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« Il ne faut pas voir le revenu de base comme de la solidarité, mais plutôt comme un don du passé »

Le Vif

Rutger Bregman, auteur du livre Gratis Geld voor iedereen (De l’argent gratuit pour tout le monde) et journaliste au quotidien De Correspondent, estime que nous devons revoir nos positions sur le travail.

Rutger Bregman: La Suisse a organisé un référendum sur le revenu de base. Les trois quarts de la population ont voté contre, et pourtant cela m’a rendu optimiste. Il y a cinq ans, aucun Suisse ne savait ce qu’était le revenu de base, mais aujourd’hui un quart d’entre eux vote pour une idée aussi folle. J’appelle ça un succès. Dans les années cinquante, ils ont d’ailleurs organisé un référendum sur une autre idée folle – le droit de vote pour les femmes – qui a également été rejeté en masse. Je ne vois donc pas ceci comme une fin, mais comme un début. Aucun pays ne bouleverse toute la sécurité sociale d’un jour à l’autre.

Le plan était de donner 2260 euros par mois à chaque adulte. N’était-ce pas trop ?

Ce montant a uniquement été cité dans un commentaire, ce n’était pas le noyau du référendum. Mais 2260 euros, c’est trop, effectivement. Généralement, les adeptes souhaitent que le revenu de base oscille autour du seuil de la pauvreté et on part du principe que tout le monde fera du travail payé.

Beaucoup de pays testent le concept à petite échelle. L’automne dernier, la Finlande a donné 560 euros par mois à 2000 chômeurs dans l’espoir de les ramener sur le marché du travail. Vous souhaitez toutefois que le revenu de base ait un effet libérateur.

Je veux dire par là qu’il faut avoir le choix entre travailler ou non. Mais à côté de cela, beaucoup gens vivront comme une forme de liberté le fait de pouvoir retravailler. Aujourd’hui, la sécurité sociale garde psychologiquement et fiscalement les gens en bas de la société, car ils reculent souvent quand ils vont travailler. Nous créons la dépendance. Je trouve très beau de faire travailler les gens de cette façon-là, de leur donner une identité.

En Finlande, c’est surtout le coût qui rencontre de la résistance. Voyez-vous d’autres obstacles ?

Le plus grand obstacle est idéologique, la conviction qu’il faut travailler pour son argent. En plus, le travail est trop étroitement défini. Souvent, le travail bénévole, l’aide aux personnes et les soins apportés aux enfants ne comptent pas. Je plaide en faveur d’un autre regard sur l’origine de la prospérité. Il ne faut pas voir le revenu de base comme de la solidarité, mais plutôt comme un don du passé. 95% de nos richesses ont été créées avant notre ère. Le revenu de base n’est qu’un dividende là-dessus.

Malheureusement, nous pensons très fort en termes de coûts et nous voyons la solidarité comme une considération morale. Or, le revenu de base, c’est surtout un bon plan business.

Aujourd’hui, nous gaspillons énormément de capital humain, et les coûts liés à la pauvreté de soins ou de justice augmentent rapidement. C’est simplement un bon investissement pour un rendement élevé. Malheureusement, nous avons un peu désappris le pragmatisme.

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