Construire une barrière (ici, à Tijuana) d'un océan à l'autre suppose d'indemniser les expropriés et qu'ils n'opposent pas de résistance. © Getty/AFP

La politique du mur : La « grande muraille » de Trump

Le Vif

Promesse centrale faite à son électorat, le mur sur la frontière mexicaine se heurte à de nombreuses contraintes. Le président américain jure qu’il verra le jour…

Dans l’immobilier, pas de doute, il a fait ses preuves. Jusqu’ici, Donald Trump a bâti et, surtout, commercialisé des gratte-ciel, des hôtels, des appartements de luxe et, même, des terrains de golf. Maintenant, ce commercial génial a convaincu les Américains d’acheter un  » big beautiful wall « , un grand et magnifique mur, le long de la frontière du Mexique ! C’était la promesse centrale de sa campagne électorale. Et malgré les critiques et le scepticisme ambiant, il n’a pas renoncé à son projet qui doit faire barrage, selon lui, aux illégaux, aux délinquants, aux trafiquants, aux violeurs. Selon Trump, cette fortification s’étendra sur 3 200 kilomètres entre deux océans. Une sorte de mur de Berlin ou de Grande Muraille, de cinq à neuf mètres de hauteur, à travers les déserts de Californie, d’Arizona, du Nouveau-Mexique et du Texas.

L’ennui, c’est qu’à la différence des gratte-ciel –  » des machines à faire de l’argent « , s’extasiait-il dans son best-seller de 1987, The Art of the Deal ( » L’Art de la négociation « ) -, les murs ne rapportent pas le moindre cent. Au contraire, le coût de l’éventuel chantier est évalué entre 10 milliards d’euros environ (selon Trump) et 60 milliards (selon le Sénat). Avec un culot monstre, le candidat avait, dans un premier temps, expliqué que les Mexicains financeraient l’ouvrage. Mais, en janvier, Enrique Peña Nieto a fait savoir qu’il ne paierait  » aucun mur « .  » Je regrette et rejette la décision des Etats-Unis « , précise le président mexicain. Mais Trump a un plan B. Une nouvelle idée que, le 21 juin, il qualifie lui-même de  » brillante  » devant 5 000 supporters réunis à Cedar Rapids (Iowa), dans l’Amérique profonde.  » Je vais vous donner une idée dont personne n’a encore entendu parler, minaude-t-il à la tribune. La frontière sud, beaucoup de soleil, beaucoup de chaleur… Nous réfléchissons à la construction d’un mur avec des panneaux solaires ! Cela générerait de l’énergie, et cela le financerait « , bluffe Donald Trump, subitement converti aux énergies renouvelables trois semaines après son retrait de l’accord de Paris sur le climat.  » Pas mal, mon idée ? Plutôt bonne, mon imagination, hein ?  » ajoute le Narcisse. A ses pieds, la foule chante :  » Build that wall ! Build that wall !  » ( » Construisez le mur ! « )

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Seul petit problème, d’ordre technique : les composants des panneaux photovoltaïques sont assez fragiles. Il faut les entretenir, les réparer, les remplacer. De plus, pour rentabiliser l’énergie solaire, il faut que les acheteurs et utilisateurs ne soient pas trop éloignés de la source de production. Or ces panneaux se trouveront au milieu de nulle part. Peu d’Américains résident à moins de 60 kilomètres de la frontière mexicaine.  » Le problème avec ce mur solaire, c’est que c’est de la pure science-fiction « , tranche le porte-parole de Greenpeace USA, interrogé par The Daily Signal, un média de Washington.

Mais Trump a un plan C : un mur entièrement transparent. De l’art contemporain ? Non.  » Il s’agit de voir de l’autre côté, ce qui permettra d’anticiper le danger lorsque les trafiquants lanceront leurs sacs de 30 kilos par-dessus le mur et, ainsi, d’éviter de le recevoir sur la tête « , a expliqué le président à un journaliste – sans doute pour se payer la sienne.

D’autres solutions sont envisagées. En mars, le gouvernement lance un appel d’offres. Depuis, plus de 600 projets ont été rendus publics. Certains sont fantaisistes, comme ce futuriste train capsule propulsé dans un tube à air comprimé qui relierait les deux océans, le long d’une zone tampon  » amicale  » conçue comme un  » point de rencontre entre les peuples « . D’autres sont un brin cyniques, tel celui de Clayton Industries : une tranchée dans le sable, où seraient enfouis des déchets nucléaires, servirait de no man’s land radioactif afin de décourager les migrants.

Au final, quelques dizaines de projets seront retenus. Les finalistes seront invités à produire des prototypes qui permettront de visualiser la réalité de ces projets en grandeur nature.  » Dès que Trump sera photographié devant un prototype, ses partisans exulteront, pronostique un consultant républicain dans les colonnes du quotidien californien Mercury News. Peu importe si, après, le mur ne voit jamais le jour, Trump pourra dire que la faute en incombe à la bureaucratie de Washington.  »

L’ennui, c’est qu’à la différence des gratte-ciel, les murs ne rapportent pas le moindre cent

De fait, les obstacles sont nombreux, surtout juridiques. Par exemple, le gouvernement ne possède qu’un tiers des terrains bordant la frontière. Construire un mur d’un océan à l’autre suppose donc d’exproprier des personnes privées, mais aussi des tribus indiennes, installées sur les territoires  » sanctuarisés  » de leurs ancêtres. A supposer que les intéressées n’opposent aucune résistance – hypothèse improbable -, il resterait à indemniser les personnes expropriées pour un coût exorbitant. Les Tohono O’odham, qui comptent 28 000 membres en Arizona, ont déjà fait savoir qu’il faudrait leur passer sur le corps avant de les déloger. En 2000, l’administration Bush s’est déjà heurtée à des complications. Raison pour laquelle la frontière américano-mexicaine n’est que partiellement clôturée au moyen de grillages (dans les secteurs urbains) et de croisillons antivéhicules (en zones désertiques).

Autre contrainte : d’El Paso à l’Atlantique, le Rio Grande délimite une frontière naturelle. Renforcer cette barrière liquide par un mur pose problème. Un traité américano-mexicain, signé en 1889, proclame l’inviolabilité du Rio Grande. Le mur devrait donc être érigé au nord du fleuve. Or des milliers de ranchers possèdent des troupeaux dont la survie dépend de l’accès à la rivière. Ironie de l’histoire : pour l’essentiel, ce sont des électeurs de Trump. En attendant sa  » Grande Muraille « , la police des frontières constate déjà une chute spectaculaire de l’immigration clandestine. Le nombre d’arrestations est passé de 66 700 en octobre 2016, sous Obama, à 11 000 en avril, sous Trump. Le chiffre le plus faible depuis dix-sept ans.  » Les gens attendent de voir ce qui va être décidé avant de se risquer « , explique le porte-parole du Department of Homeland Security, chargé de la protection des frontières. Avec Trump, plus la peine de dresser des barrières. Comme le répète un éditorialiste de Fox News :  » Le mur, c’est lui !  »

Par Axel Gyldén.

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