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France: premier procès dans l’affaire Karachi

Le Vif

Pots-de-vin à des agents étrangers, lutte fratricide au sommet de l’État, attentat qui a fait 15 morts au Pakistan: un premier procès s’ouvre lundi en France dans la tentaculaire affaire dite Karachi.

Trois politiques, un industriel et deux intermédiaires doivent répondre, jusqu’au 31 octobre, d’abus de biens sociaux, de complicité et recel sur des soupçons de plus de 300 millions d’euros de rétrocommissions réglées à des intermédiaires, le « réseau K » (pour King, allusion au roi d’Arabie), en marge de la vente de frégates françaises à l’Arabie saoudite et de sous-marins au Pakistan. Si le versement de pots-de-vin à des agents étrangers étaient alors la règle à l’international – jusqu’à leur interdiction en 2000 -, les rétrocommissions étaient elles proscrites. Pour l’accusation, ce sont ces rétrocommissions qui auraient alimenté la campagne présidentielle, en 1995, de l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, dans un contexte très particulier: celui de la lutte fratricide au sein de la droite française qui l’opposait à Jacques Chirac, alors maire de Paris, et qui, finalement, remportera l’élection et deviendra président en 1995.

L’affaire prend sa source dans l’enquête sur l’attentat de Karachi. Le 8 mai 2002, une voiture piégée était précipitée contre un bus transportant des salariés de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI), alors organisme public à qui avait été confiée la construction des frégates et sous-marins. Cet attentat, qui a coûté la vie à 15 personnes dont 11 Français travaillant à la construction des sous-marins dans le port pakistanais de Karachi, pourrait avoir été perpétré à la suite de l’arrêt du versement des commissions en 1995, mais ce lien n’a jamais été confirmé. C’est exclusivement le volet financier du dossier qui sera jugé, mais en l’absence d’Édouard Balladur et de son ancien ministre de la Défense François Léotard, tous deux renvoyés devant la Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à juger les membres du gouvernement pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions.

Les trois prévenus issus du monde politique nient tout financement illégal: Nicolas Bazire, ex-directeur de campagne d’Edouard Balladur et aujourd’hui un des dirigeants du groupe de luxe LVMH; Renaud Donnedieu de Vabres, conseiller à l’époque du ministre de la Défense; Thierry Gaubert, alors membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy (plus tard devenu président) et surtout engagé dans la campagne de M. Balladur. Ils sont jugés aux côtés de Dominique Castellan, ancien patron de la DCNI, ainsi que deux hommes d’affaires: le Franco-libanais Ziad Takieddine et l’Espagnol d’origine libanaise Abdul Rahman Al Assir, membres du « réseau K ». La présence de ce dernier, qui réside en Suisse, est peu probable.

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