En Mauritanie, danser son divorce (En images)
Dans la très conservatrice République islamique de Mauritanie, les femmes fêtent leur divorce. Une cérémonie ancestrale pour annoncer le retour sur le « marché du mariage » mais aussi la possibilité pour elles d’affirmer leur émancipation. Par Théa Ollivier et Lucas Barioulet.
Dans une pièce sombre recouverte de tapis rayés, Mimouna se tient immobile pendant qu’une voisine la coiffe de tresses perlées. Mariée à 16 ans, elle a refusé que son mari prenne une deuxième épouse. Il a alors divorcé. Trois mois après, la jeune Mauritanienne de 23 ans s’apprête à fêter son divorce dans la ville de Rosso, à la frontière avec le Sénégal. Tandis qu’elle se drape d’un melhfa, le voile traditionnel mauritanien, elle confesse : » Je suis émue, je portais le même à mon mariage. «
Cette mère de trois enfants arrive ensuite sur le toit-terrasse, au son des youyous d’une vingtaine d’invitées. Sous une tente dressée pour parer aux rayons du soleil, le thé est servi. Les femmes se mettent à danser, alternant amples mouvements de hanches et pieds nus frappant le sol. Tout le quartier sait maintenant que Mimouna est » disponible » pour un nouveau mari. » Je veux prouver qu’après un divorce, la vie continue, avec ou sans homme « , exprime-t-elle fièrement.
En Mauritanie, environ la moitié des couples se sépare. Un des ratios les plus élevés du Sahel. » Une femme divorcée est une vedette, belle et choyée. Une idée contraire à celles qui prévalent dans le reste du monde arabe et africain « , remarque Aminetou Mint El Moctar, figure féministe de cet Etat très conservateur. Mais si les femmes divorcées peuvent se remarier ou travailler, les discriminations restent nombreuses. Ainsi, le divorce est prononcé unilatéralement par le mari, l’épouse ne pouvant le demander qu’en cas de maltraitance et d’abandon. La femme reçoit rarement une pension alimentaire et perd la garde de ses enfants si elle se remarie. Salimata, deux enfants, a préféré rester célibataire après son divorce. Elle a repris ses études pour devenir assistante sociale dans une association féministe. Pour elle, divorcer est plutôt synonyme d’une liberté qu’elle ne compte pas abandonner.
Mimouna, 23 ans, se prépare à fêter son divorce, parée de son melhfa noir. Dans sa culture, cette couleur relève la beauté des femmes. Elle vend désormais des biscuits dans la rue pour subvenir aux besoins de ses trois enfants de 1, 4 et 7 ans.
Mimouna se prépare chez sa voisine et organise la fête chez sa marraine. Elle a honte de se présenter maquillée et apprêtée de cette façon devant son père, chez qui elle est retournée habiter après son divorce.
Amies et femmes de la famille viennent danser avec la toute fraîche divorcée. Certaines essaient déjà de lui trouver un nouveau mari.
En Mauritanie, il est difficile de trouver des lieux de mixité. Les jeunes se retrouvent dans les dunes de sable à quelques kilomètres de Nouakchott, la capitale, profitant de la pénombre pour être à l’abri du regard de la police.
Selon Aminetou Mint El Moctar, présidente de l’Association des femmes cheffes de ménage, les divorces sont nombreux car certains couples se marient sans se connaître ou se disputent autour de la polygamie, autorisée par la loi.
A la tombée de la nuit, l’appel à la prière résonne dans la poussiéreuse ville de Rosso. Au milieu de la fête, la musique et les danses s’arrêtent immédiatement. Les femmes partent faire leurs ablutions et leur prière ensemble sur la terrasse.
Il est rare qu’une femme remariée conserve la garde de ses enfants ou qu’une femme divorcée perçoive rapidement une pension alimentaire. » Les tribunaux sont dirigés par des hommes… «
Salimata, 34 ans, a divorcé à la suite d’une dispute, au cours de laquelle son fils de 3 mois a reçu un coup de poing à la tête. Son mari voulait vivre de nouveau avec son ex-femme. » J’ai refusé de vivre dans la même maison qu’elle. «
La plupart des enfants étudient dans des écoles coraniques. La majorité des mariages religieux ou coutumiers ne sont pas inscrits à l’état civil. Les divorces sont prononcés par l’époux.
Betou a pris des photos tout l’après-midi pour immortaliser la fête de divorce de sa grande soeur. » C’est quand même triste, j’espère qu’elle va trouver un meilleur mari « , résume la jeune fille de 16 ans.
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