En Grèce, un « canon sonore » pour repousser les migrants crée la polémique

A la frontière gréco-turque, une surveillance haute technologie a été mise en place pour dissuader les migrants. Un dispositif qui soulève des questions éthiques.

Les flux de migration interrompus par la pandémie ont repris depuis que les frontières sont plus faciles à franchir. C’est le cas notamment à la frontière gréco-turque. Certains veulent envoyer un message clair aux migrants : « Vous n’êtes pas les bienvenus ». Dans le but de repousser les passagers clandestins aux frontières européennes, tout au long des 200 km qui séparent la Grèce de la Turquie, des nouveaux systèmes de surveillance et de dissuasion ont été testés, dont un canon à son extrêmement puissant.

L’UE a investi 3 milliards d’euros dans les technologies de sécurité après la crise des réfugiés il y cinq ans, lorsque plus d’un million de personnes – dont beaucoup ont fui les guerres en Syrie, en Irak et en Afghanistan – étaient arrivées en Grèce et d’autres pays de l’UE.

Outre ce canon à son puissant , installé sur un blindé et dirigé vers la Turquie, un nouveau « mur de métal » le long de la rivière Evros a été érigé. Des tours d’observation sont équipées de caméras longue distance et à vision nocturne, et de détecteurs en tous genres, dont les données sont traitées par intelligence artificielle.

Mur dressé pour lutter contre le passage de migrants clandestins dans le camp de Diavata à Thessalonique.
Mur dressé pour lutter contre le passage de migrants clandestins dans le camp de Diavata à Thessalonique.© belga

Mur de métal et intelligence artificielle

Ces nouvelles mesures soulèvent des questions éthiques et de nombreuses réactions politiques. Ainsi, Le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V), s’est inquiété de l’utilisation de ce type de technologies.

« Je suis tout à fait favorable à la garde des frontières européennes, mais encore plus à celle des valeurs européennes. L’objectif n’est pas de dissuader tous les migrants, mais de mieux contrôler la migration. Cela peut et doit se faire de manière humaine« , a notamment souligné Sammy Mahdi. Le secrétaire d’État « enverra une lettre à la Commission européenne pour lancer un débat plus large sur la protection des frontières extérieures et les valeurs humaines ».

Dans les rangs des eurodéputés, la Belge Hilde Vautmans (Open Vld, Renew) dénonce aussi le recours à un canon sonore. Elle y voit un « très mauvais signal », « ridicule ». « Nous ferions mieux de travailler sur le pacte migratoire qui est actuellement sur la table », a-t-elle réagi par communiqué.

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La Commission « préoccupée » pour la dignité humaine

La Commission européenne s’est dite préoccupée par la situation. « La gestion des frontières extérieures de l’Union, du point de vue de l’infrastructure, est de la responsabilité des États membres, mais elle doit toujours être en ligne avec la charte des droits fondamentaux de l’UE, y compris le droit à la dignité« , a commenté la Commission, interrogée lors de son point presse quotidien. « Toutes les mesures prises à la frontière extérieure doivent être proportionnées et respecter les droits fondamentaux, y compris le principe de non-refoulement« , a souligné un porte-parole.

L’exécutif européen cherche davantage d’informations auprès des autorités grecques. Il rappelle l’existence de son projet de Pacte sur la migration et l’asile, qui propose un système de gestion des migrations « qui respecte la dignité humaine », avec des procédures « rapides mais justes » aux frontières, ainsi qu’une surveillance renforcée des frontières extérieures.

Sous la houlette de la commissaire Ylva Johansson, qui a proposé un nouveau « pacte » en septembre dernier, les 27 essayent en effet de s’accorder, mais avec difficulté, sur une manière de gérer de manière plus équitable les populations qui tentent d’entrer en Europe pour y demander l’asile.

Actuellement, quasi toute la charge repose exclusivement sur les pays d’entrée, aux premiers rangs desquels les pays comme la Grèce, l’Italie ou l’Espagne.

À ce dossier hautement explosif viennent s’ajouter les multiples accusations de traitements dégradants des migrants et de « refoulements » illégaux aux frontières externes de l’UE, non seulement dans le chef des forces nationales mais aussi de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex.

Avec BELGA

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