Angela Merkel et Charles Michel ont beau se réjouir, leur plan de relance européen semble peser bien peu face au séisme causé par le coronavirus. © getty images

Punch… ou pschit, le nouveau plan de relance européen?

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Le plan de relance européen, pour se relever du séisme causé par le coronavirus, arraché le 21 juillet, est différemment apprécié. Etape importante vers une union fiscale, pour les uns. Trop court et assorti de trop de renonciations, pour les autres.

C’est  » un plan de relance pour l’Europe, fondé sur l’exploitation de tout le potentiel offert par le budget de l’UE, afin de contribuer à réparer les dommages économiques et sociaux provoqués par la pandémie de Covid-19, de donner un coup de fouet à la relance européenne et de protéger et créer des emplois « . Le 21 juillet, les dirigeants de l’Union européenne sont tombés d’accord sur le contenu de ce plan : 750 milliards d’euros, répartis en deux volets. Le premier : 390 milliards de subventions allouées de 2021 à 2023 aux Etats les plus affaiblis par la pandémie, que les 27 rembourseront ensemble ; le second : 360 milliards de prêts, remboursables par le pays demandeur.

Un « nouvel instrument de relance »

D’où viendront ces 750 milliards, remboursés entre 2027 et 2058 ? D’un  » nouvel instrument de relance « , Next Generation EU,  » qui permettra d’augmenter le budget de l’Union grâce à de nouveaux financements levés sur les marchés financiers pour la période 2021-2024 « . Parallèlement, le budget à long terme (2021-2027) de l’UE,  » prévoit une dotation de 1 074 milliards d’euros « . Au total, 1 824 milliards sont donc annoncés pour répondre au séisme du coronavirus.

Après la crise sociale et économique, l’Europe n’est pas à l’abri d’une crise bancaire et financière.

L’accord doit être approuvé par le Parlement européen, d’ici à la fin de l’année, et par les Parlements nationaux pour être d’application dès 2021.  » Pour les pays touchés, c’est un bol d’air frais qui s’annonce, résumait le quotidien suisse Le Temps. Pour la Grèce, ce ne sont pas moins de 72 milliards de subventions qui pourront être versés. Pour l’Italie, ce sera un peu plus de 70 milliards, 60 pour l’Espagne. En France, ce sera environ 40 milliards.  » La Belgique ? Elle peut espérer 5 milliards.

Comme l’analysait sur les ondes de La Première, le 22 juillet, Marianne Dony, professeure à l’Institut d’études européennes de l’ULB,  » deux tabous sont tombés « . Le premier :  » Il était inconcevable que l’Union européenne s’endette. Or, ici, pour la première fois, c’est la Commission européenne qui emprunte au nom des 27.  » Le second :  » Plus de la moitié des 750 milliards ira à des subventions qui ne devront pas être remboursées et dont la répartition ne se fait pas au prorata de ce que chacun donne mais des Etats qui en ont le plus besoin.  »

C’est, enchaîne le quotidien espagnol El Pais,  » la grande importance du pacte : sa conception sans précédent. Une étape dans l’évolution budgétaire de l’UE qu’il sera très difficile d’ignorer à l’avenir « , l’Europe n’ayant  » jamais été aussi loin sur la voie d’une éventuelle union fiscale « . Ce que considère aussi le journal économique français Les Echos :  » L’accord fait basculer l’Europe dans une nouvelle dimension, celle d’une forme de solidarité budgétaire. C’est un pas vers une forme de fédéralisme.  » En dépit de la contestation des Etats dits frugaux (Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède, Finlande), opposés à l’aide aux pays traditionnellement endettés, comme l’Italie, l’Espagne et la Grèce. Pour convaincre les frugaux, il a fallu du donnant- donnant. La diminution de leur contribution au budget de l’UE : les Pays-Bas récupéreront 2 milliards par an, la Suède un milliard, l’Autriche un demi-milliard, le Danemark 377 millions… Un coût de 52 milliards en sept ans pour le budget européen.

Le fonds de relance et le budget à long terme devront se conformer à l’objectif de neutralité climatique (fixé à 2050 par l’accord de Paris) et à celui d’une réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 (par rapport aux niveaux de 1990). Pour aider au remboursement de son emprunt, la Commission dotera l’UE de nouvelles sources de revenus, pas trop claires jusqu’ici. Et tailler dans plusieurs programmes (innovation, défense, protection des frontières extérieures, soutien aux régions charbonnières, ressources destinées aux jeunes, Erasmus, fonds pour l’immigration et l’asile).

Des coupes que beaucoup regrettent, voire condamnent. Au Parlement européen, notamment. D’autres considèrent le plan insuffisant. Ainsi, le site Médiapart, en France, rappelle que  » selon un scénario de consultant repris par le Financial Times, les banques pourraient faire face à plus de 800 milliards d’euros de pertes liées aux mauvaises créances et aux emprunts qui ne peuvent plus être remboursés. Après la crise sociale et économique, l’Europe n’est donc pas à l’abri d’une crise bancaire et financière. Face à un tel séisme, les 1 000 milliards de budget pluriannuel européen et les 750 milliards d’euros du plan européen semblent peser peu. C’est à peine 10 % du PIB sur plusieurs années. A titre de comparaison, le gouvernement américain a mis sur la table 3 000 milliards de dollars, sous forme d’aides directes et d’allégements d’impôt, l’équivalent de 15 % de son PIB. Le Japon compte engager des sommes représentant 21 % de son PIB.  »

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