© REUTERS/Tang Chhin Sothy

Khieu Samphan, le Khmer rouge qui nie tout crime

Quatre dignitaires du régime des Khmers rouges comparaissent devant le tribunal international de Phnom Penh, à partir de ce lundi. Parmi eux, l’ancien président Khieu Samphan, qui refuse de reconnaître son rôle dans le génocide.

« Le plus difficile, c’était de voir le calme de son visage lorsque, de toute évidence, il mentait en répondant à nos questions. » Pour les besoins d’un documentaire, le journaliste suédois Staffan Lindberg a rencontré à plusieurs reprises Khieu Samphan, l’ancien président du Kampuchéa démocratique, la dictature communiste des Khmers rouges qui ensanglanta le Cambodge entre 1975 et 1979. Dans une interview accordée l’an dernier au magazine Télérama, il le décrivait comme un « homme honnête » qui a « basculé » puis « décidé de garder les yeux fermés », quitte à « vivre avec le mensonge le reste de sa vie ».

Poursuivi pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, l’ancien Khmer rouge, aujourd’hui âgé de 79 ans, est jugé, à partir de ce lundi, par le tribunal international de Phnom Penh en compagnie de trois autres ex-dignitaires, dont l’idéologue du régime Nuon Chea. Tous nient leur implication dans les tortures, les massacres et la famine, qui ont emporté, au nom d’une utopie délirante, près du quart de la population du Cambodge.

Le procès prendra sans doute plusieurs mois. Khieu Samphan a fait appel, pour sa défense, à l’avocat français Jacques Vergès. Au nom d’une « vieille amitié »… Comme Pol Pot, le leader du mouvement, mort, en avril 1998, avant d’avoir pu être jugé, Khieu Samphan a fait ses classes dans les années 1950 à Paris, au Quartier latin. Rentré au Cambodge en 1959 avec un doctorat en sciences économiques, il est tour à tour journaliste, professeur, puis député, et même ministre du Commerce du roi Norodom Sihanouk. En 1966, face à la montée en puissance de la droite proaméricaine, emmenée par le général Lon Nol, il entre dans la clandestinité. Lorsqu’il réapparaît, en 1973, il est devenu commandant en chef des Khmers rouges. Un an après leur conquête du pouvoir, il est nommé chef de l’Etat. En 1998, il se rend enfin, mais il est laissé en liberté. Khieu Samphan sera le dernier dirigeant du régime à être arrêté, en novembre 2007.

« Quelques milliers de personnes tout au plus »

L’homme a toujours démenti avoir eu connaissance des crimes commis par le régime. Il en a d’abord purement et simplement nié l’existence: dans une interview accordée à L’Express en 1979, il parle de « quelques milliers de personnes tout au plus » tuées entre 1975 et 1979. A partir de 2003, changement de tactique: il admet qu’il y a bien eu « génocide », mais assure que lui, « préposé aux relations extérieures » du régime, ne savait pas. Une affirmation réfutée par les historiens. Pour eux, Khieu Samphan, membre du comité central du parti dès 1976 puis président du bureau chargé d’appliquer les décisions politiques de la direction communiste, a participé de bout en bout au processus décisionnel qui a conduit au génocide.

Dominique Lagarde (L’Express.fr)

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