Ahmet Davutoglu et Donald Tusk © AFP/John Thys

L’accord UE-Turquie entérine le principe des retours et du « un pour un »

L’accord approuvé vendredi par l’Union européenne et la Turquie pour réduire l’arrivée de réfugiés en Europe entérine le principe des retours des personnes arrivées irrégulièrement et celui du « un (migrant renvoyé) pour un (réfugié accueilli) ». Toutes les personnes arrivant irrégulièrement en Grèce dès le 20 mars seront renvoyées en Turquie.

L’accord approuvé vendredi reprend neuf points. Il affirme d’abord le principe des retours vers la Turquie de tous les « migrants irréguliers » qui arriveront dès le 20 mars en Grèce. Les premiers retours effectifs pourraient avoir lieu dès le 4 avril, selon des officiels turcs.

Les demandes d’asile introduites en Grèce seront examinées individuellement, mais toutes les personnes dont la demande a été déclarée irrecevable ou infondée seront renvoyées en Turquie. Les coûts de rapatriement seront supportés par l’UE.

Ce principe de retours était le point qui posait le plus de problèmes juridiques, l’ONU et des ONG affirmant qu’il violerait la Convention de Genève sur la protection des réfugiés. Les experts de la Commission européenne ont planché durant dix jours sur les moyens pour rendre ces retours systématiques conformes aux droits européen et international.

Le texte précise que « tous les migrants seront protégés dans le respect des standards internationaux pertinents et du principe de non-refoulement ». Le caractère individuel du traitement des demandes d’asile est, de ce point de vue, essentiel pour assurer la légalité du mécanisme.

La Grèce et la Turquie devront s’entendre pour faciliter le fonctionnement de ce mécanisme, en installant par exemple des officiels turcs dans les îles grecques et des Grecs en Turquie à partir du 20 mars.

L’accord prévoit aussi que pour chaque personne renvoyée en Turquie, l’Europe accueille un réfugié syrien provenant de Turquie. La priorité ira aux personnes qui n’ont pas déjà essayé d’entrer dans l’UE, précise le texte.

Leur réinstallation se fera dans le cadre des 18.000 places que les Etats membres se sont engagés en juillet 2015 à offrir aux réfugiés. Le nombre de réinstallations pourrait cependant être revu à la hausse si nécessaire, pour atteindre 72.000 personnes au total. La participation des Etats membres à ce mécanisme se fera sur base volontaire. Tous les pays, sauf la Hongrie et la Slovaquie, se sont dits prêts à participer à ce mécanisme volontaire.

Le texte précise toutefois que « si ces accords ne devaient pas rencontrer l’objectif de mettre fin à la migration irrégulière et que le nombre de retours s’approchait des chiffres prévus, le mécanisme pourrait être revu » et le nombre de réinstallations augmenté.

L’UE s’est aussi engagée à accélérer le déblocage des trois milliards d’euros d’aide financière à la Turquie et, à condition que les engagements turcs soient concrétisés, à libérer une seconde tranche de trois milliards d’euros d’ici fin 2018.

L’Union et la Turquie maintiennent aussi leur objectif d’arriver à une libéralisation des visas d’ici à la fin du mois de juin, à condition que tous les critères (une septantaine) requis soient remplis par la Turquie. Jeudi soir, le Premier ministre, Charles Michel, reconnaissait que ce ne serait « pas évident d’aboutir en juin ».

Les Européens attendent par ailleurs des Turcs qu’ils prennent « toutes les mesures nécessaires » pour éviter de nouvelles routes maritimes ou terrestres pour l’immigration illégale.

Les Européens s’engagent, « une fois que les traversées illégales entre la Turquie et l’UE auront pris fin ou se seront à tout le moins substantiellement réduites », à activer un schéma d’admissions humanitaires volontaire.

Enfin, l’UE et la Turquie ont convenu d’ouvrir le chapitre 33 – qui a trait au budget – du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE. L’ouverture de ce chapitre, prévue « durant la présidence néerlandaise » (et donc avant le 30 juin 2016) permet de contourner les réticences de Chypre sur les autres chapitres que la Turquie demandait de rouvrir.

La mise en oeuvre de ces mesures sera évaluée tous les mois, précise l’accord.

L’UE soutiendra la Grèce pour mettre en oeuvre l’accord conclu avec la Turquie

Les vingt-huit chefs d’Etat et de gouvernement européens se sont accordés vendredi pour fournir rapidement à la Grèce les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de l’accord qui a été conclu entre l’Union européenne et la Turquie.

Celui-ci prévoit notamment le renvoi vers l’Etat turc de tous les réfugiés arrivant en Grèce de manière irrégulière dès le 20 mars. Les Européens s’engagent, quant à eux, pour chaque Syrien renvoyé, à « réinstaller » dans l’UE un autre Syrien depuis la Turquie.

Cette réinstallation se fera dans le cadre des 18.000 places que les Etats membres se sont engagés en juillet 2015 à offrir aux réfugiés. Le nombre de réinstallations pourrait si nécessaire monter jusqu’à 72.000. Le mécanisme et les chiffres pourront être revus en cas de nécessité.

« L’Union européenne et en particulier la Grèce sont face à une tâche herculéenne. C’est le plus grand défi logistique qu’ait jamais connu l’UE », a souligné le président de la Commission Jean-Claude Juncker à l’issue du sommet.

Quelque 4.000 personnes – dont des gardes-frontières, des experts de l’asile et des interprètes – seront nécessaires à la Grèce pour l’implémentation de l’accord, a souligné M. Juncker.

Ce dernier a également annoncé la nomination du Néerlandais Maarten Verwey en tant que coordinateur pour la mise en oeuvre de l’accord et la tenue dès samedi d’une réunion à Athènes rassemblant des experts de tous les Etats membres à propos des efforts de coopération à fournir.

Entre 280 et 300 millions d’euros seront investis dans les six mois à venir pour mettre le plan en oeuvre.

Le Conseil européen a également appelé dans les conclusions du sommet à accélérer les relocalisations de réfugiés depuis la Grèce, et a encouragé les Etats membres a offrir un plus grand nombre de places.

Environ 45.000 migrants sont actuellement bloqués en Grèce. Parmi ceux-ci, 10 à 12.000 se trouvent à Idomeni, à proximité de la frontière macédonienne.

Jusqu’à présent, 569 personnes ont été relocalisées dans d’autres Etats européens depuis la République hellénique.

« C’est une journée historique » (Ahmet Davutoglu)

Le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a qualifié la journée de vendredi d’historique à la suite de l’accord « très important » conclu entre l’Union européenne et la Turquie.

« Nous nous sommes rendus compte aujourd’hui que la Turquie et l’UE avait la même vision, le même destin et le même avenir », a indiqué M. Davutoglu, qui a souligné la « visée humanitaire » d’un accord destiné à « empêcher la mort de réfugiés ».

L’accord prévoit notamment le renvoi vers l’Etat turc de tous les réfugiés arrivant en Grèce de manière irrégulière dès le 20 mars. Les Européens s’engagent, quant à eux, pour chaque Syrien renvoyé, à « réinstaller » dans l’UE un autre Syrien depuis la Turquie. Cette réinstallation se fera dans le cadre des 18.000 places que les Etats membres se sont engagés en juillet 2015 à offrir aux réfugiés. Le nombre de réinstallations pourrait si nécessaire monter jusqu’à 72.000. Le mécanisme et les chiffres pourront être revus en cas de nécessité.

En contrepartie, l’UE s’est notamment engagée à accélérer la libéralisation des visas pour les citoyens turcs. « Nous espérons pouvoir arriver à cette libéralisation d’ici fin juin », a souligné M. Davutoglu, qui a également salué l’ouverture du chapitre 33 des négociations d’adhésion à l’UE et appelé à l’ouverture d’autres chapitres « dans les mois à venir ».

Le Premier ministre turc a conclu son intervention en regrettant que des manifestants arborent des drapeaux d’organisations terroristes en Europe, faisant notamment référence, sans la citer, à une manifestation qui s’est tenue à Bruxelles mercredi dernier.

« Nous devons nous dresser contre toute forme de terrorisme. Il n’y a pas de différenciation à faire entre Daech, le PKK ou le DHKPC », a-t-il déclaré.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a immédiatement réagi. « Il faut veiller à renoncer aux propos excessifs », a-t-il commenté, constatant « des propos excessifs à l’égard du Royaume de Belgique ». « La Belgique est un pays honorable et une très grande nation », a-t-il conclu.

Déjà interpellé à ce sujet par le président turc Erdogan, le Premier ministre belge, Charles Michel, a eu une nouvelle passe d’armes durant le sommet avec M. Davutoglu, à qui il a rappelé que la liberté de manifestation était garantie en Belgique et qu’il la défendrait toujours.

Contenu partenaire