Le gouvernement britannique a donné son aval au projet d'accord sur le Brexit © AFP

Le projet d’accord sur le Brexit a reçu l’aval du gouvernement britannique

Le Vif

Le gouvernement britannique a donné son aval au projet d’accord de Brexit conclu mardi avec l’Union européenne, a annoncé mercredi la Première ministre Theresa May à l’issue d’une réunion de cinq heures de son cabinet.

« La décision collective du cabinet est que le gouvernement doit approuver le projet d’accord », a déclaré Theresa May lors d’une brève allocution devant le 10 Downing Street. La Première ministre a ajouté que l’accord de retrait avalisé par son cabinet était « le meilleur qui pouvait être négocié » et assuré qu’elle le défendrait dès jeudi à la Chambre des Communes.

Cette décision a été prise à l’issue d’un « débat long, détaillé et passionné », a affirmé Mme May lors d’une courte déclaration à la presse.

« C’est un pas décisif qui va nous permettre d’avancer et de finaliser l’accord », a-t-elle encore ajouté. Selon elle, cet accord est dans l’intérêt de « l’ensemble du Royaume-Uni ».

Le texte avalisé par Londres sera publié dans la soirée.

Guy Verhofstadt positif

Le coordinateur du Parlement européen sur le Brexit, Guy Verhofstadt, a exprimé sa satisfaction peu après l’annonce du feu vert du gouvernement britannique au projet d’accord de retrait du Royaume-Uni de l’UE.

« Nous avons essayé de faire au mieux après la décision difficile prise par les Britanniques de quitter l’Union européenne », a-t-il déclaré.

D’après l’ancien Premier ministre belge, l’accord atteint devrait permettre de maintenir une « relation étroite » entre le Royaume-Uni et les 27 Etats membres de l’UE à l’avenir.

La priorité du Parlement européen était de protéger les droits des citoyens européens qui résident outre-Manche, a-t-il ensuite rappelé, estimant que cet accord le permettrait.

« Une étape majeure franchie vers le retrait ordonné » estime Barnier

« Une étape majeure a été franchie vers le retrait ordonné » du Royaume-Uni de l’Union européenne, a estimé mercredi soir le négociateur en chef de la Commission, Michel Barnier, après l’aval du gouvernement britannique au projet d’accord sur le Brexit. Ce texte, long de 585 pages, traduit en langage juridique les compromis parfois ambigus conclus dans plusieurs dossiers clés entre Européens et Britanniques.

Les droits des expatriés, la facture du divorce et la question irlandaise – sur laquelle les négociations ont longuement buté – sont les principaux points abordés dans le projet d’accord.

Le texte prévoit notamment l’instauration d’un « filet de sécurité » (backstop) qui doit éviter le retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, si aucune solution n’était trouvée avant la fin de la période de transition – prévue en décembre 2020 -. Ce backstop aurait la forme d’un arrangement douanier pour tout le Royaume-Uni avec des dispositions « plus approfondies » pour l’Irlande du Nord en termes douaniers et réglementaires.

Outre ces différents dossiers, le texte contient aussi les règles du jeu de la transition souhaitée par le Royaume-Uni après son départ programmé fin mars 2019, afin d’éviter les dégâts d’une séparation brutale, en attendant que soient conclus des accords commerciaux entre les deux parties.

Michel Barnier a estimé mercredi soir que des « progrès décisifs » ont été réalisés, ouvrant la voie à l’organisation prochaine d’un sommet des leaders européens pour sceller l’accord. La date du 25 novembre avait été mentionnée plus tôt dans la journée par le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar.

Si l’accord sur le retrait est avalisé par les leaders européens, mais aussi par les parlements britannique et de l’UE, les négociations sur les relations futures entre Londres et Bruxelles pourront être entamées.

La bataille du Parlement peut commencer

Après l’adoption par le gouvernement britannique du projet d’accord sur le Brexit conclu avec Bruxelles, un formidable obstacle se dresse encore devant la Première ministre Theresa May: le Parlement, dont l’approbation est incertaine. Theresa May n’y dispose que d’une très courte majorité, son Parti conservateur est profondément divisé sur le sujet, et le petit parti unioniste nord-irlandais DUP, dont les 10 députés sont un appoint indispensable, rue dans les brancards.

« Si ce que nous entendons dire est vrai, nous ne pourrons certainement pas voter pour ça », a prévenu dès mardi soir sur twitter Nigel Dodds, chef de file des députés du DUP. Au coeur du débat: le « filet de sécurité » qui doit maintenir l’Irlande du Nord au sein du marché unique européen pour éviter le rétablissement d’une frontière physique avec la République d’Irlande voisine.

