Suède © Getty

Suède : « Le Premier ministre savait qu’il y aurait des milliers de morts et il n’a rien fait »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

En Suède, où le gouvernement a choisi de ne pas confiner la population pour privilégier la stratégie de l’immunité collective, le débat fait rage sur la gestion de la pandémie de coronavirus. À ce jour, le pays scandinave déplore 5 433 décès et 73 061 cas confirmés.

Les autorités sanitaires n’ont pas confiné la population, comme ailleurs en Europe, mais elles ont appelé chacun à la « responsabilité »: distanciation physique, application stricte des règles d’hygiène, isolement en cas de symptômes. Seuls les rassemblements de plus de 50 personnes et les visites dans les maisons de retraite sont interdits.

La Suède affiche un taux de mortalité cinq à douze fois supérieur à ceux de ses voisins nordiques, la Norvège, la Finlande et le Danemark. Par rapport à la population, la Suède affiche le cinquième taux de mortalité le plus élevé du monde (54 décès pour 100 000 habitants), derrière la Belgique (84), le Royaume-Uni (65), l’Espagne (61), et l’Italie (58). En outre, la courbe de décès ne baisse pas vraiment : la semaine dernière la Suède déplorait encore 181 décès alors qu’en Belgique il y en avait 26.

Critiqué pour sa « préparation incomplète » et ses « faiblesses » face aux situations d’urgence mises en évidence par l’épidémie de nouveau coronavirus, le gouvernement suédois a annoncé la semaine dernière lancer un audit sur sa capacité à garantir des ressources nécessaires en cas de crise.

Échec de l’approche

Les partis de l’opposition demandent des comptes au gouvernement. « L’approche suédoise a échoué. Le Premier ministre Stefan Löfven savait qu’il y aurait des milliers de morts et il n’a rien fait », déclare Andreas Carlson, chef de groupe des chrétiens-démocrates au quotidien Standaard. D’après lui, les partis de l’opposition ont insisté en vain pendant des semaines auprès du gouvernement pour obtenir une protection supplémentaire pour les personnes âgées, suffisamment de protection pour les soignants, et un programme de dépistage à grande échelle.

Stefan Löfven, le Premier ministre suédois
Stefan Löfven, le Premier ministre suédois© Getty

La mission a été confiée à l’Institut suédois de recherche sur la défense (FOI), un organisme gouvernemental qui vient de publier un rapport pointant du doigt les lacunes des autorités suédoises en temps de crise, en particulier dans leur gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Dans ce rapport intitulé « Perspectives sur la pandémie », des chercheurs de l’institut reviennent sur la « pénurie rapidement croissante d’équipements de protection et d’autres fournitures médicales » à l’aube de l’épidémie.

Bien qu’ayant affronté plusieurs épidémies comme la grippe aviaire en 2006 ou la grippe porcine en 2009, « la Suède, comme beaucoup d’autres pays, est restée avec une préparation incomplète lorsque la pandémie de coronavirus s’est propagée », poursuivent-ils. En outre, notent les chercheurs, « l’épidémie de coronavirus a mis en lumière les faiblesses de la préparation suédoise aux crises ».

Interrogé par le quotidien De Standaard, le docteur Stefan Hanson, spécialiste retraité en maladies infectieuses est l’un des 22 scientifiques à s’être opposé à la gestion de la pandémie du gouvernement suédois. Il explique qu’à présent que l’on effectue plus de tests, il s’avère que 12 à 13 % des Suédois sont infectés par le coronavirus. Dans les pays voisins, ce chiffre est inférieur à 1 %.

77 000 opérations reportées

« Pourquoi ne pas vouloir faire baisser ce chiffre ? Le personnel des soins de santé doit travailler très dur pour garder la situation sous contrôle. Selon les dernières estimations, 77 000 opérations ont été reportées dans notre pays, tandis qu’en Finlande, le travail se poursuit dans les salles d’opération » s’interroge-t-il. Il craint également que le système de santé soit longtemps sous pression, car « les séquelles du covid-19 continueront à affecter les malades pendant longtemps ».

Anders Tegnell, l’épidémiologiste en charge de la stratégie suédoise, défend toujours son approche. Il estime que nous ne sommes qu’au début d’une longue lutte contre le virus. Selon lui, les pays qui ont imposé un confinement strict ont épuisé leurs cartouches, mais les Suédois gagneront à l’usure.

Tegnell s’était d’ailleurs indigné de la décision de l’Organisation mondiale de la santé de classer le royaume nordique parmi les pays « à forte résurgence » de cas de nouveau coronavirus, évoquant une « mauvaise interprétation totale » des données suédoises. « Nous avons un nombre croissant de cas détectés en Suède, mais c’est parce que nous dépistons beaucoup plus qu’auparavant. Dans le même temps, les admissions dans les hôpitaux et en soins intensifs diminuent », avait-il expliqué.

Suite à ses explications, l’OMS Europe a reconnu que « le gouvernement avait augmenté les tests de dépistage, ce qui se reflète dans le nombre de nouveaux cas signalés depuis début juin » et dit « observer plusieurs tendances très positives » dans le royaume, notamment une diminution du nombre de nouveaux décès liés au virus, mais n’a pas retiré la Suède de la liste des onze pays particulièrement touchés. Sur cette liste figurent aussi l’Arménie, la Moldavie, la Macédoine du Nord, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kirghizstan, l’Ukraine et le Kosovo.

Avec l’AFP

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