Hadja Lahbib

Et à part ça? Congo: quand les excuses ne suffisent pas

Hadja Lahbib Journaliste et réalisatrice

Hadja Lahbib, journaliste à la RTBF et réalisatrice de documentaires, rejoint l’équipe du Vif avec une nouvelle chronique, « Et à part ça? », qui fait le lien entre la Belgique et le monde. Nouvelle étape: le Congo.

Et à part ça? Vous rappelez-vous ces cinq femmes métisses qui ont intenté une action en justice contre l’Etat belge pour crimes contre l’humanité? C’était il y a un an exactement, le 24 juin 2020, à la surprise générale, Léa, Monique, Noëlle, Simone et Marie-José jugeaient les excuses du gouvernement belge insatisfaisantes. Elles avaient suivi au Parlement ou devant leur petit écran la déclaration solennelle de Charles Michel en avril 2019: le Premier ministre de l’époque avait reconnu « la ségrégation ciblée dont les métis ont été victimes sous l’administration du Congo belge, ainsi que la politique d’enlèvements forcés […], les injustices et souffrances subies », tous ces mots mis ensemble n’avaient qu’attisé leur besoin impérieux d’aller plus loin. La presse avait donné un large écho à cette action.

Dans les milieux congolais, certains leur donnèrent raison, d’autres tort ; ne valait-il pas mieux négocier, poursuivre le dialogue de reconstruction mémorielle avec et non contre l’Etat belge? Une commission parlementaire ne s’est-elle pas ouverte à l’été 2020 pour examiner l’impact de la colonisation sur le Congo? Douze mois se sont écoulés et, avec le recul du temps, quelles sont les premières conclusions que nous pouvons tirer? La commission parlementaire a pris du retard et demandé un délai supplémentaire d’un an. Son premier rapport ne contiendra probablement que des conseils sur la méthodologie à suivre pour la suite de l’enquête.

Une demande « dépourvue de tout fondement »

Quant à l’action en justice, l’Etat belge a livré ses premières conclusions, et elles sont cinglantes. En résumé, il est demandé aux métisses de fournir la preuve des fautes commises par l’Etat belge et quand bien même elles en auraient les preuves, de démontrer que ces dérives liées au colonialisme pouvaient, à l’époque, être considérées comme une infraction au regard du droit international. L’enlèvement d’enfants, arrachés à leur mère sur la base de leur couleur de peau, des enfants coupés de leur famille puis abandonnés au moment de l’indépendance, comme le racontent les cinq plaignantes, si ces faits peuvent paraître choquants aujourd’hui, ils ne l’auraient pas été à l’époque et ne pourraient pas être un crime contre l’humanité. Et de conclure que la demande des métisses est dépourvue de tout fondement.

Après une première audience procédurale en septembre dernier, le procès s’ouvrira à l’automne prochain et gageons qu’il sera passionnant. En attendant, allez flâner dans le parc du Middelheim, à Anvers. Ouvert au public depuis 1910, peu après que l’Etat belge eut repris le Congo à Léopold II, il accueille jusqu’en octobre une quinzaine d’artistes internationaux qui interrogent le passé colonial. L’un d’entre eux, Ibrahim Mahama, a recouvert la façade de l’ancienne école supérieure coloniale de sacs de jute usagés, un voile sombre qui occulte, comme on cacherait un oeil aveugle, la mémoire des lieux où se forgeait jadis l’esprit impérial belge.

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