Aux yeux de beaucoup de citoyens européens, on érige à Bruxelles un super-Etat, faisant fi des différences nationales, juge Enrico Letta. © DIETER TELEMANS/ID PHOTO AGENCY

La Commission appelle à cesser les contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen

La Commission européenne a appelé vendredi à « mettre fin » à la prolongation des contrôles aux frontières à l’intérieur de l’espace Schengen, une mesure censée être exceptionnelle mais qui est régulièrement reconduite par plusieurs pays, comme la France et l’Allemagne.

« Je ne peux pas imaginer l’Europe avec des frontières intérieures fermées, nous ne permettrons jamais à l’Europe de revenir à son passé », a déclaré le commissaire européen aux migrations Dimitris Avramopoulos, lors d’une réunion à Luxembourg des ministres de l’Intérieur des 28.

« Il y a des préoccupations et certaines de ces préoccupations sont justifiées, mais nous avons assuré plus de sécurité à nos citoyens au cours des dernières années », a-t-il dit devant la presse. « C’est le moment de mettre fin » aux contrôles frontaliers, a-t-il insisté. Six pays ont réintroduit depuis 2015 des contrôles dans l’espace Schengen (la France, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Suède, la Norvège), utilisant des dérogations légales au principe de la libre-circulation dans cette zone.

La plupart des pays ont dans un premier temps justifié ces mesures par les mouvements migratoires irréguliers à l’intérieur de l’UE, mais ils invoquent aussi des craintes sécuritaires liées notamment aux attentats djihadistes qui ont frappé les pays européens. C’est ainsi que l’Allemagne et le Danemark ont annoncé ce vendredi qu’ils prolongeaient les contrôles aux frontières de six mois.

La France de son côté les avait, en octobre, prolongés jusque fin avril prochain, elle qui les avait instaurés au soir des attentats du 13 novembre 2015. L’Autriche a également annoncé son intention de poursuivre les contrôles à certaines de ses frontières. Ces contrôles réintroduits dans l’espace Schengen ne sont pas réalisés de manière systématique mais leur notification permet aux pays concernés de procéder à des vérifications d’identité à leurs frontières, par dérogation aux règles de la libre-circulation. Plusieurs pays s’inquiètent comme la Commission de voir ces mesures dérogatoires devenir peu à peu la norme et provoquer à terme la fin de l’espace Schengen, une zone de libre circulation actuellement composée de 26 pays, dont 22 de l’Union européenne.

Pour répondre aux craintes sur les frontières intérieures, la Commission a lancé dernièrement plusieurs propositions destinées à renforcer les frontières extérieures de l’Union, notamment le renforcement de l’agence Frontex (gardes-côtes et gardes-frontières) pour arriver d’ici 2020 à 10.000 agents, la plupart détachés depuis les services de police et de migration des Etats membres. Pour la Belgique, cela signifierait un effort pouvant grimper à 140 supplémentaires à détacher. Parallèlement, des Etats comme l’Italie et la Hongrie, pourtant demandeurs d’actions fortes en matière de migration, rechignent sur la perte de souveraineté qu’impliquerait une agence Frontex aux compétences étendues, comme le propose la Commission.

Un paradoxe que n’a pas manqué de soulever vendredi le ministre luxembourgeois Jean Asselborn. Et comme les ministres européens restent profondément divisés sur la solidarité à assurer dans la prise en charge des réfugiés arrivant sur les côtes méditerranéennes de l’Union, la piste d’une forme de solidarité européenne qui ne passerait plus nécessairement par un quota obligatoire d’accueil continue de faire son chemin. La Pologne se montrerait sensible à l’idée d’investir davantage dans la fourniture d’agents Frontex.

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