© Marina Laurent

J’étais au théâtre avec François Hollande, et tout est vrai

Depuis les attentats à Paris, plus personne ne s’étonne d’être fouillé à l’entrée d’un magasin, d’un cinéma ou d’une pharmacie. Ce n’est donc pas au Théâtre de l’atelier qu’on verra le public ciller à l’idée de devoir présenter son sac deux fois, ni de repasser par des portiques de sécurité renforcée.

Pourtant, la présence d’une dizaine d’hommes à oreillettes éparpillés aux quatre coins de ce théâtre velouté du XVIIIe arrondissement a de quoi surprendre. Mis à part une vieille dame qui tend gentiment son ticket en attendant d’être  » placée  » et se retrouve déconcertée par le refus de ce grand bonhomme en costume cintré de l’accompagner à son fauteuil, personne ne semble remarquer cette drôle d’intervention.

Il faut dire qu’à Paris, on ne s’estomaque plus de grand-chose.

Milieu du parterre, la comédienne Muriel Robin commente les maisons de vacances sélectionnées par sa compagne en faisant défiler les pages de sa tablette. Ça sent le sud de la France, peut-être la Toscane ou la Corse, les mas ou les bastides à six chambres, la piscine et le rosé. A gauche, on ne reconnaîtrait pas la chanteuse Nicole Croisille sous ses grandes lunettes fumées si la troisième rangée ne cessait de se retourner en s’interrogeant :  » Tu crois que c’est elle ? C’est dingue, ça !  » Dingue. C’est le mot. Celui qu’on utiliserait en voyant débarquer discrètement le président de la République, accompagné non pas de Julie Gayet mais de sa ministre de la Culture, Audrey Azoulay.

Sauf qu’à Paris, en pleine présidentielle, personne ne daigne remarquer l’hôte de l’Elysée installé pourtant au premier rang du premier balcon. Aucun téléphone pour immortaliser l’instant, aucun chuchotement, nul bruissement d’états d’âme, juste une salle remplie d’amertume qui, à l’image d’une femme trahie, se refuse de lui prêter la plus infime des attentions. N’y pouvant plus, votre voisin (qui s’apprête à voter Macron) finit par gémir :  » Quelle déception, mais quelle déception ! Encore heureux qu’il ne s’est pas représenté, je ne veux plus le voir.  » On sait qu’il est là mais plus personne ne le nomme.

Les lumières s’éteignent alors sur les cinq cents spectateurs, le rideau se lève, Pierre Arditi entre en scène. Sur les planches, la vie d’un homme brisé par un accident, un accident d’ascenseur qui ôte la vie à tous ses passagers, mais surtout celle de sa fille chérie. Seul rescapé de cet accident, Sneijder (1) ne vit plus, il survit et consacre le temps qui lui reste désormais à tenter de comprendre pourquoi, subitement, un ascenseur ne répond plus à la commande, pourquoi un mécanisme s’embraie ou comment un câble se brise.

Une métaphore ou une parabole de la vie, de ses aléas, de ses hauts, de ses très bas qui nous rappellent à quel point nos existences, alors que nous pensions les maîtriser, peuvent à force de lâchetés se retrouver proches de ces trajectoires d’ascenseur.

Le bientôt ex-président français y songe-t-il, là, si seul entre la scène et la foule ?

(1) Rôle pour lequel Pierre Arditi est nommé aux Molières, le 29 mai. La pièce a quitté le Théâtre de l’atelier, à Paris, et se jouera aux Célestins, à Lyon, du 16 mai au 3 juin.

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