Retraites: nouvelles manifestations en France sur fond de crise politique

De nouveaux rassemblements sont attendus durant le week-end en France, plongée dans une crise politique après le passage en force de l’exécutif sur la réforme des retraites, qui a amplifié la colère sociale et déclenché des échauffourées non loin de la présidence.

Deux motions de censure ont été déposées vendredi contre le gouvernement qui a engagé sa responsabilité la veille via l’article 49.3 de la Constitution qui permet l’adoption d’un texte sans vote, sauf en cas de censure.

L’intersyndicale a appelé à des rassemblements samedi et dimanche, ainsi qu’à une 9e journée de grèves et manifestations jeudi contre cette réforme décriée qui prévoit notamment le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Le recours au 49.3 est considéré presque unanimement comme un revers pour le président français Emmanuel Macron qui a beaucoup misé de son crédit politique sur cette réforme clé de son second quinquennat.

Et d’aucuns craignent une radicalisation des actions. Comme la veille, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées vendredi soir place de la Concorde, à quelques centaines de mètres de l’Assemblée nationale et du palais présidentiel de l’Elysée. Un brasier a été allumé et l’ambiance s’est tendue à la tombée de la nuit, la police chargeant la foule, selon des journalistes de l’AFP.

Plusieurs centaines de personnes ont affronté à coups de bouteilles et de feux d’artifice la police, qui a répliqué à coups de gaz lacrymogène, en tentant d’évacuer la place sous la pluie. Selon la préfecture de police, 61 personnes ont été interpellées.

« On a eu de belles journées de grèves, mais maintenant ils nous faut un mouvement offensif », avait résumé auparavant, sous les applaudissement, Jean, étudiant qui tait son nom de famille. « Pour nous l’intersyndicale est morte ! C’est le début d’autre chose ! ». 

« Apogée de déni démocratique »

A Lyon (centre-est), des manifestants ont fait irruption dans une mairie d’arrondissement et « ont essayé de mettre le feu », mais la police a rapidement éteint l’incendie et arrêté 36 personnes, selon la préfecture.

Des rassemblements ont eu lieu dans de nombreuses villes de France, de Lille (nord) à Bordeaux (ouest), en passant par Strasbourg (est), où des « dégradations » ont été commises selon la préfecture.

Le recours au 49.3 a été ressenti « comme une insulte. On n’a pas été écoutés depuis des semaines, ça a généré pas mal de colère », dit à l’AFP Philippe Melaine, un professeur de lycée à Rennes (ouest), où plus de 2.000 personnes ont défilé.

Les motions de censure devraient être examinées à l’Assemblée nationale lundi à partir de 16H00 (15H00 GMT), selon des sources parlementaires.

Les députés d’un groupe parlementaire indépendant centriste (Liot) ont annoncé le dépôt d’une motion « transpartisane » de censure du gouvernement, cosignée par des élus de la gauche radicale (Nupes). La motion fustige « l’apogée d’un déni de démocratie inacceptable ».

Le Rassemblement national de Marine Le Pen (extrême droite) a également déposé une motion de censure, en soulignant qu’il voterait toutes les motions présentées.

Vendredi, le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger, a une nouvelle fois mis en garde contre la colère qui monte dans le pays et appelé le président français à « retirer la réforme ».

« Sa faute »

Pour faire tomber le gouvernement, une motion de censure doit recueillir une majorité absolue à l’Assemblée, soit 287 voix. Ce qui nécessiterait notamment qu’une trentaine de députés de droite Les Républicains (sur 61) votent la motion du groupe Liot.

Le gouvernement a choisi de relever l’âge de départ à la retraite pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population. 

La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ est le plus bas, même si les systèmes de retraite ne sont pas complètement comparables.

Les enquêtes d’opinion montrent que les Français y sont majoritairement hostiles, même si le nombre de manifestants dans les rues et de grévistes a stagné ou reflué au fil du temps.

« Le 49.3 a crispé tout le monde », a déclaré à l’AFP Rémi Vinet, secrétaire général du syndicat CGT Cheminots à Bordeaux, prédisant que la grève touchant le transport ferroviaire allait « s’étendre à d’autres secteurs ».

La CGT a annoncé la mise en arrêt de la raffinerie TotalEnergie de Normandie (nord-ouest) dès ce week-end.

Conséquence épineuse des grèves reconductibles chez les éboueurs, la situation sanitaire à Paris s’aggrave: la barre des 10.000 tonnes de déchets non ramassés a été atteinte vendredi, selon la mairie.

La Direction générale de l’aviation civile a de son côté demandé aux compagnies aériennes d’annuler lundi 30% de leurs vols à Paris-Orly et 20% à Marseille-Provence (sud-est), en raison du mouvement de grève des contrôleurs aériens.

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