Lam Wing-kee, l'un des libraires "disparus" © AFP

Hong Kong: colère après les révélations d’un des libraires « disparus » sur les méthodes chinoises

Le Vif

Des manifestants en colère se sont rassemblés vendredi à Hong Kong après les révélations d’un des libraires « disparus » de l’ex-colonie britannique qui a raconté comment il avait été arrêté et interrogé des mois durant en Chine pour avoir vendu des ouvrages critiques envers Pékin.

Lam Wing-kee est l’un des cinq libraires de Hong Kong qui s’étaient volatilisés fin 2015, une affaire qui a semé l’effroi alors que de nombreux habitants ont le sentiment que Pékin est en train de durcir son emprise sur le territoire.

Libéré sous caution, M. Lam a raconté lors d’une conférence de presse qui ne devrait pas manquer de susciter l’ire de la Chine, comment il avait été arrêté en se rendant sur le continent et questionné pendant des mois sans accès à un avocat ou à sa famille.

Les cinq « disparus » travaillaient tous pour « Mighty Current », une maison d’édition spécialisée dans les titres salaces sur la vie privée des dirigeants chinois et les intrigues politiques au sommet du pouvoir.

Leurs disparitions avaient été vivement condamnées par la communauté internationale.

Ils avaient refait surface en Chine continentale, où au moins quatre d’entre eux, dont M. Lam, font l’objet d’enquêtes pour avoir introduit en Chine des ouvrages interdits.

M. Lam devait repartir en Chine jeudi mais a décidé de rester dans l’ancienne colonie britannique pour raconter son histoire.

Il a dit qu’il avait passé deux nuits blanches avant d’arrêter sa décision. « Si je ne parle pas, Hong Kong ne pourra plus rien faire. Ce n’est pas qu’une histoire personnelle ».

‘Un modèle pour le peuple’

Une quarantaine de manifestants du parti prodémocratie Demosisto se sont rassemblés devant le bureau de liaison chinois de l’ancienne colonie britannique repassée en 1997 sous la tutelle de Pékin.

« Défendez les libertés des Hongkongais », scandaient les manifestants.

« Nous espérons que le monde fera pression sur le gouvernement pour obtenir la libération de tous » les libraires, a déclaré Nathan Law, l’un des organisateurs de la manifestation au côté de Joshua Wong, leader étudiant devenu le visage de l’immense mouvement prodémocratie de l’automne 2014.

Pour le leader étudiant, M. Lam est un héros. « Lam Wing-kee est un modèle pour le peuple de Hong Kong, il affronte l’oppression du régime communiste », a-t-il dit.

Demosisto est un nouveau parti qui prône l’autodétermination de Hong Kong, à l’instar d’un nombre croissant de jeunes militants qui veulent prendre leurs distances d’avec Pékin, craignant pour leurs libertés.

Hong Kong jouit de libertés inconnues ailleurs en Chine continentale, en vertu du principe « Un pays, deux systèmes », en théorie jusqu’en 2047.

Amnesty International a également dénoncé le traitement réservé au libraire.

D’autres manifestations sont prévues dans la journée.

Aveux dictés

« Il semble clair qu’il a fait l’objet d’une détention arbitraire, comme probablement les autres, qu’il a été maltraité et forcé de passer aux aveux », a déclaré Mabel Au, d’Amnesty Hong Kong.

M. Lam a expliqué que ses aveux télévisés diffusés par les médias officiels chinois en février lui avaient été dictés. « J’ai joué la comédie devant la caméra. Il y avait un réalisateur. Je devais réciter un texte. J’avais peur. Je ne savais pas ce qu’ils allaient me faire ».

Il n’a pas subi de violences physiques mais a souffert mentalement, subissant des interrogatoires à répétition, a-t-il dit.

M. Lam a raconté qu’il avait été arrêté en traversant la frontière entre Hong Kong et la ville voisine de Shenzhen en octobre.

Les yeux bandés, il a alors été emmené en train près de Shanghai, où il est resté cinq mois confiné dans une petite pièce avant d’être placé sous surveillance dans un appartement.

Deux des libraires, Cheung Chi-ping et Lui Por, sont revenus à Hong Kong en mars après avoir été libérés sous caution mais sont repartis en Chine, selon les médias.

Lee Bo, qui dit aider de son plein gré les autorités chinoises, est lui aussi revenu en mars avant de repartir aussitôt.

Son cas avait particulièrement scandalisé les Hongkongais. C’est le seul à s’être volatilisé alors qu’il se trouvait à Hong Kong et Pékin a été accusé d’y opérer illégalement.

M. Lam a cependant dit que Lee Bo avait été conduit en Chine contre son gré.

Le cinquième disparu, Gui Minhai, un ressortissant suédois, est toujours détenu.

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