Joe Biden, le candidat en tête des sondages chez les démocrates. © Reuters

Élections américaines: bien choisir son colistier, une décision stratégique cruciale

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Donald Trump et Joe Biden ne se présentent pas seuls : ils auront chacun un bras droit, destiné à devenir vice-président(e) et qui fera campagne à leurs côtés. Un choix qui doit être mûrement réfléchi afin de devenir un motif d’adhésion, et non l’inverse.

Le poste de vice-président(e) des Etats-Unis est mal connu. Au niveau institutionnel, son rôle est assez faible. Mais au fil du temps, le « numéro deux » a pris de plus en plus de place dans l’administration américaine. Outre sa future fonction, c’est bel et bien lors de la campagne qu’il peut se révéler un atout précieux. Sa nomination fait donc l’objet d’une longue réflexion, au coeur de la stratégie de campagne électorale. D’autant que son profil sert souvent à combler les manquements et/ou les faiblesses du candidat-président.

De second plan à pièce-maîtresse

Pendant longtemps, les Américains eux-mêmes n’avaient pas trop d’idées de ce que pouvait bien faire leur vice-président. Pire : il faisait bien souvent l’objet de railleries. Et son influence était relativement minime. Il faut dire que la Constitution américaine lui confie un rôle limité: elle stipule qu’il présidera le Sénat mais n’aura pas de vote, sauf si les 100 sénateurs élus ne peuvent se départager.

Trump et son vice-président Mike Pence
Trump et son vice-président Mike Pence© AFP

Mais au fil des décennies, ce poste a gagné en visibilité. « Si ces rôles demeurent, ils ne reflètent pas vraiment ce que fait un vice-président à notre époque », explique à l’AFP Joel Goldstein, professeur de droit à Saint Louis University.

Longtemps, le vice-président fut physiquement éloigné du pouvoir exécutif: son bureau était au Sénat. Le tournant, sur le fond comme la forme, a eu lieu avec la présidence de Jimmy Carter (1977-1981) qui fera une véritable place permanente au sein de la prestigieuse West Wing à Walter Mondale. Depuis, plus personne n’y a touché: le « VP » a son bureau entre le secrétaire général et le conseiller à la sécurité nationale. Au-delà d’un accès beaucoup plus direct au président, la symbolique est forte.

Conseiller tout-terrain, parfois complice

Mais que fait-il, au juste, le VP ? Presqu’oublié hier, le vice-président d’aujourd’hui est « un super conseiller », et ce sur tous les sujets.

Ronald Reagan s’est ainsi largement appuyé sur les connaissances en politique étrangère de George H. W. Bush, ancien ambassadeur à l’ONU et ancien directeur de la CIA. Tandis que Bill Clinton a pu compter sur Al Gore, un des vice-présidents les plus influences de l’Histoire, pour nombre de combats politiques. Avec la vice-présidence Dick Cheney, un cap majeur, considéré comme excessif, a été franchi: l’influence du vice-président, particulièrement après le 11 septembre, est telle qu’elle suscite des interrogations sur le rôle exact du président George W. Bush.

Élections américaines: bien choisir son colistier, une décision stratégique cruciale
© Belga

Sous les deux mandats de Barack Obama, Joe Biden a lui aussi été très influent, se présentant comme l’un de ses plus intimes conseillers, lui qui brigue à son tour la présidence. En travaillant pendant huit ans ensemble, ils ont franchi un autre cap en affichant une véritable complicité, souvent qualifiée de « bromance » par les médias américains. Une complicité que Biden a clairement indiqué comme étant un élément-clé de sa campagne et de son éventuel futur mandat.

Pour Biden, un choix plus important encore

Le choix est d’autant plus important pour Joe Biden en particulier : s’il est élu, il sera le plus vieux président de l’histoire américaine à prendre ses fonctions en janvier, et il a laissé entendre qu’il ne briguerait qu’un mandat. Sa décision est donc considérée comme « plus importante que d’habitude » car la personne qu’il choisira a des chances d’être la candidate démocrate dans quatre ans. D’autant que des doutes pèsent sur la forme physique du septuagénaire, qui a dit vouloir quelqu’un qui soit « prêt à être président au premier jour ».

A cause du Covid-19, le vétéran passe l’essentiel de son temps chez lui à Wilmington, dans le Delaware. Privé de meetings, il mène une campagne en sourdine qui lui vaut les moqueries des pro-Trump, bien que les sondages soient pour l’instant en sa faveur. S’il est bien reçu, le choix de sa colistière devrait renforcer cet élan. Son nom devrait être connu juste avant la convention démocrate (17 au 20 août) où il acceptera formellement sa nomination comme candidat.

Une vitrine pour devenir « présidentiable »

Il faut dire que les deux postes sont intimement liés. Ainsi, le VP doit remplacer le président s’il décède ou démissionne. Dans l’histoire américaine, neuf vice-présidents sont devenus présidents dans ces conditions. Les derniers en date: Lyndon Johnson après l’assassinat de Kennedy, Gerald Ford après le départ de Nixon lié au Watergate.

Mais le rôle de bras droit est aussi un moyen de se positionner politiquement en vue d’un futur mandat présidentiel. Certains avec plus de succès que d’autres. Si Al Gore et Walter Mondale ont échoué, on peut notamment citer Richard Nixon et Bush père comme transitions réussies.

Co-listière, (quasi) grande première

Les Etats-Unis ont organisé 58 élections dans leur histoire: jamais une femme n’a été élue à la présidence ou à la vice-présidence. Joe Biden a annoncé dès le mois de mars qu’il choisirait une colistière. « De nombreuses femmes ont les qualités pour devenir présidente à l’avenir. Je désignerais une femme comme vice-présidente », avait-il déclaré lors d’un duel télévisé face à son rival Bernie Sanders.

Deux candidats avant lui avaient fait la même démarche: le démocrate Walter Mondale avec Geraldine Ferraro en 1984 et le républicain John McCain avec Sarah Palin en 2008. La différence est que c’est la première fois qu’un candidat qui est perçu comme le favori et qui a une véritable chance de l’emporter choisit une femme.

John McCain et Sarah Palin en 2008
John McCain et Sarah Palin en 2008© REUTERS

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