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Guerre en Ukraine : la Chine restera-t-elle neutre ? Xi Jinping danse sur une corde raide

Catherine Vuylsteke Journaliste Knack

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une très mauvaise nouvelle pour la Chine et le président Xi Jinping.

La façon dont une invasion est rapportée est toujours révélatrice. Le premier jour de la guerre en Ukraine, l’agence de presse officielle chinoise Xinhua a présenté la situation comme suit: « Une série d’explosions a eu lieu jeudi matin au plus grand aéroport d’Ukraine et sur plusieurs cibles militaires dans l’est et le sud du pays, a rapporté l’agence de presse Interfax Ukraine. Le ministère ukrainien des Infrastructures a indiqué que les passagers et le personnel avaient été évacués. Des sources médiatiques ont également parlé d’attaques à Kharkov, Kramatorsk, Vasilkov, Dnipro et Odessa ». Fin du message. Avec aplomb, le nom de l’agresseur n’est même pas évoqué.

Tant qu’il s’agissait d’une simple menace de guerre, Xi n’avait pas à prendre parti. Dans les jours qui ont suivi, on va relayer aux lecteurs chinois un surprenant état des lieux de la situation. Il y a un direct sur les « tensions en Ukraine » et, au cinquième jour de la guerre, Xinhua se cantonne à une déclaration sommaire selon laquelle « les forces russes ont frappé 1 114 cibles militaires ukrainiennes ».

Si le rapport factuel des événements est des plus surprenant, leur interprétation l’est tout autant. Ainsi on a pu lire, dans le journal du parti chinois le Global Times, « la Russie agit de manière très prudente », a déclaré lundi. La plupart de ses troupes sont destinées à empêcher une intervention de l’OTAN. (…) La situation a quelque peu changé, car les troupes ukrainiennes ne sont pas aussi faibles que l’Occident le pensait. Plusieurs pays occidentaux ont commencé à fournir des armes pour perpétuer le conflit. (…) L’Ouest veut le maximum de pertes des deux côtés. La Chine reste à l’écart, car si un jour on a besoin d’un médiateur, il faut que ce soit un pays qui ait adopté une position neutre. Les voix occidentales ne devraient pas être aussi omniprésentes, car ce sont les États-Unis et l’OTAN qui ont piloté le conflit (…) Les préoccupations russes en matière de sécurité sont légitimes, car l’OTAN a fait pression sur Moscou dans le passé et a détruit la Yougoslavie« .

La Chine peine également à concilier des principes jusqu’ici sacrés – tels que la souveraineté nationale et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays – avec une alliance forte avec la Russie. Dans une année où le président Xi cherche à obtenir un troisième mandat de cinq ans, une guerre ne l’arrange guère. La gestion de la plus grande crise sécuritaire depuis la fin de la guerre froide a un coût économique énorme et cela signifie moins de temps et d’énergie pour les défis nationaux. De quoi tout de même refréner les ardeurs.

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Tant qu’il s’agissait d’une simple menace de guerre, écrit l’expert sino-américain Minxin Pei, Pékin s’en accommodait puisque cela détournait l’attention de Washington de son principal rival, la Chine, et l’amitié russe offrait la perspective d’une puissance militaire et de ressources énergétiques supplémentaires. Jusqu’à peu, Xi ne devait pas choisir son camp et pouvait encore conclure des accords avantageux avec la Russie, l’UE et l’Ukraine.

Mais maintenant que la guerre est bien réelle, La Chine danse sur une corde raide. Xi pourrait atténuer l’impact des sanctions occidentales sur son « ami Poutine » puisque la Chine dispose de 3 000 milliards de dollars en devises étrangères. Mais va-t-il prendre ce risque en sachant que cela va miner ses liens avec l’Occident ? Les États-Unis et l’UE représentent tout de même un tiers de toutes les exportations chinoises et Pékin dépend des importations de technologies occidentales pour son expansion économique.

D’un autre côté, si Xi ne soutient pas Poutine et que Moscou perd la guerre en Ukraine, on peut s’attendre à ce que le soutien américain envers Taïwan augmente. L’île convoitée par Pékin est la seule démocratie sinophone du monde, mais aussi une superpuissance dans le domaine des semi-conducteurs et le huitième partenaire commercial le plus important de Washington, alors que l’Ukraine occupe la 67e place.

Les voisins de la Chine, le Japon et la Corée du Sud en tête, observent la situation avec une tension palpable. Car comme, l’a encore indiqué récemment le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, « si nous permettons que le statu quo soit modifié par la force, cela aura un impact énorme sur l’Asie ».

Pékin réunit sa grand-messe annuelle ce week-end

La Chine réunit à partir de samedi sa grand-messe politique annuelle avec une session parlementaire qui va devoir naviguer entre Covid, ralentissement économique et guerre en Ukraine. Les près de 3.000 députés de l’Assemblée nationale populaire (ANP) vont comme chaque année ratifier comme un seul homme les décisions du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir, dans le cadre solennel du Palais du peuple à Pékin. Sur fond de drapeaux rouges géants, l’événement devrait être aussi l’occasion de cimenter encore l’influence du président Xi Jinping, qui visera en fin d’année un nouveau mandat après 10 ans à la tête de la deuxième puissance mondiale. La session du Parlement doit préparer le terrain au Congrès quinquennal du Parti communiste qui devrait consacrer en fin d’année l’homme fort de Pékin. Et évoquer en coulisses le jeu de chaises musicales qui accompagnera le renouvellement de l’équipe dirigeante.

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