Christian Makarian

« En se donnant la mort, le fils de Fidel Castro signe un manifeste politique »

Il était le seul descendant du clan qui ressemblait trait pour trait à son père, ce qui a sans doute joué un rôle dans sa psychologie. Parmi les enfants, légitimes ou naturels, que Fidel Castro a laissés, Fidelito est aussi le seul qui se soit suicidé, à 68 ans.

On l’a appris par ce communiqué laconique :  » Le docteur en sciences Fidel Castro Diaz-Balart, qui était suivi depuis plusieurs mois par un groupe de médecins en raison d’un état profondément dépressif, a mis fin à ses jours aujourd’hui, 1er février, dans la matinée. « 

Ce suicide est en soi révélateur de la pente suivie par le système castriste, qu’il paraît impossible de remonter sans un changement de régime radical. La vie de Fidelito résume l’expérience désastreuse du marxisme cubain ; sa mort apparaît comme un manifeste politique soulignant l’absurdité d’une idéologie infertile qu’une caste doit cimenter – perspective désespérante. Inutile de suivre la piste des spéculations au sujet de la guerre de succession qui se poursuit depuis la mort du Lider maximo, il y a quinze mois, et qui culmineront avec la désignation d’un nouveau successeur, en avril prochain ; la source du drame semble familiale.

Toute dictature reste à la merci des ressorts profonds de l’humanité. Avant d’être ceci ou cela, le dictateur Fidel fut un homme qui n’accorda jamais trop d’attention à ses enfants ; ce qu’aucune explication idéologique ne saurait couvrir. Pour preuve, Raúl Castro (père de quatre enfants), actuellement au pouvoir, s’est toujours caractérisé, à l’inverse, par l’esprit de famille et le sens des responsabilités. C’est même lui qui a recueilli un temps son neveu et lui a témoigné de l’attention.

Fidelito avait démarré trop tôt. En 1959, lors d’une interview très célèbre, par CBS, le révolutionnaire barbu qui défie alors les Etats-Unis se montre à l’écran en pyjama pour rassurer le public américain ; il exhibe soudain Fidelito, lui aussi en pyjama. Cette complicité ne sera que de façade. Après avoir étudié la physique nucléaire en URSS, sous une fausse identité, dans un établissement réservé à l’élite, son fils revient à Cuba pour y poursuivre une carrière de scientifique et prend la tête, en 1980, du projet de la centrale nucléaire de Juragua. Russophone, il épouse en premières noces Olga Smirnova, dont il aura deux enfants, Fidel Antonio et Mirta Maria.

Fidelito a préféré la mort froide à la patrie du socialisme tropical.

S’est-il cru ensuite tout permis ? Reste qu’en 1992, il est brusquement mis ?n à ses fonctions . Son père déclare sèchement :  » Il n’a pas démissionné, il a été renvoyé : Cuba n’est pas une monarchie.  » Fidel reproche à Fidelito son  » incompréhensible soif de pouvoir  » – ce qui pourrait passer pour un compliment venant de sa part… Cette fois, c’est le  » plan pyjama « , joli nom par lequel les Cubains désignent les anciens apparatchiks tombés en disgrâce. S’ensuit une dépression apparemment aiguë, qui l’entraîne vers le bas, bien qu’on lui décerne le poste-placard de vice-président de l’Académie des sciences de Cuba.

La destinée de Fidelito souligne l’incongruité du régime communiste de Cuba. Par sa mère, Mirta Diaz-Balart, première épouse de Fidel et membre d’une grande famille, le fils aîné de Castro était le cousin germain du républicain Mario Diaz-Balart, un élu à la Chambre des représentants qui se signale par ses positions farouchement anticastristes. Ce dernier, soutien de Donald Trump, jugeait récemment que  » les gens sous-estiment le président « , lequel a annulé, en juin 2017,  » avec effet immédiat « , l’accord conclu par Barack Obama, fin 2014, pour se rapprocher de Cuba.

Comme un dernier défi lancé à son père, dont le slogan majeur était  » La patrie ou la mort « , Fidelito a préféré la mort froide à la patrie du socialisme tropical.

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