Jacques Maget

Indignez-vous! Mais avec dignité!

Jacques Maget écrivain et blogueur

Indignez-vous ! Qu’il était fort le message de Stéphane Hessel. Nous étions en 2010. Sept ans plus tard, si le message est toujours d’actualité (1), il a été entièrement dévoyé par beaucoup.

Chaque groupe culturel, religieux, politique, partisan, économique ou anti-quelque chose usant et abusant de ce qu’il croit être de l’indignation. Alors qu’il ne s’agit plus que de colère, de frustration, de passion, bref, de réclamation.

De l’idée noble insufflée par Hessel, la masse n’a retenu que l’idée de faire entendre ses voix. D’un grand mouvement fustigeant l’injustice et l’inégalité, la masse n’a entendu que le droit de réclamer tous ses petits dûs.

Et de s’indigner quand la presse ose s’en prendre aux siens. A ceux qui défendent ses intérêts particuliers et les convictions qui vont avec.

Il suffit d’entendre l’aveuglement dont font preuve les partisans de certains candidats à la présidentielle. Ils s’indignent que l’on ose s’indigner, ailleurs, des comportements dysfonctionnants des leurs champions.

Stéphane Hessel basait son appel sur des faits.

La masse prend le droit de s’indigner en ignorant les faits qui la dérangent.

« Quelle indignité ! » semble être la réponse type à chaque révélation étayée et contrariante.

Même les gars de la Marine s’indignent qu’on ose « justicier » leur Jehanne d’Arc. La plaçant au-dessus des lois qu’ils s’apprêtent à piétiner une fois la victoire acquise. Et quand un journaliste de la RTBF évoque « la justice » à propos des démêlés de François Fillon, ses partisans crient à l’amalgame. Tous pourris sauf les nôtres.

L’aveuglement a toujours été le principal obstacle à la lecture.

Même si la lisibilité reste parfois une notion floue, voire compliquée.

La justice et la presse d’information (non, ce n’est plus un pléonasme), ces empêcheurs de gouverner en rond, restent les seuls garants de la démocratie bien comprise.

L’indignation généreuse est devenue revendication passionnelle et égoïste.

Et Facebook et ses pairs ont fait le reste, nous installant de plain pied sur le plateau du « Petit rapporteur ».

Leurs algorithmes confinant leurs utilisateurs dans leurs cocons de petites indignations partisanes. Les empêchant de voir ailleurs.

Mais il y a plus grave.

Quand cette délation larvée, dont abuse généreusement le président des Etats-Unis, est utilisée au sommet du pouvoir, elle ouvre la voie à tous ceux qui ont ou auront le nez dans le caca. François Fillon n’a-t-il pas évoqué publiquement devant 200.000 (pardon, 40.00) fanatiques la suicide de sa femme ? Rien n’est désormais plus trop « gros » dès qu’il s’agit d’accéder au pouvoir. Et, en Amérique comme en France, les partisans partisent.

La présomption de culpabilité s’efface devant la suspicion de quelque grand complot. Quant à la présomption d’innocence, elle ne fonctionne que pour les siens.

Et ça marche. « Regardez comme ils osent abreuver leurs sillons de notre sang pur ! ».

Plus que jamais la justice et la presse se doivent de rester irréprochables. Sinon, bienvenue en Pologne, en Turquie ou en Hongrie. Non, la Corée du Nord, c’est déjà complet !

(1) Dans cet essai, Stéphane Hessel appelle, en s’appuyant sur l’idée « sartrienne » d’engagement personnel, à ne pas accepter le creusement des inégalités de richesse, critique la politique d’immigration des gouvernements Fillon, regrette le poids du monde financier dans les choix politiques et dénonce l’affaiblissement de l’héritage social du Conseil national de la Résistance (sécurité sociale et régime de retraite). Sous le titre « Mon indignation à propos de la Palestine », un développement est consacré à la situation imposée par l’Etat d’Israël à la Palestine, et notamment à la Bande de Gaza.

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