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Erdogan, grand favori de la première présidentielle au suffrage universel en Turquie

Le Vif

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan est assuré de remporter la première élection présidentielle au suffrage universel en Turquie, qui devrait lui permettre de continuer à dominer la vie politique du pays et à en poursuivre la transformation.

M. Erdogan et son Parti de la justice et du Développement (AKP) issu de la mouvance islamiste, dirigent déjà le pays de 76 millions d’habitants depuis plus de dix ans. En accédant à la présidence, l’ex-Premier ministre pourrait continuer à tenir les rênes du pouvoir pendant deux mandats de cinq ans supplémentaires.

Les sondages d’opinion donnent une victoire de l’homme fort du pays avec entre 51 et 55% des suffrages au scrutin des dimanches 10 et 24 août.

Au terme d’une campagne qui n’aura guère soulevé l’enthousiasme, la seule inconnue consiste à savoir si le chef du gouvernement islamo-conservateur, âgé de 60 ans, sera vainqueur dès le premier tour ou si un second tour sera nécessaire.

S’il remporte ce scrutin, il détiendra le record de la longévité politique après Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne et laïque née sur les ruines de l’Empire ottoman.

M. Erdogan, ancien maire d’Istanbul, souhaite voire sa légitimité renforcée par le vote populaire. En dépit d’une période difficile ces douze derniers mois, inaugurée par une fronde inédite dénonçant sa dérive autoritaire pendant l’été 2013, à laquelle a succédé cet hiver un scandale de corruption retentissant le mettant personnellement en cause.

Ses rivaux, Ekmeleddin Ihsanoglu, l’ex-patron de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) et le député pro-kurde, Selahattin Demirtas, ne semblent pas en mesure de contrecarrer ses ambitions dans une Turquie de plus en plus divisée depuis qu’il a accédé au pouvoir en 2003.

Dans son discours de candidature, M. Erdogan, a fait état de son intention de créer la « nouvelle Turquie (…) où seul le peuple décidera ». Le chef du gouvernement turc n’a jamais caché qu’il voulait remplacer le système parlementaire existant par un système semi-présidentiel pour garder la mainmise sur l’exécutif.

Personnalité charismatique aux origines modestes, M. Erdogan, islamo-conservateur, continue d’incarner les espoirs d’un électorat profondément religieux qui de l’avis des observateurs s’intéresse plus aux préceptes musulmans qu’à la démocratie, synonyme de désordre.

« Erdogan est resté sourd aux revendications en faveur de plus de libertés d’une partie de la population, il semble qu’il en sera toujours ainsi après son élection à la présidence, et cela peut aggraver les fractures au sein de la société », commente Deniz Zeyrek, chef de bureau du journal Hürriyet.

Le candidat, qui a remporté toutes les élections en Turquie depuis 2002, sait jouer sur les sentiments religieux.

L’offensive lancée par Israël contre le mouvement islamiste du Hamas dans la bande de Gaza a ainsi été une aubaine pour le fervent défenseur de la cause palestinienne au cours de sa campagne électorale.

« Israël commet un génocide contre des civils innocents », s’est indigné M. Erdogan, comparant les méthodes de ce pays à celles d’Hitler, enfonçant un peu plus le clou dans les relations israélo-turques profondément détériorées ces dernières années.

Le bilan de la politique étrangère du AKP qu’il dirige est mitigé alors que des pays voisins de la Turquie sont en proie à des conflits.
Pendant tout son règne, sa formation, a, grâce à une série de réformes, renvoyé dans ses casernes l’armée laïque, autrefois influente sur le plan politique, et permis au pays de renouer avec la croissance économique au grand bonheur des classes populaires.
Mais le caractère vindicatif du Premier ministre a exacerbé les clivages sociaux et culturels entre traditionalistes conservateurs et laïcs pro-occidentaux.

« L’affrontement entre les partisans et les adversaires d’Erdogan est moins un affrontement entre religieux et laïcs qu’un affrontement entre l’ancienne et la nouvelle bourgeoisie qui se disputent le pouvoir, et entre une population européanisée et une population attachée aux traditions », commentait récemment la romancière française Kenize Mourad.

L’avenir du président actuel, Abdullah Gül, figure modérée, est incertain. Nombreux sont ceux au sein de l’AKP, dont il est l’un des fondateurs, qui le verraient bien à la tête du gouvernement.

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