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La Belgique, « cible prioritaire » de Anders Behring Breivik

Le tueur présumé des attentats qui ont fait 76 morts en Norvège n’avait guère de sympathie pour notre pays, trop « multiculturaliste » à son goût. L’islamophobie est bien présente en Belgique aussi et, avec elle, les menaces de radicalisation.

Dans son manifeste de 1500 pages, qui appelle à une « guerre préventive contre les régimes marxistes et multiculturels en Europe », Anders Behring Breivik inscrit la Belgique comme « cible stratégique prioritaire » après la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Avec ses « 8 à 12 % de musulmans », notre pays est décrit comme « extrêmement hostile » à la culture européenne. La situation ne risque pas de s’améliorer à ses yeux : il prédit que le nombre de musulmans en Belgique doublera en 2030 pour atteindre 50 % en 2070 (70 % en France). Se basant sur une abondante documentation, le tueur présumé évoque également « les largesses de l’Etat providence (belge) envers les musulmans », permettant aux couples mariés avec enfants de mener une « vie confortable » et d’avoir accès à la propriété.

Selon lui, Bruxelles (qu’il n’a jamais visitée) est le symbole de ce multiculturalisme honni : « Mohamed y est le prénom le plus populaire », assène-t-il, avant de prétendre que des « gangs d’immigrants musulmans harcèlent chaque jour les autochtones », quand ils ne violent pas les filles belges. Le tueur présumé rappelle la manifestation du Vlaams Belang, le 11 septembre 2007 à Bruxelles, pour protester contre l' »islamisation » de la société belge. Elle fut interdite à la demande du bourgmestre Freddy Thielemans (PS), dont le parti « est infiltré par les musulmans ».

Le bouillant député VB Filip Dewinter, qui fut interpellé à cette occasion, trouve naturellement grâce aux yeux de Breivik, contrairement aux « marxistes culturels, humanistes suicidaires et capitalistes mondialistes », catégorie dans laquelle il fourre tous les autres partis belges, y compris la N-VA. Le VB et la N-VA sont toutefois repris plus loin dans la liste des « partis anti-immigration et partis nationalistes ». Dans la Gazet van Antwerpen, Dewinter a réagi : « De tels individus méritent la peine de mort, quelles que soient leurs motivations. »

10 807 « traîtres »

Poursuivant ses outrances, le Norvégien estime à 10 807 le nombre de « traîtres » en Belgique (non identifiés), autrement dit ceux qui ne font rien pour stopper l’islamisation. Pour les liquider, il suggère d’envoyer des lettres piégées à l’anthrax. Quant aux musulmans, il invite à les déporter afin de « purifier » l’Europe d’ici à 2083. Le document évoque aussi l’existence d’un compatriote (anonyme) qui serait le cofondateur d’un ordre templier dont Breivik se déclare membre. Les services de renseignements belges n’en ont jamais entendu parler. Faut-il dès lors s’inquiéter ? « Dans l’état actuel de notre connaissance du dossier, aucun citoyen belge n’a été en contact direct avec l’auteur présumé des attentats », a déclaré la Sûreté belge. L’Ocam (organe pour la coordination et l’analyse de la menace) n’a pas relevé le niveau d’alerte malgré les appels au sabotage proférés par Breivik contre nos raffineries et nos centrales nucléaires.

Toutefois, le patron de l’Ocam, André Vandoren, a souligné que « plusieurs services sont bien conscients du risque encouru par la radicalisation de certains individus ». En Belgique, certains propos tenus par Breivik se déclinent à longueur de forums sur Internet. Or c’est là que le bât blesse : « On n’a pas pris la mesure de la radicalisation à droite, dénonce un agent de l’Ocam. Les incidents se multiplient, impliquant des gens ouvertement islamophobes, mais on continue à considérer ce phénomène comme folklorique. Par contre, les islamistes font l’objet de toutes les attentions. Or en Belgique, on est loin d’être immunisé contre des tueries. Le cas Van Themsche (voir encadré page précédente) est là pour le rappeler ».

FRANÇOIS JANNE D’OTHÉE

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