
Etats-Unis: la Cour suprême autorise certaines discriminations et retoque une mesure phare de Biden
La Cour Suprême des Etats-Unis a donné vendredi un nouveau coup de barre à droite, en autorisant certains commerces à écarter les clients LGBT et en invalidant une mesure phare de Joe Biden sur la dette étudiante.
La veille, la haute juridiction, profondément remaniée par Donald Trump, avait déjà aboli les politiques de discrimination positive à l’université, un des acquis de la lutte pour les droits civiques des années 1960. Ces trois arrêts ont été rendus avec le soutien des six magistrats conservateurs contre l’avis de leurs trois consoeurs progressistes, juste avant que le temple du Droit américain n’entame ses congés d’été.
A la même période en 2022, la Cour avait déjà enterré le droit fédéral à l’avortement, sacralisé le droit au port d’armes et limité les pouvoirs de l’agence de protection de l’environnement. Comme l’an dernier, la droite a applaudi chaudement chacune de ses décisions, tandis que la gauche – avec le président Joe Biden en tête – exprimait son vif désaccord. Le démocrate s’est notamment dit « très inquiet » du risque accru de discriminations contre les LGBT+.
43 millions d’Américains ont des crédits étudiants à rembourser
Mais c’est sur la dette étudiante qu’il a essuyé le revers le plus douloureux. La Cour suprême a jugé que son gouvernement avait outrepassé ses pouvoirs, en adoptant ce programme coûteux sans autorisation du Congrès qui, selon elle, « contrôle le porte-feuille ». Cette décision prive Joe Biden, qui mise sur le soutien des classes populaires pour décrocher un nouveau mandat en 2024, d’une pièce cruciale à son bilan. Le chef des sénateurs républicains Mitch McConnell s’est réjoui que la Cour ne laisse pas le président « remplir les poches de ses électeurs fortunés et prendre pour des pigeons les familles ouvrières qui ont choisi de ne pas contracter de dette étudiante ». L’enseignement supérieur coûte une fortune aux Etats-Unis et près de 43 millions de personnes ont des crédits étudiants fédéraux à rembourser pour un montant global de 1.630 milliards de dollars.
Au début de la pandémie, le gouvernement de Donald Trump avait gelé le remboursement de ces emprunts en vertu d’une loi de 2003 permettant de « soulager » les détenteurs de dette étudiante en cas d' »urgence nationale ». Cette mesure doit prendre fin au 31 août. Anticipant cette échéance, le président Biden avait annoncé en août vouloir effacer jusqu’à 20.000 dollars de l’ardoise des emprunteurs aux revenus moyens. Les candidats s’étaient précipités et 26 millions de dossiers ont été déposés pour un coût de plus de 400 milliards de dollars, selon la Maison Blanche. La justice, saisie notamment par des Etats républicains, avait bloqué la mise en oeuvre de ce plan. Les plaignants accusaient l’administration démocrate d’avoir engagé l’argent du contribuable sans l’accord du Congrès. Pour eux, la loi de 2003, invoquée par le président Biden, couvre le gel de la dette et non son annulation. « Nous sommes d’accord avec eux », écrit le juge John Roberts avec le soutien des cinq autres magistrats conservateurs.
Discriminations autorisées envers certains groupes
C’est la Cour qui « outrepasse son rôle » en « se substituant au Congrès et à l’Exécutif pour prendre une décision de politique intérieure sur la dette étudiante », ont rétorqué leurs consoeurs progressistes. De même, elles se sont élevées contre la décision « profondément injuste » de leurs confrères de donner raison à une créatrice de site web qui refuse, au nom de sa foi chrétienne, d’en concevoir pour des mariages gays. Les entreprises dont les services ont une valeur créative peuvent invoquer leur liberté d’expression pour ne pas fournir un service allant à l’encontre de leurs valeurs, a jugé la majorité.
Cet arrêt est l’aboutissement d’une campagne juridique initiée par la droite religieuse après la décision historique de la Cour suprême, en 2015, de légaliser le mariage homosexuel. Un premier dossier avait été porté par un pâtissier chrétien qui refusait de faire un gâteau de mariage pour un couple gay. En 2018, la haute Cour lui avait donné raison sur des motifs annexes, sans édicter de grands principes généralisables. La question n’avait pas tardé à revenir devant les tribunaux, posée cette fois par une conceptrice de site internet Lorie Smith, qui contestait une loi du Colorado interdisant les discriminations liées à l’orientation sexuelle sous peine d’amende pouvant aller jusqu’à 500 dollars.
Sa victoire « ouvre la porte pour que tous les commerces qui disent fournir des services sur mesure puissent discriminer des groupes marginalisés« , a déploré la puissante association de défense des droits civiques ACLU.