Marc Tarabella. © Thierry Monasse/Getty Images

Qatargate: l’eurodéputé belge Marc Tarabella inculpé et placé sous mandat d’arrêt

 L’eurodéputé belge Marc Tarabella, suspendu du PS, a été placé sous mandat d’arrêt par le juge d’instruction en charge de l’enquête sur des faits de corruption présumés au sein du Parlement européen, a confirmé le parquet fédéral samedi. Marc Tarabella est inculpé pour corruption, blanchiment d’argent et participation à une organisation criminelle en qualité de membre. Il a été placé sous mandat d’arrêt et comparaîtra devant la chambre du conseil de Bruxelles jeudi.

Des policiers sont venus chercher Marc Tarabella vendredi matin peu avant 08h00 à son domicile à Anthisnes (Liège) afin que le juge d’instruction l’entende en ses bureaux à Bruxelles, dans le cadre de l’enquête concernant des faits de corruption autour et au sein du Parlement européen.

À l’issue de cette audition, Marc Tarabella a été inculpé pour corruption, blanchiment d’argent et participation à une organisation criminelle en qualité de membre, puis placé sous mandat d’arrêt, a indiqué samedi le parquet fédéral.

Le maintien ou non de l’intéressé en détention préventive sera examiné jeudi par la chambre du conseil de Bruxelles. Le 2 février, le Parlement européen a voté la levée de l’immunité parlementaire du député européen belge Marc Tarabella, ainsi que celle du député européen italien Andrea Cozzolino.

Les deux hommes faisaient partie du deuxième plus important groupe politique de l’assemblée, celui des « socialistes et démocrates » (S&D, centre gauche). Ils sont visés dans une enquête du parquet fédéral belge, confiée au juge d’instruction Michel Claise, sur les tentatives présumées du Qatar et du Maroc d’influencer des prises de décisions économiques et politiques du Parlement européen, en corrompant plusieurs personnes, notamment des élus.

Vendredi, les policiers ont également perquisitionné une banque à Liège, où Marc Tarabella dispose d’un coffre, ainsi que certains bureaux de la maison communale d’Anthisnes où l’eurodéputé est bourgmestre.

Le domicile de ce dernier avait été perquisitionné en décembre dernier.

Marc Tarabella souhaitait lui-même la levée de son immunité parlementaire, affirmant vouloir « répondre aux questions des enquêteurs et aider la justice à faire la lumière sur ce dossier ». Il a toujours clamé son innocence et déclaré ne jamais avoir reçu d’argent ou de cadeau, de la part du Qatar ou d’un autre pays, en échange de positions favorables dans les débats au sein du Parlement européen.

Des accusations sont portées contre lui par l’ancien eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri, qui est inculpé dans cette enquête et a obtenu le statut de repenti. Panzeri a affirmé avoir remis une enveloppe de 140.000 euros en liquide à Marc Tarabella, afin qu’il appuie des positions en faveur du Qatar.

L’avocat de Marc Tarabella a estimé que les déclarations de Panzeri étaient à prendre avec des pincettes, avançant que cet homme a tout intérêt à faire des aveux « ronflants », compte tenu de l’engagement qu’il a pris auprès du parquet fédéral pour obtenir le statut de repenti.

La défense de Tarabella

« L’audition, en elle-même s’est bien passée. Marc Tarabella a répondu à toutes les questions des enquêteurs en toute franchise et dans un climat serein », indique l’avocat de l’eurodéputé inculpé samedi à la suite de son audition devant le juge d’instruction chargé de l’enquête sur des faits de corruption présumés en lien avec un État étranger.

« Aucun nouvel élément n’a été présenté permettant de corroborer les accusations de transmission d’argent, rien de nouveau n’a d’ailleurs été présenté. Le seul élément à charge sont les propos de M.Panzeri à l’encontre de mon client », défend l’avocat.

