Gabriel Matzneff et ll'autobiographie de Vanessa Springora qui l'incrimine

Enquête ouverte pour viols sur mineur contre l’écrivain Gabriel Matzneff

Le Vif

La justice française a ouvert vendredi une enquête contre l’écrivain Gabriel Matzneff, 83 ans, mis en cause pour ses relations avec des partenaires mineurs dans un livre de l’éditrice Vanessa Springora paru jeudi, a annoncé le procureur de la République de Paris Rémy Heitz.

Cette enquête a été ouverte pour « viols commis sur mineur » de moins de 15 ans, a annoncé le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz.

« Au-delà des faits décrits par Vanessa Springora », elle s’attachera « à identifier toutes autres victimes éventuelles ayant pu subir des infractions de même nature sur le territoire national ou à l’étranger », a précisé M. Heitz.

L’ouverture de cette enquête survient 24 heures après la sortie d’un livre accusateur de Vanessa Springora, 47 ans, nommée récemment directrice des Éditions Julliard.

Dans ce roman autobiographique, l’éditrice raconte comment elle a été séduite par Gabriel Matzneff alors qu’elle n’avait même pas 14 ans et le poids de cette histoire sur sa vie, ponctuée de dépressions.

« À quatorze ans, on n’est pas censée être attendue par un homme de 50 ans à la sortie de son collège, on n’est pas supposé vivre à l’hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche à l’heure du goûter », raconte Vanessa Springora dans cet ouvrage.

« Pourquoi une adolescente de quatorze ans ne pourrait-elle aimer un monsieur de trente-six ans son aîné? (…) Ce n’est pas mon attirance à moi qu’il fallait interroger mais la sienne », ajoute l’écrivaine, qui assure avoir été sous emprise lors de sa relation.

Vanessa Springora a indiqué dans un entretien au quotidien Le Parisien qu’elle n’envisageait pas de porter plainte. Mais le parquet de Paris a décidé de s’auto-saisir de l’affaire dans le cadre d’une « enquête d’initiative ».

« Prix maladroit »

Vanessa Springora est la première à témoigner parmi les adolescentes séduites par Gabriel Matzneff, auteur longtemps fêté par le milieu littéraire français et récompensé par le prix Renaudot essai en 2013.

L’enquête ouverte par le parquet de Paris pourrait cependant convaincre d’autres personnes de s’exprimer, alors que les accusations portées dans son roman par Vanessa Springora se heurtent à un problème de prescription.

Une loi, en 2018, contre les violences sexuelles, a allongé de vingt à trente ans le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur les mineurs, à compter de leur majorité, afin de faciliter la répression de ces actes.

Mais cette loi, qui n’a pas instauré d’âge minimal de consentement à un acte sexuel, n’est pas rétroactive. Or les faits relatés par Vanessa Springora remontent à la seconde moitié des années 1980.

Le goût autoproclamé de l’écrivain pour les « moins de 16 ans » et pour le tourisme sexuel avec de jeunes garçons en Asie, raconté dans de nombreux ouvrages, avait jusqu’ici très peu fait ciller.

Mais la sortie du livre « Le Consentement », dans un contexte de dénonciation des violences sexuelles marquées en France par les accusations de l’actrice Adèle Haenel à l’encontre du cinéaste Christophe Ruggia, est en train de changer la donne.

Gabriel Matzneff, qui a estimé jeudi dans une lettre ne pas mériter « l’affreux portrait » publié par Vanessa Springora, a déjà été convoqué par le passé par la Brigade des mineurs à la suite de lettres anonymes, sans être inquiété.

Une information judiciaire avait été ouverte en 2014 après une plainte contre X pour « provocation à la commission d’une infraction » déposée par l’association Innocence en Danger, après l’attribution à l’écrivain du prix Renaudot.

Mais le juge d’instruction chargé de cette enquête avait rendu un non-lieu dans cette affaire, conformémant aux réquisitions du parquet, considérant que l’infraction qui visait notamment les membres du jury Renaudot n’était pas caractérisée.

« Ce prix était maladroit », a reconnu l’écrivain Frédéric Beigbeder, membre du Renaudot, dans un entretien publié vendredi par le journal Le Parisien. Mais « ce n’était en aucun cas la consécration d’un monstre pédophile », a-t-il assuré.

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