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Covid: est-ce vraiment grâce au Brexit que les Britanniques sont en mesure de vacciner plus vite ?

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

Le gouvernement britannique prétend que l’approbation rapide des vaccins au Royaume-Uni est la conséquence du Brexit, mais c’est inexact.

Concurrence au pays des vaccins. Mercredi dernier, les autorités britanniques ont autorisé l’utilisation d’un vaccin alors que l’Union européenne ne prévoit de le faire qu’à la fin du mois. D’après le ministre britannique de la Santé publique, Matt Hancock, c’est une conséquence du Brexit. Mais selon June Rains, directrice de la Britse Medicines and Healthcare products Regulatory Agency (MHRA), cette version des faits est inexacte. Qu’en est-il exactement ?

En janvier dernier, le Royaume-Uni a formellement quitté l’Union européenne. Mais jusqu’à la fin de l’année, il existe une période de transition où les Britanniques doivent contribuer au budget européen, ne sont plus représentés dans les institutions européennes et doivent continuer à suivre les règles européennes. Les conventions de l’Agence européenne des médicaments sont également en vigueur jusqu’à la fin de l’année.

Pour l’instant, l’Union européenne utilise ce que l’on appelle la procédure centrale. Les entreprises pharmaceutiques soumettent une seule demande de licence auprès de l’Agence européenne de médicaments. L’Agence – dont le quartier principal a déménagé de Londres à Amsterdam suite au Brexit – mène les études nécessaires avant de conseiller la Commission européenne. Cette dernière décide finalement si le médicament reçoit une licence et s’il peut être mis sur le marché européen. En temps normal, ce procès dure plusieurs années, mais vu la nécessité d’un vaccin, l’Agence applique une procédure accélérée.

Exception

Toutefois, une directive européenne prévoit une exception que tous les États membres de l’Agence européenne des médicaments peuvent invoquer en cas de nécessité aiguë. Il s’agit d’une autorisation limitée et temporaire, et pas d’une approbation. « Les états membres peuvent accorder une autorisation temporaire pour la distribution de médicaments qui n’ont pas reçu de licence pour être mis sur le marché ». Le Royaume-Uni a traduit cette directive en législation nationale et l’utilise pour l’instant pour engager une procédure encore plus rapide que les autres états membres européens. Mais le Royaume-Uni aurait très bien pu le faire sans Brexit: la Hongrie aussi utilise cette clause pour administrer le vaccin russe Spoutnik.

La question est de savoir si l’approche du Royaume-Uni est la plus sûre. Plus de trois semaines après l’Union européenne les autorités britanniques se sont mises à analyser les données de Pfizer/BioNTech. Jusqu’au moment de l’approbation, ils n’avaient pas encore étudié toutes les données disponibles. D’après Guido Rasi, l’ancien président de l’Agence des médicaments, les Britanniques prennent un risque. « On s’attendrait à un solide contrôle de toutes les données disponibles, mais le gouvernement britannique ne l’a pas fait pour pouvoir prétendre qu’ils étaient avant l’Union européenne », dit-il à la radio italienne.

La Belgique

Notre pays participe à un achat commun européen de vaccin auquel le Royaume-Uni ne souhaitait pas prendre part. Grâce à l’économie d’échelle, l’Union européenne souhaite obtenir des contrats plus favorables avec les producteurs. Cet achat commun prévoit que les états membres placent les commandes au même moment en fonction de leur nombre d’habitants. C’est cependant aux états membres de convenir d’un moment pour les livraisons en accord avec les producteurs. Pour la Belgique, ce moment est prévu le 5 janvier, (on s’attend à ce que l’AEM donne sa bénédiction fin décembre).

En outre, faire cavalier seul fragmenterait l’Union européenne. Si les Pays-Bas, par exemple, vaccinaient plus et assouplissaient plus rapidement que la Belgique, il y aurait au sein de l’UE à nouveau un patchwork de mesures où le risque de contamination diffère fortement d’un pays à l’autre. C’est pourquoi les états membres ont plus ou moins décidé de se montrer solidaires afin de protéger le fonctionnement du marché interne.

Le Royaume-Uni défend sa rapidité à autoriser le vaccin de Pfizer/BioNTech

« Aucun vaccin ne serait autorisé au Royaume-Uni s’il ne respectait pas les normes de sécurité, de qualité et d’efficacité », a déclaré dans un communiqué l’Agence indépendante de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA).

« Tout vaccin fait l’objet de solides essais cliniques conformes aux normes internationales », a-t-elle ajouté.

L’immunologue Anthony Fauci, membre de la cellule de crise de la Maison Blanche sur le nouveau coronavirus, avait estimé jeudi que la MHRA avait « précipité cette approbation », survenue mardi, avant de s’excuser.

« J’ai une grande confiance dans ce que fait le Royaume-Uni, tant sur le plan scientifique que sur le plan de la réglementation », a déclaré sur la BBC le directeur de l’Institut américain des maladies infectieuses.

« Notre processus prend plus de temps qu’au Royaume-Uni. C’est juste la réalité », a-t-il ajouté, jurant ne pas avoir voulu « sous-entendre qu’il y avait un manque de sérieux, même si c’est ce qui en est ressorti. »

« Si vous êtes un régulateur sanitaire un peu en retard, qu’est-ce que vous dites pour justifier votre retard ? Des choses comme celles que ceux que nous avons entendues, peut-être », avait répondu mercredi aux premières critiques Jonathan Van Tam, médecin chef adjoint pour l’Angleterre.

June Raine, directrice de la MHRA, avait aussi précédemment défendu ses équipes, affirmant qu’elles avaient « travaillé de la manière la plus rigoureuse sur ce vaccin, sans négliger aucun aspect ».

L’Agence britannique du médicament a expliqué sa rapidité par le fait qu’elle avait lancé un examen continu des données fournies par Pfizer et BioNTech au fur et à mesure des essais sur l’homme, plutôt que d’attendre que toutes les données soient compilées à la fin.

Européens et Américains attendent ce mois-ci la réponse de leurs agences sanitaires respectives sur l’approbation du vaccin de Pfizer/BioNTech.

En attendant, le Royaume-Uni prévoit de commencer la semaine prochaine l’injection de 800.000 premières doses, donnant la priorité aux résidents de maisons de retraite.

AFP

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