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Grande-Bretagne: Cameron va-t-il réussir à réformer la Chambre des lords ?

Le chef des Libéraux-Démocrates, Nick Clegg, allié du Premier ministre, présente, ce mercredi, à la Chambre des communes, un projet de loi sur la réforme de la Chambre des lords. Mais cette réforme n’est pas du goût de tout le monde.

Le Premier ministre, David Cameron, s’est engagé à modifier la nomination des membres de la Chambre des lords. « Nous avons débattu de ce problème pendant 100 ans. Il est vraiment temps maintenant de faire des progrès » a-t-il soutenu à l’ouverture du débat mercredi. Mais, la mission ne sera pas aisée. Réformer une institution du XIVème siècle, empreinte de traditions, n’est pas du goût de tout le monde. L’Express décrypte le nouveau défi auquel est confronté le chef du gouvernement britannique.

Pourquoi réformer la Chambre des lords?

La Chambre haute du Parlement du Royaume-Uni se compose aujourd’hui 737 membres. Parmi eux, les lords héréditaires, issus des différentes pairies du Royaume, ne sont plus que 92 depuis 1999. Vingt-six membres de l’Église anglicane sont également membres de droit. Mais, la plupart sont nommés à vie par le monarque sur proposition du Premier ministre. Les Lords ne sont donc pas élus démocratiquement et les critiques fusent contre une institution perçue comme le symbole d’un temps révolu.

Est-ce la première tentative pour réformer cette institution non démocratique?

Non, cela fait un siècle que les hommes politiques britanniques tentent de moderniser cette assemblée. Depuis le XIXe siècle, les pouvoirs de la Chambre des lords ont, cependant, considérablement diminué. Une première loi (Parliament Act), proposée par le Parti libéral en 1911, après trois années de bataille, a permis à la Chambre des communes d’avoir le dernier mot en cas de désaccord entre les deux assemblées. En 1958, le gouvernement peut nommer certains lords, qui cessent ainsi d’être tous héritiers de leurs titres. En 1999, le gouvernement travailliste de Tony Blair ramène à 92 le nombre de membres héréditaires. Six ans plus tard, la loi sur la réforme constitutionnelle enlève à la Chambre son pouvoir judiciaire. Enfin, en 2006, la Chambre des Communes a voté en faveur de lords élus, mais son avis demeure purement consultatif.

Que prévoit ce nouveau projet de loi?

Le nombre de lords de la Chambre doit être réduit de 800 à 450. 80% des membres seront élus à la proportionnelle pour un mandat de 15 ans. Les premières élections sur ce modèle sont prévues pour mai 2015. La primauté de la Chambre des communes est conservée et inscrite dans le nouveau texte.

Qui sont ses défenseurs ?

Alliés aux conservateurs au sein de la coalition au pouvoir, les Libéraux-Démocrates entendent moderniser une assemblée où les femmes et les minorités ethniques restent sous-représentées. Les conservateurs, certes, favorables, ne sont pas pour autant pressés de changer le système: leur leader, David Cameron, a longtemps considéré que ce n’était pas une priorité de son mandat. L’opinion publique est par ailleurs majoritairement pour la démocratisation de l’institution. Selon un sondage Yougov, seules 20% des personnes interrogées estiment que la Chambre des lords fonctionne bien et n’a pas besoin d’être réformée.

Cette réforme a-t-elle des adversaires?

Chez les conservateurs, certains s’inquiètent de voir la Chambre haute gagner en légitimité et diminuer le pouvoir de la Chambre des communes. Le leader travailliste, Ed Miliband, est aussi confronté à des avis dissidents au sein de son mouvement: l’ancien ministre de l’Intérieur, David Blunkett, par exemple, a affirmé qu’il ne voterait pas le projet de loi.
Selon le Daily Mail, Boris Johnson, le maire de Londres, a pris la tête des dissidents conservateurs et a appelé à mettre fin « à l’incohérence des Lib-Dem ». Au total, entre 50 et 100 députés conservateurs s’opposeraient au projet, certains menaceraient même de démissionner.

Les Lords veulent bien sûr aussi sauver leur mandat. Ils estiment que beaucoup d’entre eux sont indépendants -un tiers ne sont pas membres de partis politiques- et apportent donc aux débats parlementaires une vision neutre. L’Eglise anglicane, quant à elle, veut pouvoir conserver les quelques sièges qui lui sont réservés.
Pourquoi cette réforme sera-t-elle difficile à faire passer?
Le 17 juillet, le projet de loi doit être approuvé en seconde lecture à la Chambre des communes après deux jours de débats. Les députés vont étudier ligne par ligne le texte qui sera ensuite confié aux lords. Les « rebels » conservateurs pourraient vouloir prolonger sciemment le débat à la Chambre des communes et retarder le vote. Le gouvernement aurait alors la possibilité d’utiliser une motion pour accélérer le processus mais devra, dans cette hypothèse, bénéficier de l’appui des travaillistes, qui pourraient exiger, en échange de leur soutien, un référendum sur la question. Mais une fois que le projet de loi aura été transmis à la Chambre des lords, le gouvernement sera obligé d’attendre que le vote ait lieu… Le gouvernement peut utiliser le Parliament Act pour contraindre les lords à se prononcer en session plénière, mais cela peut prendre deux ans. David Cameron pourrait alors être tenté d’abandonner une réforme qui n’est pas une priorité aux yeux d’un grand nombre de Britanniques.
Comme le rappelle un commentateur politique de la BBC, Nick Robinson, les réformes de la Chambre des lords ont toujours été battues en brèche. Cette dernière tentative pourrait une nouvelle fois échouer.

Par Marina Rafenberg , L’Express

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