Craignant une panique bancaire, les Russes ont fait la file dès le week-end dernier pour récupérer du cash. © GETTY IMAGES

Guerre en Ukraine: les sanctions économiques, le nerf de la guerre

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

En frappant les Russes au portefeuille, vite et fort, les Européens ont affiché une unité exceptionnelle, dont l’ampleur était sans doute inattendue pour Poutine.

C’est bien joué. En à peine trois jours, les Vingt-Sept, souvent hésitants et divisés, ont réussi à s’accorder sur un arsenal de sanctions financières inédites à l’égard de Moscou. Cela n’a même rien à voir avec les mesures économiques prises à la suite de l’annexion de la Crimée, en 2014. Cette fois, c’est vraiment du lourd. L’exclusion de la Russie du système interbancaire sécurisé Swift avait largement été évoquée dès avant l’invasion de l’Ukraine. On sentait les Allemands et les Italiens, fortement dépendants des fournitures de Gazprom, très timorés. Ils se sont malgré tout rangés à la décision d’évincer 70% des banques russes de la plateforme financière, ce qui ralentira considérablement les transactions de la Russie avec le reste du monde. Berlin a néanmoins obtenu que le blocage ne soit pas total et épargne des institutions comme Gazprom ou la banque par laquelle les factures de gaz sont réglées.

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On sait que Moscou a anticipé le châtiment, qui devrait être très temporaire, et essayera de le contourner grâce à sa propre messagerie financière SPFS qui permet déjà des transactions avec d’anciens pays satellites du bloc de l’Est. Mais l’UE ne s’est pas contentée de Swift, elle a aussi décidé, en accord avec les pays du G7 (dont les Etats-Unis, le Canada et le Japon), de geler les avoirs de la Banque centrale russe qui dispose de plus de 630 milliards de dollars en devises, soit le trésor de guerre de Poutine à qui il manquera un levier important s’il veut freiner ses exportations de gaz vers l’UE. En réalité, plus de la moitié de ces devises détenues dans des banques étrangères sont désormais paralysées, ce qui est énorme. Le choc financier s’est aussitôt fait ressentir à Moscou où le rouble a chuté de 30% et où la Banque de Russie a doublé son taux directeur, ce qui a des conséquences pour le quotidien des Russes qui, craignant une panique bancaire, faisaient déjà la file devant les distributeurs de billets le week-end dernier.

Ce blocus financier ainsi que le gel des avoirs d’oligarques proches du Kremlin suffiront-ils, à terme, à faire plier Poutine? Difficile à dire. Pas sûr, quoi qu’il en soit, que celui-ci ait tablé sur une détermination européenne aussi prompte. Mais il faut s’attendre à des mesures de rétorsion de sa part, comme lorsqu’il avait décrété un embargo alimentaire envers les Européens en 2014, lequel avait entraîné une inflation côté russe et une chute des prix côté occidental, mais avait également propulsé la Russie, grâce à son adaptation agricole, en tête des exportations mondiales de blé dès 2016.

Si l’UE est, ici, au rendez-vous de l’histoire, Poutine le sera aussi, lui qui détient la clé de la sécurité en approvisionnement énergétique du Vieux continent. Certaines banques européennes, surtout françaises et italiennes, sont fort exposées à la Russie (à hauteur de vingt milliards d’euros pour chacun des deux pays). Les belges le sont moins (cent millions). Le décrochage de Swift affectera aussi les partenaires commerciaux de la Russie, dont les importations seront bloquées. Les gouvernements occidentaux ont annoncé que les pertes de leurs entreprises seront compensées, mais, après les aides Covid, la note risque d’être salée. La guerre sera aussi économique.

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