Jules Gheude

France : la Corse pourrait s’en aller et la Wallonie arriver… (carte blanche)

Jules Gheude Essayiste politique

Sous tension depuis plusieurs semaines, la Corse pourrait-elle devenir indépendante ? L’essayiste politique Jules Gheude parie alors sur le fait que la France pourrait quasi simultanément accueillir une nouvelle venue: la Wallonie.

Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer comment la Wallonie pourrait être intégrée à la République française, via un statut particulier de large autonomie qui lui permettrait de conserver l’essentiel de ses institutions, de sa législation et de ses compétences.

Ce projet, Jacques Lenain, un ancien haut fonctionnaire français, l’a parfaitement détaillé dans une étude disponible sur Internet et dont le constitutionnaliste français Didier Maus a confirmé la faisabilité :

« Il serait parfaitement possible de créer un titre spécial « De la Wallonie » qui contiendrait une mini-constitution sur mesure pour cette région. Il en découle que, sur le fondement de cette mini-constitution, il serait parfaitement réalisable de conserver en l’état, au moins pour l’essentiel, et pour une durée à déterminer, le droit belge du travail, celui de la sécurité sociale, et certains droits « connexes », des pans du droit fiscal, le droit des affaires, du commerce, etc. La région wallonne, et aussi la région bruxelloise si la question était posée, conserveraient les compétences qui sont aujourd’hui les leurs, y compris le système éducatif, avec l’enseignement supérieur. Ce ne serait pas une difficulté de faire de la sorte puisque il en est déjà ainsi, même si c’est avec moins d’ampleur, dans certains territoires français, qui, selon les cas, disposent d’une sécurité sociale propre (Polynésie, Calédonie,…), d’un droit du travail propre (même s’il est largement copié sur celui de la métropole), de nombre de dispositifs fiscaux particuliers, et d’autres régimes spéciaux dans divers domaines (en Corse comme en Outre-mer). »

Selon Jacques Lenain, un tel projet est de nature à rassurer les élites wallonnes, soucieuses de préserver leurs acquis.

Ses détracteurs s’empressent de lui faire remarquer le risque que prendrait ainsi Paris en ouvrant une boîte de Pandore susceptible d’éveiller d’autres appétits. Et de citer notamment le cas de la Corse.

De la Corse, précisément, il est question aujourd’hui, après la violente agression dont a été victime, le 2 mars, à la maison d’arrêt de Arles, Yvan Colonna, militant indépendantiste corse condamné à la réclusion à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998. Qualifiée d’acte terroriste par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, cette agression a entraîné des actes de guérilla urbaine qui ont causé 130 blessés chez les forces de l’ordre et provoqué l’incendie de bâtiments publics, tels le palais de justice d’Ajaccio ou le centre des impôts de Bastia.

On peut comprendre l’embarras du pensionnaire de la place Beauvau en se rendant sur l’île pour tenter d’apaiser la colère de la rue. Tout en reconnaissant « une responsabilité de l’Etat en tant que protecteur des personnes qui sont sous sa responsabilité, en l’occurrence des prisonniers », le ministre de l’Intérieur n’avait d’autre choix que de caresser l’Assemblée Corse dans le sens du poil (les nationalistes y disposent en effet de 41 élus sur 63).

Lors de son tête-à-tête avec Gilles Simeoni, le président de l’Exécutif corse, Gérald Darmanin a ainsi ouvert la porte à des négociations sur l’évolution du statut de l’île, précisant même que « le gouvernement était prêt à aller jusqu’à l’autonomie ». Et d’évoquer l’idée d’un « statut à la polynésienne », conférant toutes la compétences sauf celles relevant du régalien. L’article 74 de la Constitution a ainsi été évoqué, dont le premier alinéa stipule : « Les collectivités d’outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République. »

Ce « statut à la polynésienne » était celui auquel Daniel Ducarme, alors président du MR (Mouvement Réformateur), avait songé pour les francophones de Belgique. C’était à la fin de 2007. Daniel Ducarme se disait en effet « avoir été touche au plus intime de sa fierté francophone par l’union de tous les partis flamands qui avaient rompu la loyauté fédérale » à propos de la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

S’exprimant sur le plateau de LCI, lors de l’émission « les Partis pris » de David Pujadas, le chroniqueur français Jean-Michel Aphatie s’est dit convaincu que la France ne pourrait éviter à terme l’indépendance de la Corse.

Ce qui nous ramène au cas belge. Si, en 2024, une septième réforme de l’Etat s’avère impossible à mettre en place, le Parlement flamand pourrait, au départ d’une majorité absolue constituée notamment par la N-VA et la Vlaams Belang, proclamer unilatéralement l’indépendance de la Flandre. Face à l’absence d’un pouvoir central fort à Bruxelles (ce qui n’était pas le cas en Espagne lors de la question catalane), l’Union européenne n’aurait d’autre choix que d’acter le divorce belge.

Il ne faudrait alors pas longtemps aux responsables wallons pour constater que le général de Gaulle avait raison en déclarant au professeur Robert Liénard de l’Université de Louvain : « J’ai la conviction que seule leur prise en charge par un pays comme la France peut assurer un avenir à vos trois à quatre millions de Wallons. »

Livrée, en effet, à son propre sort, la Wallonie serait contrainte à de tels sacrifices qu’il en résulterait un bain de sang social. Feu l’économiste Jules Gazon (Université de Liège) parlait même d’un « climat insurrectionnel ».

Ainsi, la République française pourrait perdre la Corse et accueillir la Wallonie…

Jules Gheude, essayiste politique

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