparer et par autre choses que des postures moralisatrices qui ne sont plus d’actualité. De ce point de vue, l’UE pourrait s’inspirer de la politique australienne, mais également des mesures, à la fois humaines et intelligentes, du Secrétaire d’Etat belge Theo Francken, qui s’est imposé, parmi ses pairs en Europe, comme l’un des meilleurs connaisseurs du sujet.

Ce Brexit pose donc de vraies questions, auxquelles les Européens doivent apporter des réponses. Sans quoi cette sortie britannique n’aura été que la répétition générale de la dissolution de l’Union européenne.

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