Gérald Papy

Ingouvernable Liban ? (édito)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Fort de ses dix-huit communautés confessionnelles reconnues, le Liban s’est bâti sur un modèle alambiqué et fragile de répartition du pouvoir politique.

Le pays lui-même est né de la volonté de la puissance tutélaire française de garantir un sanctuaire aux chrétiens de ce qui n’était alors qu’une portion de la Grande Syrie. Le Pacte national attribuait donc la présidence de la République à une personnalité chrétienne quand les deux autres grandes communautés, les musulmans sunnites et chiites, héritaient respectivement de la direction du gouvernement et de la présidence de la Chambre des députés.

Ce système a survécu à une effroyable guerre civile (plus de 200 000 morts). Mais il n’est pas certain qu’il résiste aux conséquences des absurdes explosions qui, le 4 août, ont fait au moins 160 morts et quelque 250 000 sans-abri en plein Beyrouth. Ce constat témoigne de deux réalités nouvelles. Une partie de la communauté internationale est exaspérée par le refus des gouvernements libanais d’engager ne fût-ce que le commencement des réformes qui permettraient la libération de quelque dix milliards de dollars promis par le Fonds monétaire international depuis la Conférence Cèdre en 2018. Un large éventail de la population libanaise est excédé par l’incapacité récurrente et démontrée de ses dirigeants à lui assurer le minimum de protection et de services publics que tout exécutif responsable se devrait de procurer.

Le Liban est malade de son systu0026#xE8;me politique et du ru0026#xF4;le en son sein du Hezbollah (u0026#xE9;dito)

Dresser le constat de la faillite du système politique libanais ne dit rien de la difficulté de lui substituer une alternative crédible et durable. Le président français Emmanuel Macron a paru l’ignorer en déboulant à Beyrouth pour proposer aux dirigeants « un nouveau pacte politique » qui aurait d’autant moins de chances de récolter l’adhésion qu’il serait téléguidé de l’étranger. Les Occidentaux rêvent en réalité de voir un nouveau Liban émerger de la révolte qu’une partie de la population et de la société civile a lancée depuis le 17 octobre 2019 en réaction à la débâcle économique. Ce pari, même souhaitable, risque de pâtir du prisme prochrétien et prolibéral, au sens politique, de ses défenseurs.

Certes, l’assistance aux manifestations contre le pouvoir recèle une composante chiite inédite, de nature à nourrir les espoirs d’une unité nationale retrouvée. On ne demanderait qu’à y croire. On doute cependant qu’elle témoigne de l’adhésion d’une majorité de cette communauté à une refonte radicale du système qui conduirait à un dépassement des équilibres communautaires. Le Liban n’est pas seulement malade des dérives de son système politique. Il l’est aussi du rôle en son sein du Hezbollah chiite. Parti et seul belligérant de la guerre civile ayant été autorisé à garder sa force armée, il a développé un pouvoir supranational, en opposition à Israël, en soutien du régime syrien et au service de la République iranienne, qui peut nuire aux intérêts libanais.

La crise libanaise amène à se demander si les petits pays qui abritent plusieurs communautés ne seraient pas devenus ingérables sous l’effet partagé de la montée des égoïsmes et des communautarismes. Il est bien difficile de l’affirmer tant les situations sont diverses et incomparables, entre le Liban et la Belgique par exemple. On ne peut que constater cependant que s’ils furent jadis cités en exemple et jalousés pour leur capacité à faire cohabiter des populations diverses, ils figurent plutôt aujourd’hui, hors la Suisse, comme des repoussoirs par la part de paralysie qu’induit leur complexité.

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