Gérald Papy

Brexit, l’émulation après la confrontation

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Après les sempiternelles discussions que ce dossier existentiel a connues tout au long de l’année 2019, la consécration du Brexit, célébré à Londres et déploré à Bruxelles le vendredi 31 janvier à minuit, prodiguera un sentiment de soulagement à beaucoup.

La volonté exprimée, le 23 juin 2016, par une majorité de Britanniques est somme toute respectée. Et jouer une autre partition, comme ce fut le cas avec le traité constitutionnel européen en 2005 après son rejet en France et aux Pays-Bas, aurait été suicidaire pour la démocratie en ces temps de propagation du populisme, nourri par l’artifice récurrent du complotisme.

L’apaisement politique et le respect de la démocratie ne doivent cependant pas nous exonérer de considérer le retrait de la Grande-Bretagne pour ce qu’il est, un formidable gâchis, une défaite de l’intelligence et de la coopération. Le Brexit témoigne de cette conviction de plus en plus répandue que l’on peut mieux réaliser seul les projets que l’on s’attelait à mener à bien ensemble. Pareille attitude est une hérésie face aux défis de plus en plus globaux de l’économie, du dérèglement climatique et des migrations. Elle ouvre la voie à des divisions et des replis sans fin. Sur quelle base refuser la revendication de ce principe demain aux Catalans, aux Flamands ou aux… Ecossais ? Une des priorités du gouvernement de Boris Johnson sera donc bien de développer les infrastructures négligées du nord du Royaume-Uni avec le secret objectif de contenir la poussée nationaliste proeuropéenne du peuple d’Ecosse… Il n’y parviendra avec Edimbourg que par une concertation rapprochée à laquelle il a renoncé pour son pays avec l’Union européenne.

Le retrait de la Grande-Bretagne pourrait donner l’impression à certains Européens qu’une Union, a priori plus homogène car débarrassée du trublion britannique qui a aligné les fins de non-recevoir et les demandes de dérogation en quarante-six ans de vie commune, sera davantage à même d’avancer sur des chantiers d’envergure. Ce n’est sans doute qu’une illusion. Dans les négociations sur le divorce, les Vingt-Sept ont réussi à garder un remarquable front uni. Cette cohésion pourrait ne pas résister aux tractations sur les futures relations entre Londres et Bruxelles qui toucheront, dans des domaines particuliers, à des intérêts nationaux. Et de manière plus générale, si l’accouchement laborieux du Brexit a servi de repoussoir à d’autres intentions séparatistes, les forces centrifuges et eurosceptiques n’ont pas soudainement disparu du paysage politique, de Varsovie à Budapest.

Pour les professeures de civilisation britannique contemporaine Pauline Schnapper et Emmanuelle Avril (1), le vote sur le Brexit a permis que s’exprime une soif de changement qui, loin d’être canalisée vers des projets constructifs, s’est trouvée cyniquement exploitée par des politiciens opportunistes. Puisse la seconde phase du processus qui s’ouvre ce 1er février promouvoir ces chantiers porteurs et novateurs, à l’image du Green Deal de la Commission européenne, et susciter l’émulation entre le Royaume-Uni et le continent où l’aspiration à une nouvelle ambition n’est sans doute pas moins forte.

(1) Dans Où va le Royaume-Uni ? Le Brexit et après, Odile Jacob, 266 p.

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