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 » L’assassinat de Chebeya a été prémédité en haut lieu »

Avocat de la Voix des sans voix à Bruxelles, Jean-Claude Ndjakanyi répond aux questions du Vif.be sur l’assassinat, à Kinshasa, de Floribert Chebeya, le célèbre défenseur des droits de l’homme.

Le Vif.be : Avez-vous des nouvelles de Kinshasa sur les suites de l’assassinat de Floribert Chebeya ?

J’apprends que le général Numbi, chef de la police congolaise, mis en cause par l’un des exécutants de l’assassinat, se déplace en toute liberté dans la cité. Il a été suspendu de ses fonctions d’inspecteur général de la police nationale, mais n’est même pas en résidence surveillée. Les collaborateurs de la Voix des sans voix, eux, sont étroitement surveillés ! La société civile kinoise continue à faire pression pour obtenir une véritable enquête et l’arrestation de Numbi, qui avait convoqué Floribert dans son bureau l’après-midi du drame. L’attitude du procureur général est une insulte à la mémoire du président de la Voix des sans voix.

Qu’est devenu le chauffeur de Chebeya, qui l’accompagnait lors de son rendez-vous fatal à l’inspection générale de la police ?

Contrairement à ce qui a été plusieurs fois annoncé, le corps du chauffeur n’a toujours pas été retrouvé. Il a disparu le soir où Floribert a été torturé et assassiné dans les locaux du chef de la police.

Le ministre congolais de l’Intérieur, Adolphe Lumanu, a finalement autorisé la venue en RDC d’experts légistes des Pays-Bas, pour participer à l’autopsie du corps de Chebeya. Satisfait ?

C’est, enfin, un premier pas dans le bon sens. Cela dit, aucun des hôpitaux de Kinshasa n’est équipé pour réaliser correctement l’autopsie et faire les prélèvements nécessaires. Les experts légistes néerlandais risquent de travailler sous une pression intense. J’ai tenté de faire transférer la dépouille aux Pays-Bas, en vain. Nul ne sait, en outre, dans quelles conditions est actuellement conservé le corps de Floribert. Plus personne n’y a accès à la morgue, investie par la garde présidentielle de Kabila.

Des sources, au Congo et en Belgique, laissent entendre que Chebeya a été victime d’un excès de zèle d’officiers de police. Ils auraient voulu intimider le défenseur des droits de l’homme, mais leur séance de torture aurait « mal tourné ».

Je m’insurge contre cette version des faits. Tout indique que Floribert est tombé dans un piège soigneusement préparé. Il était surveillé par les services spéciaux depuis quelques semaines. Il a été convoqué dans les locaux du chef de la police où, en principe, on ne devrait pas craindre d’être assassiné. Si le général Numbi, comme on l’a dit, n’était pas à son bureau l’après-midi du 1er juin, pourquoi ses services n’ont-ils pas prévenu Floribert que le rendez-vous était annulé ? Son meurtre a été maquillé en crime passionnel. Et le corps de son chauffeur a disparu… Tous ces indices donnent à penser que l’assassinat a été prémédité en haut lieu.

Avocat au barreau de Bruxelles, vous avez déposé, le 5 juin, une plainte contre Numbi et d’autres responsables congolais pour leur rôle dans le massacre, en janvier 2007 et février-mars 2008, des adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo. Qu’espérez-vous de la justice belge ?

Aujourd’hui-même, je fais savoir au juge d’instruction de garde que la Voix des sans voix se constitue partie civile dans cette affaire. La justice belge peut-être saisie en vertu de la loi de compétence universelle. J’accomplis ainsi la volonté de Floribert, exprimée dans un e-mail qu’il m’a envoyé le 31 mai, la veille de son assassinat. Il a constitué, ces derniers mois, un dossier très complet sur les carnages commis par les forces de police au Bas-Congo et sur l’implication personnelle du général Numbi.

Entretien : Olivier Rogeau

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