Geoffrey Cox © Reuters

Voici celui qui signe le probable arrêt de mort de l’accord de Brexit

Le Vif

Les garanties décrochées par la Première ministre britannique sur l’accord de retrait de l’UE n’ont rien changé au « risque juridique » que le pays reste bloqué dans une union douanière après le Brexit, a estimé mardi le conseiller légal du gouvernement, un avis signant un probable rejet de l’accord au Parlement.

Les ajouts à l’accord de retrait obtenus lundi soir par Theresa May « réduisent le risque » que le Royaume-Uni soit « indéfiniment et contre sa volonté », pris dans le « filet de sécurité » en clarifiant le mécanisme. Mais « le risque juridique reste inchangé », a déclaré Geoffrey Cox, dans un avis très attendu, à 17 jours de la date prévue pour le Brexit le 29 mars et à quelques heures du vote des députés.

Le « filet de sécurité » (ou backstop) est un dispositif de dernier recours qui vise à éviter le retour d’une frontière physique entre les deux Irlande afin de préserver les accords de paix de 1998 et l’intégrité du marché unique européen.

Les députés britanniques ont réclamé à Theresa May qu’il soit supprimé ou modifié, après avoir massivement rejeté mi-janvier l’accord de divorce qu’elle a négocié pendant des mois avec Bruxelles. Les « Brexiters » craignent de rester indéfiniment « piégés » dans une union avec l’UE, car le « filet de sécurité » implique un alignement étroit de tout le Royaume-Uni sur les règles commerciales européennes en attendant la conclusion d’un accord sur les futures relations.

La livre sterling a brusquement baissé après la publication de l’avis de l’attorney general et a perdu en quelques minutes plus de 1% face à l’euro et au dollar après cette déclaration. Elle valait vers 11H15 GMT (12H15 à Paris) 1,3046 dollar, contre 1,3150 lundi à 22H00 GMT, et s’échangeait à 86,37 pence pour un euro, contre 85,50 pence la veille.

Theresa May avait annoncé lundi soir avoir obtenu des « changements légalement contraignants » à l’accord de retrait, à l’issue d’une rencontre à Strasbourg avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Les textes sur lesquels sont tombés d’accord Mme May et M. Juncker lundi ne créent pas de nouveaux mécanismes juridiques. Mais ils sont censé « clarifier » noir sur blanc, et de manière « juridiquement contraignante », que le Royaume-Uni pourra suspendre de manière unilatérale le backstop s’il est établi que l’UE n’a pas négocié de « bonne foi » pour remplacer ce dispositif controversé. C’est un « panel d’arbitrage », déjà prévu dans le traité de retrait, qui pourra se prononcer sur cette « bonne foi » et sa décision s’imposerait aux deux parties.

« L’attorney général confirme qu’il n’y a pas eu de changement significatif à l’accord de retrait malgré les documents juridiques approuvés hier soir. La stratégie du gouvernement vole en éclat », a tweeté Keir Starmer, chargé du Brexit au sein du Labour, principal parti d’opposition. Jeremy Corbyn, le chef du Labour, avait appelé dès lundi soir les élus à voter contre le texte.

Le Brexit pourrait être « perdu » si les députés rejettent l’accord

La Première ministre Theresa May a averti mardi les députés britanniques qu’il pourrait ne pas y avoir de Brexit du tout s’ils votaient dans la soirée contre l’accord de divorce conclu avec les Européens.

« Si l’accord n’est pas approuvé ce soir, le Brexit pourrait être perdu », a déclaré Mme May d’une voix fortement enrouée, devant la Chambre des communes. Un groupe influent de parlementaires britanniques eurosceptiques, comprenant notamment le chef des députés du parti unioniste nord-irlandais DUP, a recommandé plus tôt le rejet de l’accord qui sera soumis en début de soirée au parlement. La veille, le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, avait lui aussi appelé à ne pas soutenir le texte de la Première ministre. Les assurances obtenues lundi soir sur le backstop par Theresa May ne semblent pas convaincre de nombreux députés, augmentant la probabilité d’un nouvel échec pour la dirigeante conservatrice. « C’est cet accord ou le Brexit pourrait ne pas se produire du tout. (…) Il n’y aura pas de troisième chance, pas de nouvelles interprétations de l’interprétation (du backstop, ndlr) si le vote échoue », a de son côté mis en garde le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

– « Pas d’alternative » –

Les eurosceptiques du parti conservateur et le petit parti unioniste DUP attendaient l’avis de M. Cox pour se prononcer. « Nous allons examiner le texte ligne par ligne et nous faire notre propre opinion », s’est contenté de tweeter un porte-parole du DUP, dont les 10 députés sont indispensables à Theresa May pour avoir une majorité absolue au Parlement.

Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a estimé mardi devant la presse que ces changements « fournissaient une clarification » et des « garanties supplémentaires » espérant que le Parlement approuve le texte.

De son côté, M. Juncker a prévenu: « C’est cet accord ou le Brexit pourrait ne pas avoir lieu du tout ». « Il n’y a pas d’alternative », a insisté le Premier ministre néerlandais Mark Rutte sur Twitter.

Theresa May ouvrira les débats au Parlement en début d’après-midi, le vote des députés sur d’éventuels amendements, puis sur le texte, étant attendus dans la soirée.

Si l’accord est rejeté, les députés voteront mercredi sur la possibilité de sortir de l’UE sans accord, un scénario redouté par les milieux économiques.

Si cette option est exclue, le Parlement votera à nouveau jeudi, cette fois sur une proposition de report « limité » du Brexit.

Les 27 devront toutefois donner leur accord à l’unanimité et les dirigeants européens ont prévenu que toute demande en ce sens devrait être dûment justifiée.

Mme Merkel er M. Michel saluent le nouvel accord May/Juncker

La chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre belge démissionnaire Charles Michel ont salué mardi à Berlin l’accord sur le Brexit négocié dans la nuit précédente par la Première ministre britannique Theresa May et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à Strasbourg.

L’Union européenne a fait « une fois de plus des propositions claires et conséquentes » pour répondre aux inquiétudes de Londres et éviter un Brexit sans accord, a affirmé la chancelière lors d’une conférence de presse commune avec le chef du gouvernement fédéral belge. « Nous voulons une bonne relation, une sortie organisée de la Grande-Bretagne, et maintenant c’est au tour du Parlement britannique de prendre des décisions », a ajouté Mme Merkel, alors que les députés doivent se prononcer dans la soirée sur un compromis de dernière minute sur la question du mécanisme de maintien temporaire du Royaume-Uni dans l’Union douanière européenne. M. Michel a pour sa part parlé d’une « main tendue » en direction de Londres.

L’UE pessimiste après avoir tiré sa « dernière cartouche »

L’UE ne se fait pas beaucoup d’illusions. « Si cela ne fonctionne pas aujourd’hui, ce sera très compliqué », a prévenu un diplomate européen. « C’est la dernière cartouche qui a été tirée », a-t-il prévenu. Malgré les nouvelles garanties offertes lundi soir par les Européens à Theresa May, « il y a 30% de chances que l’accord soit approuvé » par le Parlement britannique, a estimé mardi un haut responsable européen impliqué dans les négociations avec Londres. « Ca va se jouer sur le fil », a prédit de son côté le représentant d’un Etat membre, mais « le rapport des forces ne joue pas en faveur d’une approbation ». La Première ministre britannique « sait qu’elle va perdre les suffrages des « Brexiters » de son parti, mais elle assure qu’elle va pouvoir les regagner ailleurs », a expliqué ce diplomate. De leur côté, « les 27 sont méfiants, car ils ont déjà entendu de telles assurances et ont été à chaque fois déçus ». « Beaucoup de députés attendent un prétexte pour pouvoir dire oui à l’accord. Mais il y a en d’autres qui seront de toute manière toujours contre », a confié à l’AFP un autre responsable impliqué dans les négociations avec Londres.

Les partenaires du Royaume-Uni ne cachent plus leur irritation. « Il n’y aura pas de troisième chance », a averti lundi soir le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker après sa réunion à Strasbourg avec la dirigeante britannique.

« Il n’y aura pas d’interprétation de l’interprétation, pas d’assurance sur l’assurance si le vote échoue », a averti M. Juncker. « Il n’y aura pas de nouvelle négociation. Nous avons eu assez de difficultés », a-t-il insisté, se faisant le porte-parole de la fermeté des dirigeants des 27 pays de l’UE.

« Il n’y aura pas de négociations durant le sommet européen des 21 et 22 mars », ont mis en garde des représentants de plusieurs Etats membres, interrogés par l’AFP.

« J’espère que la Chambre des communes va approuver l’accord. Il n’y a pas d’alternative », a insisté mardi le Premier ministre des Pays-Bas Mark Rutte.

Son homologue danois Lars Lokke Rasmussen est plus dur. « Il est difficile de donner un coup de main à des gens qui gardent les deux mains dans les poches », a-t-il déploré sur son compte Twitter.

Les mises en garde vont se multiplier pour « exercer une forte pression » sur les élus britanniques. « Il n’y a plus de marge pour négocier. Réfléchissez bien. C’est le message » des Européens à ces députés, a expliqué un diplomate européen.

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