Si elle est élue, Marine Le Pen, souhaite sortir la France du commandement intégré de l'Otan pour redevenir "indépendante". Pourtant... © Belgaimages

Même en tant que membre du commandement intégré de l’Otan, la France reste souveraine

Le Vif

Marine Le Pen, si elle est élue présidente française, souhaite sortir la France du commandement intégré de l’Otan pour redevenir « indépendante ». Pourtant, cette participation ne prive pas Paris de sa souveraineté sur la dissuasion nucléaire et l’engagement des troupes, notent des experts militaires.

Qu’est-ce que le commandement intégré de l’Otan?

Le commandement intégré est composé du commandement allié Opérations (ACO), responsable de la planification et de l’exécution des opérations de l’Alliance, ainsi que du commandement allié Transformation (ACT), chargé de préparer l’Alliance aux menaces émergentes et aux nouvelles exigences opérationnelles.

Ces deux commandements, décisionnaires sur les opérations, la doctrine, le concept et la préparation de l’avenir sont placés sous l’autorité du Comité militaire réunissant les chefs d’états-majors des pays membres de l’Otan. « Le commandement intégré de l’Otan donne de l’influence sur la façon dont l’Otan travaille », commente un haut gradé français. « En cas de sortie du commandement intégré, on peut être présent au sein des opérations de l’Otan au titre des contributions nationales volontaires, mais sans pouvoir de décision et sans vraie responsabilité opérationnelle », ajoute cette source militaire.

Quand la France n’en faisait pas partie, elle a été l’un des principaux contributeurs en troupes des opérations de l’Otan dans les années 1990 et 2000 en Bosnie ou au Kosovo, mais sans être associée à leur élaboration.

Départ avec de Gaulle, réintégration sous Sarkozy

La France a été l’un des membres fondateurs de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan), signé en avril 1949. Mais en 1966 le président Charles de Gaulle, méfiant à l’égard des Américains, a retiré la France de la structure de commandement militaire de l’alliance. En 2009, la France réintègre finalement le commandement intégré de l’Otan, héritant dans la foulée du commandement allié Transformation. En 43 ans, le contexte a changé.

« A l’époque du général de Gaulle, on avait des milliers de forces américaines sur notre territoire, où on était vraiment tenus par les Américains, nous n’aurions sans doute pas pu développer notre composante nucléaire autonome dans ces circonstances. Mais l’Otan a beaucoup changé. Aujourd’hui c’est une organisation politico-militaire unique dans le monde où chaque pays a sa voix et où tout est réglé sur le principe du consensus », a souligné sur franceinfo le général français à la retraite Jean-Paul Palomeros.

Ancien commandant allié Transformation au sein de l’Otan de 2012 à 2015, le haut gradé a « vu à quel point on pouvait être influent sur le cours des choses » en étant présent dans le commandement intégré. « Cela ne nuit en rien à la souveraineté, les pays décident des forces qu’ils veulent engager ».

Marge de manoeuvre nationale

« Nous sortirons du commandement intégré de l’Otan », notamment « afin de ne plus être entraînés dans des conflits qui ne sont pas les nôtres », promet Marine Le Pen en estimant dans son programme que la participation à ce commandement est « incompatible avec son statut de puissance souveraine, son indépendance diplomatique et militaire et la libre définition de l’usage de sa force de frappe nucléaire ». Or, par choix, la France est le seul pays de l’Otan à ne pas participer aux réunions du « Groupe des plans nucléaires » et conserve ainsi son indépendance en matière de dissuasion, l’un des piliers de sa souveraineté.

Par ailleurs, sur le papier, la règle du consensus au sein de l’Otan laisse toute liberté à ses membres de participer ou non aux opérations de l’Alliance. Même si certains pays européens dépendants du parapluie nucléaire américain peuvent se sentir contraints à des contreparties.

Ainsi, la France a choisi d’intervenir en Libye en 2011 sous l’égide de l’Otan, au contraire d’autres alliés comme le Portugal. A contrario, Paris a décidé de se retirer de la mission de l’Otan en Afghanistan en 2012, soit 10 ans avant les Etats-Unis.

Même l’article 5, au coeur du traité de l’Otan, laisse une marge de manoeuvre aux pays membres. Il stipule qu' »une attaque armée contre un ou plusieurs de ses membres en Europe ou en Amérique du Nord doit être considérée comme une attaque contre tous », et que chacun prendra « les mesures qu’il juge nécessaires, y compris le recours à la force armée, pour rétablir et maintenir la sécurité ». Soit pas forcément via une opération militaire.

Dans tous les cas de figure, les alliés gardent un contrôle national sur leur contribution à une opération de l’Alliance. « Le chef d’état-major français des armées (CEMA) ne délègue jamais le commandement opérationnel des troupes françaises », fait-on valoir de source militaire française. En clair: sous l’autorité du chef de l’Etat, le CEMA décide du nombre d’hommes, de la durée de leur engagement et fixe les conditions d’emploi de la force.

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