Carte blanche

Iran: la peur a changé de camp (carte blanche)

En Iran, le mécontentement populaire, ignoré pendant des décennies, devient de plus en plus difficile à entendre, pointe Hamid Enayat, politologue et spécialiste de son pays d’origine.

Le 28 décembre à Qom, la Rome des mollahs iraniens, une femme a envoyé valdinguer le turban d’un mollah et lui a donné un coup de pied bien senti. Le mollah venait juste de l’insulter en s’en prenant à sa façon de s’habiller. Le clip a été largement diffusé sur les médias sociaux. La femme a été arrêtée et nul ne sait ce qu’elle est devenue.

Le 28 décembre, lors d’un rassemblement de retraités devant le parlement iranien, une femme a crié : « Nous avons donné notre jeunesse pour faire de cette patrie une (belle) patrie. Mais vous avez tout détruit, et maintenant c’est à votre tour d’être détruits ».

Mohammad-Reza Zaéri, un religieux bien connu du régime, dont le nom a été cité dans l’affaire de l’attentat manqué de Villepinte en banlieue parisienne en 2018 pour s’être rendu à Paris avec le diplomate Assadi, le poseur de bombe, dans le but de déterminer le lieu de l’attentat, a déclaré sur Instagram que la colère et la haine ont atteint le point où en dix jours il a été maudit deux fois et la cible d’un crachat une fois.

Des manifestations de travailleurs, retraités, enseignants et autres catégories sociales se poursuivent chaque jour aux quatre coins de l’Iran pour des salaires impayés ou inférieurs au seuil de pauvreté.

Le mécontentement populaire a été ignoré et rejeté pendant quatre décennies, l’âge de la République islamique. Mais le guide suprême Ali Khamenei et d’autres éléments du pouvoir considèrent que la main des États-Unis et de l’Occident est impliquée dans ces protestations. Lier les manifestations à une main étrangère, leur permettent de trouver une excuse à la répression sauvage.

Les exécutions se poursuivent sans relâche. 350 pendaisons en 2021. Mais le régime ne peut pas arrêter l’éruption de la colère générale.

Les dictateurs gouvernent toujours avec le soutien des forces répressives. Après des années de coercition et de pression sur le peuple, le roi est nu, ils ne leur restent qu’un mirage de soutien populaire. Le gouvernement d’Ibrahim Raïssi compte plus de 30 membres des Gardiens de la révolution, et chaque jour, un commandant des pasdarans remplace un gouverneur. L’Iran est désormais dirigé par de nombreux QG opérationnels. Le pouvoir affirme avoir installé des caméras et des patrouilles dans chaque rue pour éviter que le feu du mécontentement, qui couve sus la cendre, ne propage un incendie.

Mais lorsque la statue de Qassem Soleimani, icône de l’influence régionale et du terrorisme du régime iranien, honni pour avoir tué des centaines de milliers de Syriens, et pour le massacre de l’opposition iranienne, est inaugurée à Chahrekord dans le Kurdistan iranien, elle est incendiée quelques heures plus tard.

Et il s’agit d’une réponse de la population au guide suprême Ali Khamenei et ses projets, comme la production d’une bombe atomique qui a déjà englouti 2000 milliards de dollars, ou de l’ingérence régionale avec la formation et l’entretien d’un réseau de milices au Moyen-Orient qui a fait passer 60 millions d’Iraniens sous le seuil de pauvreté dans un Iran dont le sous-sol regorge de richesses.

Les Iraniens se retrouvent dans un pays occupé, comme la France par les nazis. Dès lors, les unités de résistance se sont développées pour sauver leur pays de cette dictature religieuse.

Faisant référence aux unités de résistance, le Guide suprême a déclaré dans son discours du 9 janvier qu' »il y a ceux qui essaient de saper l’espoir chez les jeunes et de les rendre méfiants dans l’avenir. Ne laissez pas certains agir dans le cyberespace et le non-cyberespace avec leurs tentations dans le sens opposé à l’espérance qu’il faut donner aux jeunes. »

Il y a un temps où les dictateurs n’écoutent pas le peuple. Mais lorsque sa colère enflamme les protestations, alors c’est le peuple qui n’écoute plus les dictateurs.

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