Chez les conservateurs, les partisans d’une rupture nette avec l’UE sont vent debout: leur chef de file Boris Johnson, ex-chef de la diplomatie britannique, a répété mardi soir qu’il voterait contre l’accord qui selon lui va placer le Royaume-Uni en position de « vassal » de l’UE, en restant dans l’union douanière et de larges secteurs du marché unique mais sans le pouvoir de décision conféré aux membres de l’UE.

Tout comme David Davis, ex-ministre du Brexit, il pense que le gouvernement devrait être prêt à partir sans accord. Selon les spéculations, 30 à 40 députés conservateurs eurosceptiques seraient prêts à voter contre le futur accord.

‘Cacophonie’

Même les europhiles conservateurs donnent du fil à retordre à Theresa May: son secrétaire d’État aux Transports, Jo Johnson, a démissionné vendredi, mécontent du tour qu’avaient pris les négociations, entre un accord qui « affaiblirait économiquement » le pays et une sortie sans accord qui infligerait des « dommages indicibles ». Il a réclamé un nouveau référendum, une idée qui a gagné du terrain ces derniers mois.

Quant au parti Libéral démocrate, qui réclame aussi un nouveau référendum, il pense que « l’accord sera déchiré avant même que l’encre ne soit sèche », selon son chef Vince Cable, pour qui réunir une majorité au parlement sur un tel texte sera « très difficile voire impossible ».

« La chambre des Communes ressemble à un rassemblement cacophonique de factions », relevait cette semaine un éditorialiste du Guardian.

Theresa May a exhorté les députés à agir « dans l’intérêt national », tout en avertissant son parti, cette fois en privé, qu’elle ne pouvait prédire ce qui arriverait si l’accord ne passait pas l’étape parlementaire.

Le gouvernement pourrait certes tenter de se replonger dans les négociations avec Bruxelles. Mais un tel rejet pourrait tout aussi bien déclencher une crise politique, voire provoquer la chute de la dirigeante et entraîner de nouvelles élections législatives. A l’approche de la date fatidique de sortie, le 29 mars 2019, bon nombre de députés pourraient flancher et préférer un accord même insatisfaisant à un tel scénario.

Crise politique

« Si le Parlement britannique n’est pas en mesure de constituer une majorité pour voter l’accord que le gouvernement lui propose, ou de proposer une alternative viable, ce qui se passera ensuite est imprévisible », souligne Iain Begg, chercheur à la London School of Economics, en évoquant un risque de « crise politique majeure ».

Les divisions des conservateurs risquent de ne laisser à Mme May d’autre choix que d’aller mendier du soutien du côté de l’opposition travailliste, dont les dirigeants n’ont toutefois pas l’intention de lui faire de cadeau et pourraient préférer miser sur de nouvelles élections.

Plusieurs députés du Labour ont toutefois indiqué qu’ils pourraient soutenir le gouvernement, beaucoup d’entre eux représentant des circonscriptions industrielles qu’ils craignent de voir durement affectées par un « no deal ».

Selon un parlementaire travailliste, jusqu’à 45 de ses collègues sont prêts à voter l’accord, ce qui pourrait suffire à contrer une éventuelle opposition des rebelles conservateurs.

Si l’accord est voté, il restera encore au gouvernement à présenter dans la foulée un projet de loi de retrait et de mise en oeuvre du Brexit, synonyme de nouveaux débats enflammés.

Theresa May, la persévérance au service du Brexit

Sur la sellette depuis des mois, malmenée par sa propre famille politique, la Première ministre britannique Theresa May a su défier les pronostics pour aller décrocher un accord de divorce avec l’Union européenne, synonyme de sortie sans drame.

L’accord doit encore être approuvé par le Parlement britannique, ce qui ne sera pas une mince affaire. Mais la dirigeante conservatrice peut déjà se targuer d’avoir rempli la première partie de sa mission.

Arrivée au pouvoir en juillet 2016, dans la foulée du référendum sur le Brexit, cette fille de pasteur, considérée comme sérieuse, voire austère, renvoie alors une image rassurante, celle d’une responsable à même de conduire le Royaume-Uni à travers une des périodes les plus délicates de son histoire.

« Brexit signifie Brexit. Désormais, nous sommes tous des Brexiters », avait clamé devant le 10 Downing Street celle qui avait personnellement voté pour le maintien dans l’UE, afin de rassurer et de rassembler les Britanniques sortis meurtris d’une campagne référendaire qui a semé la division.