« Il suffit de la diffamation d’une personne, reconnue comme chef d’une organisation criminelle, pour provoquer un tel tsunami et salir injustement M.Tarabella », déplore l’avocat, dans une réaction à Belga. « Il continue de clamer son innocence, il dit ne jamais avoir reçu d’argent ou de cadeaux en échange de faveur, et rappelle ne rien avoir à se reprocher. C’est la parole d’un criminel, Panzeri, contre la parole d’un homme qui a été honnête toute sa vie durant. »

« Mon client continuera à se battre pour que son innocence soit reconnue », assure le conseil de l’eurodéputé socialiste qui s’en prend aussi au statut de repenti accordé à Pier Antonio Panzeri : « la parole intéressée et grassement récompensée d’une seule personne ne devrait jamais suffire à mettre quelqu’un en prison et potentiellement détruire sa vie. »

Dans le cadre de cette enquête, quatre personnes sont inculpées et trois d’entre elles sont en détention préventive: l’ex-vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, son compagnon, Francesco Giorgi, qui est par ailleurs l’ex-assistant parlementaire de Pier Antonio Panzeri, et ce dernier lui-même. Le quatrième, Niccolo Figa-Talamanca, membre de l’ONG « No Peace Without Justice », a quant à lui été remis en liberté.

Retour sur la chronologie des évènements:
9 décembre: Knack et Le Soir révèlent, en pleine Coupe du Monde de football, que quatre interpellations et seize perquisitions ont été réalisées à Bruxelles dans le cadre d’une vaste enquête anticorruption menée par le parquet fédéral. La vice-présidente de l’assemblée, la Grecque Eva Kaili, son compagnon, Pier-Antonio Panzeri (S&D), fondateur et président de l’ONG Fight Impunity et l’ex-patron de la Confédération internationale des syndicats sont soupçonnés d’avoir reçu des faveurs du Qatar. Au total, 1,5 million d’euros sont saisis. En soirée, l’eurodéputée Marie Arena confirme que le bureau d’une de ses assistantes, qui avait travaillé précédemment pour Fight Impunity, a été perquisitionné.

11 décembre: Les quatre suspects sont placés sous mandat d’arrêt. Le nom de Marc Tarabella apparaît. La veille, la police a perquisitionné le bureau de l’eurodéputé socialiste.

12 décembre: Nouvelles perquisitions au Parlement européen. De son côté, le Qatar nie toute implication.

13 décembre: Marc Tarabella est suspendu par le PS, après l’avoir été par le groupe des Socialistes et Démocrates. Eva Kaili perd elle son titre de vice-présidente du Parlement. Marie Arena (PS) a décidé la veille de se démettre temporairement de son mandat de présidente de la sous-commission « droits de l’homme » du Parlement européen.

14 décembre: De Morgen révèle que le Maroc serait également impliqué dans le scandale en ayant versé de l’argent à Pier Antonio Panzeri, qui dirigeait la délégation du Parlement en charge des relations avec le Maghreb.

15 décembre: Francesco Giorgi, compagnon d’Eva Kaili, reconnaît que son rôle dans « l’organisation » était de gérer l’argent liquide. Il soupçonne deux personnes d’avoir touché de l’argent via P.A. Panzeri: l’eurodéputé italien (groupe S&D) Andrea Cozzolino et Marc Tarabella.

22 décembre: La détention de l’ex-vice-présidente du Parlement européen est prolongée par la chambre du conseil. 17 janvier: Pier Antonio Panzeri obtient le statut de repenti.

19 janvier: La détention de l’ex-vice-présidente du Parlement européen est prolongée par la chambre du conseil.

2 février: Le Parlement européen valide la levée d’immunité de Marc Tarabella et Andrea Cozzolino.

10 février: Andrea Cozzolino est arrêté à Naples.

11 février: Entre-temps exclu du PS, Marc Tarabella est placé sous mandat d’arrêt.

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