Réfugiés ukrainiens au centre Jules Bordet à Bruxelles, le 8 mars 2022

Accueillir des millions de réfugiés ukrainiens, un « très très gros défi » pour l’UE

Le Vif

L’accueil de millions de réfugiés ukrainiens est un « très, très gros défi » mais l’UE est mieux préparée qu’en 2015 et les Etats membres font preuve d’une solidarité « sans précédent », estime la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson.

En deux semaines, l’Union a connu plus de 2 millions d’arrivées, autant que lors de l’afflux de demandeurs d’asile, en majorité syriens, de 2015 et 2016, a-t-elle souligné jeudi lors d’un échange avec des journalistes à Bruxelles.

« Nous allons voir de plus en plus de gens fuir l’Ukraine (…) Nous ne savons pas exactement combien, mais je dirais des millions », a déclaré la commissaire suédoise, particulièrement inquiète du sort des enfants qui représentent actuellement « la moitié » des exilés.

Et si les premiers réfugiés à avoir fui l’invasion russe en Ukraine avaient pour beaucoup des liens familiaux ou amicaux dans l’UE, cela ne sera sans doute plus le cas pour les prochains, selon elle.

« Cela va être un très, très gros défi, c’est déjà un gros défi mais cela va empirer, nous devons nous y préparer », prévient Mme Johansson.

Dans une démarche inédite, les Vingt-Sept ont accepté la semaine dernière d’accorder un régime de protection temporaire aux Ukrainiens qui leur permet de séjourner pendant au moins un an dans l’UE et d’y travailler. La directive octroyant ce statut, prévue en cas d’afflux massif de personnes déplacées, n’avait pas été activée en 2015.

« Nous sommes beaucoup mieux préparés » qu’à l’époque, juge Ylva Johansson. « Nous avons commencé à prévoir des plans d’urgence des semaines avant « l’attaque russe, alors que l’Europe n’avait réagi que bien après le début de la guerre en Syrie en 2011, en voyant arriver les premiers réfugiés sur son sol, souligne-t-elle. En 2015, l’UE était « absente », juge la social-démocrate, qui était alors ministre en Suède, pays de l’Union qui avait accueilli le plus de réfugiés par habitant lors de cette vague.

La Pologne et la Hongrie, deux des Etats membres les plus réticents à l’accueil des réfugiés à l’époque, ont cette fois largement ouvert leurs portes aux Ukrainiens.

« Garantir la normalité »

« Nous assistons aujourd’hui à une solidarité sans précédent de la part des Etats membres les uns envers les autres et envers les réfugiés ukrainiens, et je salue cette attitude », a commenté la commissaire.

Elle s’est dite sceptique quant à la nécessité de prévoir un mécanisme de répartition des réfugiés entre Etats membres pour soulager les pays de l’UE limitrophes de l’Ukraine (outre la Pologne et la Hongrie, la Slovaquie et la Roumanie sont aussi en première ligne).

« Bien sûr tous les Etats membres doivent accueillir des réfugiés d’Ukraine » mais « ils coopèrent » déjà via une « plateforme de solidarité » en partageant des informations sur leurs capacités et « je pense que pour l’instant c’est la bonne façon de faire », a-t-elle commenté.

La commissaire a toutefois estimé qu’un système plus formel pourrait être mis en place pour répartir certaines catégories de population comme les mineurs non accompagnés, les orphelins, les personnes handicapées ou malades.

Ylva Johansson a de nouveau alerté sur le risque que des enfants isolés fuyant la guerre tombent entre les mains de trafiquants. « Nous savons d’expérience que des enfants disparaissent quand il y a d’importantes vagues migratoires », a-t-elle dit. La Commission a activé le réseau de lutte contre les trafics d’être humains regroupant les différents pays membres. « Il est important que les garde-frontières soient vigilants » en voyant des enfants accompagnés d’adultes sur la nature de leur relation, explique-t-elle. « Et nous devons nous efforcer de garantir à ces enfants une certaine normalité, les scolariser ».

Pour cela, la Commission a proposé que les Etats d’accueil puissent utiliser des fonds non utilisés du budget 2014-2020, ce qui permettrait de débloquer environ 420 millions d’euros, et d’autoriser l’utilisation des fonds de cohésion pour financer des mesures d’intégration, dans les domaines de l’éducation, la garde d’enfants ou le logement.

Quelque 10 milliards d’euros provenant des fonds pour 2022 du programme « React-EU » dans le cadre du plan de relance post-Covid peuvent aussi servir à financer des actions de soutien des exilés d’Ukraine, selon la Commission, qui a aussi annoncé une aide humanitaire d’urgence de 500 millions d’euros pour aider ceux qui fuient la guerre.

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