La fleur au fusil, Mme May pensait encore que les négociations seraient rondement menées et que son pays obtiendrait ce qu’il veut : un accès au marché unique européen des biens et des services sans les contraintes qui en sont la contrepartie comme la liberté de circulation des citoyens et le respect de certaines réglementations. Une ambition qui se heurte vite à la fin de non-recevoir opposée par les Européens, ceux-ci affichant un front commun sans faille pour refuser ce « picorage ».

– Une bosseuse peu flexible –

« Elle, comme tout le monde au sein du Parti conservateur (…), a complétement sous-estimé à quel point le Brexit serait difficile », commente Tim Bale, un professeur de sciences politiques à l’Université Queen Mary de Londres. « Elle a eu la naïveté de croire que le Brexit serait facile » comme le promettaient les tenants de la sortie de l’UE, renchérit Iain Begg, un chercheur à la London School of Economics. « Elle a aussi surestimé la cohésion au sein de son parti », ajoute l’analyste.

Mme May, 62 ans, s’est en effet retrouvée prise en tenailles entre les exigences des conservateurs favorables à un Brexit dur, prêts à rompre les ponts sans accord avec Bruxelles, et celles des europhiles, soucieux au contraire de préserver les liens les plus étroits possibles.

Sa fragilité s’est accentuée après la perte de la majorité absolue aux élections législatives anticipées de juin 2017 qu’elle a convoquées dans l’espoir de conforter son emprise sur le Parlement. Le revers l’a obligée à faire alliance avec le petit parti unioniste nord-irlandais DUP, qui martèle depuis ses exigences et menace de faire capoter l’accord avec Bruxelles.

Malgré les déconvenues et les critiques au vitriol, Mme May a tenu bon, tandis que ses détracteurs ont toujours hésité jusqu’ici à porter le coup fatal, synonyme d’éventuelles nouvelles élections et de perspective de victoire des travaillistes de Jeremy Corbyn.

Sans compter qu' »il n’y a pas d’accord sur un successeur », souligne Iain Begg.

Elue depuis 1997 de la circonscription cossue de Maidenhead, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Londres, Theresa May, née Brasier le 1er octobre 1956, a toujours été réputée tenace et bosseuse. Des qualités qui lui ont permis de gravir les échelons et d’occuper pendant six ans, de 2010 à 2016, le poste difficile de ministre de l’Intérieur.

« Mais en dehors de ce dossier, elle ne connaissait pas grand-chose », constate Tim Bale, ajoutant : « Elle n’est pas rapide et donc pas une négociatrice flexible, ni une grande communicante. Cela n’a pas aidé » avec ses interlocuteurs européens.

Si le 29 mars 2019, le Royaume-Uni quitte l’UE avec un accord, « elle sera considérée comme ayant rempli son mandat à force de stoïcisme et de persévérance », estime Iain Begg. « Mais si elle échoue, elle sera perçue comme celle qui a provoqué l’explosion des conservateurs pour des années ».

Quoiqu’il arrive, après cette date, ses jours à Downing Street devraient être comptés.

Les prochaines étapes du Brexit après l’adoption du projet d’accord à Londres

Le Royaume-Uni doit quitter l’Union européenne dans moins de cinq mois, le 29 mars 2019. Après l’aval donné par le conseil des ministres britanniques à l’accord de divorce atteint avec les négociateurs européens voici le calendrier prévisionnel, jusqu’en 2021, des étapes qui attendent les deux protagonistes:

2018

– 15 novembre: les ambassadeurs des 27 pays membres de l’UE pourraient se réunir pour discuter le projet d’accord, selon des sources européennes.

– 19 novembre: un pré-sommet des ministres de l’UE pourrait se tenir, selon des source européennes.

– 25 novembre: convocation « probable » d’un sommet extraordinaire de l’UE pour approuver le projet d’accord, selon le Premier ministre irlandais Leo Varadkar.

– Décembre: examen et vote sur le projet d’accord par le parlement britannique avant la pause des fêtes de fin d’année; sommet européen le 14 et 15 décembre.

2019

– 21-22 mars: nouveau sommet européen, le dernier pour le Royaume-Uni.

– 29 mars: le Royaume-Uni quitte l’UE. Début de la période de transition envisagée, au cours de laquelle Londres devra continuer de respecter les règles européennes sans pouvoir prendre part aux décisions. Le Royaume-Uni peut officiellement entamer les négociations commerciales avec des pays hors de l’UE.

2020

– 31 décembre: fin de la période de transition envisagée.

2021

– 1er janvier: si tout se déroule comme prévu, entrée en vigueur du ou des traités sur la nouvelle relation entre le Royaume-Uni et l’UE, qui devront auparavant avoir été validés par l’ensemble des parlements nationaux de l’UE.

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