Le Premier ministre norvégien, Trygve Bratteli, signe, le 22 janvier 1972, le traité d'adhésion de la Norvège à l'Europe. Mais la procédure n'aboutira pas... © REPORTERS

Le 25 septembre 1972, le jour où la Norvège a dit « nei » à l’Europe

C’était une success story. Une construction qui, malgré ses hauts et ses bas, semblait ne pas devoir s’arrêter. Un projet dont les fondements n’auraient de cesse de se creuser. Et qui, avec le temps, finirait même par enthousiasmer les foules. Sauf que ce jour-là, les Norvégiens disent « nei » à l’Europe.

Non. L’adhésion avait pourtant été soigneusement négociée. Même l’acte avait été signé… Tant pis : il n’y aura pas de dixième pays.

Dans la foulée des traités de Rome, les Golden Sixties sonnent le triomphe de l’économie européenne. Entre les Six, l’abandon des droits de douane dope la croissance des échanges. Et fait des envieux. Dès 1961, la Grande-Bretagne demande à pouvoir rejoindre la Communauté économique européenne. L’Irlande, le Danemark et la Norvège manifestent aussi leur intérêt. A deux reprises. Mais à chaque fois, le président français Charles de Gaulle s’oppose aux candidats. Essentiellement parce qu’il craint de voir l’influence française diminuer au sein du  » club « .

Début 1970, le vieux général étant parti, les négociations peuvent s’ouvrir. Elles sont rondement menées. Le 22 janvier 1972, les quatre pays signent leur traité d’adhésion. L’Europe passe à dix ? Pas si vite ! Encore faut-il que le traité soit ratifié dans chacun des nouveaux Etats. Et, dans certains cas, par voie référendaire. Le 10 mai, plus de 80 % des Irlandais disent  » oui « . Le train paraît lancé.

Mais le 25 septembre, il cale. C’est la stupeur à Oslo, et dans toute la Communauté : 53,5 % des citoyens norvégiens refusent l’adhésion. Essentiellement par peur. Les Norvégiens craignent de perdre leur souveraineté et de rejoindre une organisation qu’ils jugent peu transparente, voire peu démocratique. Plus encore, ils redoutent d’y perdre : les Norvégiens n’ont guère envie de partager les énormes gains de leurs ressources énergétiques ou les produits de leurs mers hyperpoissonneuses.

Le gouvernement du Premier ministre Trygve Bratteli démissionne, et voilà tout l’establishment norvégien bousculé. Mais plus encore, c’est l’Europe qui tremble.  » Le cas de la Norvège n’est pas un cas isolé « , souligne-t-on dans la presse de l’époque.  » Dans les pays du Marché commun, l’organisation européenne a depuis longtemps cessé d’être, aux yeux de la jeunesse, une aventure généreuse et exaltante pour apparaître comme une morne entreprise gérée par des technocrates.  » Débuts de l’euroscepticisme ? En quelque sorte. D’une manière assez inédite, l’Europe se rend compte qu’elle ne peut se contenter de séduire les élites ; elle doit aussi convaincre les Européens.

Et la Norvège ? Elle représentera sa candidature dans les années 1990. Avec l’Autriche, la Finlande et la Suède, elle signe alors (à nouveau) son acte d’adhésion. Mais quelques mois plus tard, rebelote : les Norvégiens redisent non. Plus ou moins pour les mêmes raisons. Entre la Norvège et l’Union demeure cette relation d’exception. Dans les années 1960, quand elle s’est approchée de l’Europe, celle-ci l’a rejetée. Par la suite, lorsque l’Europe l’a accueillie, les Norvégiens n’en ont pas voulu.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire