Edith Cresson, avec François Mitterrand : un an et puis s'en va... © belgaimage

15 mai 1991: en France, Edith Cresson devient la première femme Premier ministre

Comme toujours, il y avait eu des rumeurs. Le nom de Jean-Louis Bianco revenait avec insistance. Pierre Bérégovoy semblait avoir ses chances. Michel Delebarre faisait aussi partie des candidats des médias. C’est dire si le microcosme parisien fut pris de court.

A 14 h 46, la dépêche tombe : Hubert Védrine, porte-parole de l’Elysée, annonce la nomination d’Edith Cresson au poste de Premier ministre.  » Cresson ? Quelle salade !  » lâche le député RPR Robert-André Vivien. Dans le même temps, d’autres saluent le  » coup génial  » du président. Pourtant, sur la durée, le coup s’avèrera raté…

Ce jour-là, c’est vers 9 h 30 que le temps s’accélère. Comme tous les mercredis, Michel Rocard a rendez-vous à l’Elysée avec François Mitterrand. Le président de la République a pris sa décision : il demande au Premier ministre de démissionner. Les raisons ne sont pas évidentes. Certes, les deux hommes ont des désaccords sur plusieurs dossiers. Mais cette démission ne sonne-t-elle pas d’abord comme la résurgence d’une vieille rivalité interpersonnelle ? Rocard est pris de court. Mais s’incline, digne.  » Je vais prévenir le gouvernement « , soupire-t-il.  » Non, cela ne le regarde pas « , répond Mitterrand. S’ensuit un conseil des ministres épique, durant lequel Rocard ne dit mot…

En fin de matinée, le Premier ministre rédige sa lettre de démission. Les mots sont choisis ; l’homme insiste sur le fait qu’il n’a pas voulu son sort.  » A l’heure où il me faut vous présenter la démission de ce gouvernement, écrit-il à Mitterrand, je tiens à vous dire combien j’ai été sensible à l’honneur de le conduire, combien m’a passionné l’oeuvre accomplie et combien cette dernière me rend plein d’espoir pour la France et pour les Français.  » Dans la foulée, Rocard commence à ranger ses dossiers. En vingt-sept heures, ses cartons seront bouclés. Un record.

Vers 13 heures, la démission de Rocard est annoncée. Peu de temps après, Cresson est nommée à la succession. Proche du président, cette socialiste qui fut ministre de l’Agriculture, de l’Industrie, du Commerce extérieur et des Affaires européennes, est femme d’expérience. Le soir même, Mitterrand intervient à la télévision, pour (tenter d’) y justifier sa décision.  » Madame Edith Cresson, qui […] a montré partout compétence et caractère m’est apparue comme la plus apte à diriger ce gouvernement.  » Convaincus, les Français ? Pas tous. Certes, ils sont nombreux à se réjouir du choix d’une femme,  » chose encore inconcevable voici dix ans « , dira Françoise Giroud. Dans le même temps, certains soulignent le  » sectarisme  » et le  » manque de rigueur intellectuelle  » de Cresson, quand ils ne dénoncent pas un  » coup médiatique « .  » Le fait qu’une femme devienne Premier ministre peut faire illusion quelques mois, mais pas au-delà « , grince Pierre Méhaignerie.

Le gouvernement Cresson ne sera pas un succès. Jamais la femme ne gagnera les faveurs de l’opinion publique. Elle paiera aussi la faiblesse de son propre parti. Le 2 avril 1992, Mitterrand l’invite à démissionner. Après à peine 323 jours. Sous la Ve République, c’est un record.

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