Ukrainian service members ride on top of a military vehicle, amid Russia's invasion of Ukraine, in Bakhmut, Donetsk region, Ukraine, May 29, 2022 REUTERS/Carlos Barria

Guerre en Ukraine: et soudain, la Russie semble gagner

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Dans le Donbass, la guerre penche en faveur des Russes. Une situation qui pourrait augmenter les chances de négociations de paix. Mais Zelensky compte sur la réception d’armes encore plus lourdes.  

Depuis le début de la guerre, l’armée russe s’est fortement trompée sur la capacité de résistance des Ukrainiens, bien aidés par une aide occidentale, elle aussi sous-estimée par les Russes. L’attaque sur Kiev a échoué. Puis, à Kharkov et Odessa, les deuxième et troisième plus grandes villes du pays, l’histoire s’est répétée.

Par contre, les Russes ont réussi à conquérir un corridor terrestre stratégique qui relie la Crimée à la Russie et, dans le Donbass également, les Ukrainiens éprouvent de plus en plus de difficultés. La ville de Severodonetsk subit le même sort brutal que Marioupol. Si cette ville d’importance stratégique tombe, toute la province de Lougansk sera aux mains de la Russie. Elle pourra alors se concentrer pleinement sur la province de Donetsk.

Missiles de précision

Pour renverser la vapeur, les Ukrainiens ont besoin d’urgence d’armes (encore) plus lourdes. Celles-ci doivent provenir des États-Unis et du Royaume-Uni, les alliés occidentaux qui veulent aller le plus loin dans l’armement de l’armée ukrainienne. Depuis la semaine dernière, le débat tourne autour de la livraison d’un système de fusée avancé. Il s’agit d’un lanceur de roquettes peut tirer des missiles de précision avec une portée de 300 kilomètres. « Si l’Occident veut vraiment que nous gagnions, il est peut-être temps d’utiliser cette arme. Il est difficile de se battre quand on est attaqué à 70 kilomètres à la ronde et qu’on n’a rien pour se défendre », a tweeté Mychajlo Podoljak, conseiller politique du président Zelenski.

Mais ces missiles d’une portée de 300 kilomètres sont considérés par Moscou comme une nouvelle provocation. Poutine a déjà déclaré qu’une ligne rouge a été franchie. Les conséquences que le président russe en tirera ne sont pas claires. La question de savoir si l’avertissement doit être pris au sérieux reste sans réponse. A Washington, la décision n’a pas encore été prise, « mais nous sommes bien conscients que l’heure tourne », a déclaré John Kirby, porte-parole du Pentagone. La décision sera probablement prise cette semaine. Le compromis pourrait être que l’Ukraine obtienne les lanceurs, mais que les missiles n’atteignent pas 300 kilomètres.

Zelensky espère obtenir le feu vert prochainement. Il rappelle également que le Donbass pourrait être entièrement reconquis par l’Ukraine. Mais les analystes militaires estiment que ce scénario est de moins en moins plausible. Le corridor terrestre au sud semble également perdu pour de bon.

Des négociations qui divisent

Le fait que la Russie prenne le dessus sur le plan militaire après des mois de surplace rend également plus urgente cette autre question : comment cette guerre va-t-elle se terminer? Quand Poutine va-t-il s’asseoir à table avec Zelensky ? Lors d’une longue conversation téléphonique avec Poutine, le président français Macron et le chancelier allemand Scholz ont insisté pour que des pourparlers de paix soient engagés. Bien plus que les Britanniques et les Américains, ils espèrent une solution négociée.

Mais leur « discussion » avec Poutine divise l’Europe. De vives critiques ont été exprimées dimanche, notamment dans les États baltes, qui craignent que Scholz et Macron fassent pression sur Zelensky pour qu’il s’assoie autour de la table et accepte de perdre des terres. Selon Artis Pabriks, vice-premier ministre letton, les deux « soi-disant dirigeants occidentaux n’ont aucun sens de la réalité politique ».

A court terme, les négociations semblent être une utopie. Maintenant que Poutine a le sentiment d’être du côté des vainqueurs, il continuera son offensive. La question est aussi de savoir s’il se contentera du Donbass. « S’il est prêt à accepter un cessez-le-feu, c’est principalement pour permettre à son armée de reprendre des forces« , a déclaré Eitvydas Bajarunas, l’ambassadeur lituanien en Russie.

A quelles conditions Zelensky – la décision finale lui appartient – veut-il signer un accord ? Pour l’instant, il est impensable qu’il accepte de perdre le Donbass et le sud. Mais le président ukrainien envoie parfois des signaux contradictoires. La semaine dernière, il a déclaré que la guerre devait se terminer par une solution diplomatique, et non par une victoire militaire majeure.

Pour Poutine, plus la guerre se prolonge, plus il doit avaler de pertes. Le fait que la Russie soit également à court de troupes était très clair le week-end dernier. Poutine a signé une loi abolissant la limite d’âge des nouvelles recrues, qui était fixée à 40 ans. Et puis, bien sûr, il y a les sanctions occidentales, qui se ressentent de plus en plus. Par exemple, la fabrication de nouvelles armes devient plus difficile car la Russie ne reçoit plus de technologie occidentale.

Bien sûr, il est également possible que la chance tourne dans le Donbass. Selon l’Institut pour l’étude de la guerre, l’armée russe déploie des troupes et des ressources disproportionnées pour conquérir Severodonetsk. Quel que soit le vainqueur de la ville, l’offensive russe aura atteint son apogée sur le plan opérationnel et stratégique.

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