Hollande et Royal au meeting de Limoges, le 29 mars 2007. Le seul que la candidate et le patron du PS tiendront ensemble, et qui donne lieu à d'âpres négociations. © J. NAEGELEN/REUTERS

Jamais vie publique et vie privée ne se sont autant confondues que lors de la présidentielle de 2007

Le Vif

A droite et à gauche, deux couples au bord de la rupture. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal font campagne sur plusieurs fronts.

Rivaux dans la bataille, égaux dans la tourmente. Invincibles à l’extérieur, brisés de l’intérieur. Adversaires le jour, alliés d’infortune la nuit. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, par l’une de ces coïncidences avec lesquelles le destin s’amuse, mènent chacun deux campagnes en 2007 : l’une, offensive, violente, pour le pouvoir ; l’autre, ardente, désespérée, par amour. Ce combat-là, celui qui les jette dans les bourrasques du coeur, les laisse échoués tous les deux : Nicolas Sarkozy conquiert l’Elysée mais il ne réussit pas à empêcher son épouse, Cécilia, de le quitter ; elle obtient le divorce quelques mois plus tard. Ségolène Royal rassemble sur son nom presque 17 millions de voix, mais elle renonce à convaincre François Hollande, qui entretient depuis 2005 une liaison avec Valérie Trierweiler, journaliste à Paris Match, de choisir entre deux vies, et officialise très vite leur séparation. Pour les deux finalistes de l’élection, le 6 mai 2007 est à marquer d’une pierre noire.

Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut : son compagnon » – C’est le bon mot d’Arnaud Montebourg, l’un des porte-parole de la candidate socialiste, le 17 janvier 2007, sur le plateau du Grand Journal, qui vise ainsi François Hollande.

Leurs calvaires respectifs auront duré bien plus longtemps que celui du Christ. Depuis deux ans, Sarkozy tente par tous les moyens de reconquérir sa femme, éprise d’un autre homme, indécise pourtant dans ses choix. Elle est partie, revenue. Lui l’aime comme un fou, fort de cette promesse, lancée aux premières lueurs de leur bonheur :  » Nous entrerons ensemble à l’Elysée.  »

Le jour de sa victoire, peut-être le plus beau et le pire de la vie de Nicolas Sarkozy : Cécilia tarde à s'associer à la liesse et fait s'impatienter les artistes venus, place de la Concorde, féliciter le vainqueur.
Le jour de sa victoire, peut-être le plus beau et le pire de la vie de Nicolas Sarkozy : Cécilia tarde à s’associer à la liesse et fait s’impatienter les artistes venus, place de la Concorde, féliciter le vainqueur.© P. KOVARIK/AFP

Mais plus la campagne avance, plus Cécilia Sarkozy regarde la victoire s’approcher avec angoisse : cet avenir-là, décidément, elle n’en veut pas. Le candidat a beau multiplier les gages, repousser à toute force l’imminence de la rupture, sa femme lui échappe. Alors, comme Royal, il met en scène son bonheur, son couple ; comme Royal, il renvoie une voiture vide sur l’île de la Jatte, près de Paris, où vit Cécilia, tandis qu’il rejoint d’autres appartements. Le matin du débat de l’entre-deux-tours, elle lui annonce qu’elle va demander le divorce ; à quelques minutes de l’antenne, enfermé dans les toilettes, il la supplie de réfléchir encore, alterne la prière et la colère. S’installe sur le plateau avec cette enclume qui lui comprime la poitrine. En face de lui, Ségolène Royal, elle aussi, a le coeur en miettes, à la fois présente et hors d’état, pour une confrontation qu’elle a préparée avec Hollande… par fax. Ce soir-là, ce sont deux amoureux fracassés qui s’affrontent. Leur chance ? Chacun a eu vent des tourments de l’autre. Entre eux, c’est un pacte de silence, un répit, un accord tacite de non-agression.

Le jour de sa victoire est le plus beau de sa vie. Il est aussi, sans doute, le pire de l’existence de Nicolas Sarkozy. Non seulement sa femme n’est pas allée voter mais elle refuse de s’associer à la liesse. Jusqu’au bout, elle menace de transformer un succès politique en drame privé planétaire alors que la presse scrute depuis des mois les aléas du couple. Tandis qu’il l’attend au Fouquet’s, les artistes venus soutenir le vainqueur place de la Concorde quittent les lieux un par un, lassés de patienter, furieux d’être maltraités, inconscients de la comédie pathétique qui se joue sous leurs yeux. Ensuite, parce qu’elle l’apprécie, ce sera le yacht de Vincent Bolloré, quelques jours de luxe et de volupté mal compris et mal interprétés quand le nouveau président avait théorisé une retraite monastique pour inaugurer le quinquennat.

Par Élise Karlin.

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