Royaume-Uni
Qui succédera à Boris Johnson? © Getty

« Tant que ce n’est pas un étranger »: Liz Truss grande favorite pour succéder à Boris Johnson

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

Liz Truss est en passe de succéder à Boris Johnson au poste de Premier ministre du Royaume-Uni. Avec elle, l’avenir s’annonce à nouveau incertain pour le parti conservateur.

C’est la fin d’une période courte, mais mouvementée: après un peu moins de trois ans au poste de Premier ministre, Boris Johnson quittera la présidence du Parti conservateur et unioniste et donc le poste de Premier ministre du Royaume-Uni le 6 septembre. Début juillet, son leadership, criblé de scandales – des soirées fermées aux contacts étroits avec des Russes peu recommandables – s’est avéré intenable. Des dizaines de membres éminents du gouvernement en ont eu assez lorsqu’ils ont appris que Boris Johnson avait promu un confident qui faisait l’objet d’une enquête pour inconduite sexuelle. L’ancien maire de Londres, qui avait œuvré pendant des années en vue d’obtenir le poste de Premier ministre, a dû descendre de son trône.

L’ancien ministre des Finances, Rishi Sunak, est l’un de ceux qui ont poussé à la mutinerie contre Boris Johnson en démissionnant. « J’ai le regret de dire que nous ne pouvons pas continuer à travailler de cette manière », a-t-il écrit dans sa lettre de démission début juillet. Pendant cette période, Mary Elisabeth « Liz » Truss était invisible. Loin des intrigues, la ministre des Affaires étrangères était au sommet du G20 sur l’île indonésienne de Bali avec ses collègues. Ce n’est que lorsque le mal était fait pour Boris Johnson que Liz Truss a débarqué à Londres. « Pratique », explique le publiciste et ancien membre du parti conservateur Joshua Livestro à Knack.

Après plusieurs tours d’élections, Rishi Sunak et Liz Truss restent pour prendre la relève de Boris Johnson. Rishi Sunak est connu comme un brexiteer modéré pragmatique, Liz Truss comme l’ancienne remainer qui, pour des raisons de pouvoir, sert maintenant principalement les factions radicales du parti. Les 150 000 à 200 000 membres actifs du parti peuvent voter par correspondance ou en ligne. Liz Truss, qui comptabilise 60% dans les sondages (contre 28% pour Rishi Sunak) est de loin la favorite.

Pas populaire

Cela ne signifie pas que Rishi Sunak et Lizz Truss sont populaires. Une enquête réalisée par l’institut de sondage YouGov révèle que les conservateurs considèrent toujours que Boris Johnson convient mieux comme Premier ministre et chef de parti que l’un de ces deux-là. De ce point de vue, le parti ignore si Truss peut le conduire à une nouvelle victoire électorale en janvier 2025. « Les députés conservateurs, en particulier, sont préoccupés par cette question », déclare Joshua Livestro. Ils craignent que les travaillistes remportent les élections et rendent le système électoral plus proportionnel – avec ou sans les libéraux-démocrates ». Par conséquent, il y a des spéculations selon lesquelles Truss convoquera des élections anticipées dès que le parti sera en meilleure position dans les sondages.

De notre côté de la Manche, on s’étonne de ce que dit Truss pendant la campagne. Elle est rarement diplomate. Lorsqu’on lui a demandé si le président français Emmanuel Macron était un ami ou un ennemi, elle a répondu que « le jury n’était pas encore fixé sur cette question ». Emmanuel Macron a rétorqué que le Royaume-Uni sera toujours un partenaire important, « indépendamment ou même en dépit de ses dirigeants politiques ». Faut-il s’étonner que la Commission européenne ne soit pas tout à fait à l’aise avec cette situation ? Elle change constamment au gré du vent. Il est difficile de savoir ce qu’elle veut vraiment », déclare un diplomate européen bien placé.

Liz Truss devra probablement décider tout de suite du modus vivendi entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Avant même qu’elle puisse s’installer dans sa résidence officielle du 10 Downing Street, les premières décisions devront être prises. Le 15 septembre au plus tard, Londres veut que Bruxelles lui dise clairement si les Britanniques peuvent encore participer au programme européen de recherche universitaire Horizon et à la coopération nucléaire Euratom. Et le même jour Londres doit répondre à cinq procédures d’infraction européennes, car les Britanniques ne respecteraient pas les accords du Brexit.

Optimisme patriotique

Ce n’est pas le Brexit qui est actuellement la plus grande préoccupation des Britanniques, mais l’augmentation générale des prix. Et cela ne va pas s’arranger dans les semaines et les mois à venir. Ofgem, le régulateur de l’énergie, prévoit que la facture énergétique moyenne passera de 2 230 euros à la somme astronomique de 5 895 euros. Liz Truss n’est pas pessimiste et affirme que le Royaume-Uni a les moyens de sortir plus fort de cette crise. Cet optimisme patriotique sans fondement caractérise le parti conservateur depuis le Brexit. Mais il n’y a aucune mesure ou proposition, au grand dam du parti travailliste de l’opposition. Le fait que Boris Johnson ait passé ses derniers jours en tant que Premier ministre principalement en vacances à l’étranger n’aide pas non plus.

« Le parti s’est égaré, et la situation ne s’améliorera probablement pas avec Liz Truss », déclare Alexander Clarkson, maître de conférences en études européennes au King’s College. « A l’époque, les conservateurs modérés comme Rishi Sunak étaient aux commandes, aujourd’hui ce sont les puritains idéologiques qui sont aux commandes. Les points de vue rapetissent rapidement, et les discussions complexes sont synonymes de suicide politique. Il ressemble de plus en plus au parti républicain américain depuis la présidence de Donald Trump. Pourtant, tôt ou tard, même Liz Truss se rendra compte qu’il existe une dynamique structurelle qu’elle ne peut ignorer. Le Royaume-Uni a simplement besoin de la migration de la main-d’œuvre et de bonnes relations avec l’Union européenne. Avec elle, le parti vit dans le déni« .

Joshua Livestro est d’accord. « Ses propositions sont assez surprenantes. Elle veut baisser les impôts pour compenser les prix élevés de l’énergie, mais depuis le Brexit et la crise du coronavirus il n’y a plus de marge de manœuvre budgétaire. Elle veut également tailler dans les soins de santé, au moment même où les services d’urgence manquent tellement de bras que les personnes en situation d’urgence doivent attendre des heures avant d’obtenir de l’aide. Rishi Sunak est plus réaliste à cet égard, mais son approche ne fait pas mouche. L’une des raisons en est qu’il y a eu une petite campagne de diffamation contre lui de l’intérieur du parti, notamment au sujet des impôts que sa riche épouse ne paie pas. On peut supposer que Boris Johnson a également joué un rôle dans cette affaire pour se venger.

Mais ce ne sont pas les seules raisons, selon Alexander Clarkson. « Le parti conservateur a beau être très diversifié, les conservateurs de base préfèrent toujours ne pas voir un Premier ministre d’origine étrangère à la tête du pays. Ils préfèrent de loin Liz Truss. »

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