© belga

Droits humains: Amnesty International critique l’Occident pour sa pratique du « deux poids, deux mesures », quid de la Belgique ?

L’ONG de Défense des Droits de l’Homme, Amnesty International tance les pays de l’Occident pour leur pratique du « deux poids, deux mesures » alors qu’ils ont l’an passé « réagi avec force à l’agression russe mais ont fermé les yeux sur de graves violations commises ailleurs, voire en ont été complices ».

Dans son rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde, publié mardi, l’ONG met le doigt sur le contraste entre les positions défendues par la communauté internationale et son incapacité à s’unir autour d’une application systématique des valeurs universelles de protection des droits fondamentaux. « Les pays ont appliqué le droit relatif aux droits humains au cas par cas, faisant preuve de deux poids, deux mesures. »

« Les États ne peuvent pas un jour critiquer des violations et le lendemain tolérer des actes similaires dans d’autres pays uniquement parce que leurs intérêts sont en jeu. C’est un comportement inadmissible, qui affaiblit la trame même des droits fondamentaux universels« , déclare mardi Agnès Callamard, la Secrétaire générale de l’organisation.

Amnesty International fustige en particulier les pays occidentaux qui ont rapidement réagi à l’agression russe par des sanctions économiques envers la Russie et l’envoi d’aide militaire à l’Ukraine entre autres, mais leur réponse « ferme et bienvenue a fortement contrasté avec les précédentes réactions aux violations massives commises par la Russie et d’autres pays, ainsi qu’avec l’insuffisance affligeante des réactions à d’autres conflits, comme en Éthiopie et au Myanmar ».

L’ONG relève aussi le contraste de l’accueil de réfugiés Ukrainiens aux États-Unis et dans des pays membres de l’Union européenne, alors que le premier expulse des Haïtiens et les seconds n’offrent pas l’asile à des Afghans, Libyens ou Syriens. « Cette politique de deux poids, deux mesures de l’Occident a enhardi des pays comme la Chine, et a permis à l’Arabie saoudite et à l’Égypte d’échapper aux critiques sur leur bilan en matière de droits humains, ou de les ignorer et de s’en détourner », fait valoir l’ONG. 

La Chine en particulier n’a pas été sujette à des condamnations de la part de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU au sujet des violations généralisées, contre les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes.

« Si, pour l’avenir, il est une leçon à tirer de la guerre d’agression menée par la Russie, c’est qu’il est fondamental de disposer d’un ordre international fondé sur des règles appliquées de manière effective et cohérente. Tous les États doivent accentuer leurs efforts pour aboutir à un tel ordre renouvelé qui bénéficie à tout le monde, partout sur la planète », enjoint encore la secrétaire générale d’Amnesty.

Elle estime d’ailleurs que le système international a besoin d’être sérieusement réformé et qu’à ce titre les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ne peuvent « continuer de brandir leur pouvoir de veto et d’abuser de leurs privilèges sans contrôle »

L’ONG note encore que l’année 2022 a été marqué par la répression brutale de la dissidence partout dans le monde, avec des poursuites, l’emprisonnement de journalistes ou des législations restreignant les manifestations. Mais surtout « la technologie a été utilisée comme une arme contre de nombreuses personnes, pour les réduire au silence, empêcher des rassemblements publics ou faire de la désinformation », met en garde l’organisation.

Les répressions ont des répercussions particulièrement cinglantes pour les femmes qui sont « frappées de plein fouet en l’absence de protection et de respect de leurs droits par les États », observe Amnesty. « La volonté des États de contrôler le corps, la sexualité et la vie des femmes et des filles est source de terribles violences, d’oppression et de pertes de potentiel« , signale encore Agnès Callamard.

L’ONG pointe les violences envers les femmes en particulier en Afghanistan, Iran, Inde, Pakistan, et aux USA, mais aussi le recul de l’accès à des méthodes abortives aux États-Unis ou en Pologne.

Et en Belgique ?

L’ONG Amnesty international dresse un sombre tableau de la Belgique dans son rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde en raison du manque de capacité d’accueil des personnes demandeuses d’asile et de l’inaction de l’État belge à cet égard. Le rapport épingle aussi le pays pour la discrimination structurelle contre les personnes étrangères ou encore la surpopulation carcérale, mais salue les récentes dispositions pénales relatives à la notion de consentement.

De nombreux demandeurs d’asile ont encore été laissés dans la misère « sans abri ni ressources », déplore l’ONG de défense des droits humains dans le chapitre consacré à la situation en Belgique. Amnesty International (AI) déplore en particulier que le commissariat général aux apatrides refuse la protection aux Afghans, en dépit du retour au pouvoir des Talibans dans ce pays.

Les autorités « laissent la crise de l’accueil se prolonger » et « continuent de se montrer cruellement indignes des valeurs qu’elles prétendent défendre en laissant des centaines de personnes demandeuses d’asile – dont des enfants – à la rue, sans ressources, en contradiction totale avec leurs obligations relatives au droit d’asile et au droit d’accueil qui y est lié », fustige Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International, dans un communiqué. 

« Comme si cette situation honteuse ne suffisait pas, nos autorités persistent et signent dans l’incurie, l’irresponsabilité et la négation de l’État de droit en ignorant plusieurs milliers de décisions de justice belges et européennes », insiste-t-il. L’ONG rappelle à ce titre que la Cour européenne des Droits de l’Homme a pris des mesures provisoires pour que les arrêts rendus au niveau national soient respectés.

À ce jour, l’État belge n’a en effet pas payé les astreintes imposées après plus de 7.000 condamnations pour le non-respect de ses devoirs envers les demandeurs d’asile. 

Les mesures prises en Belgique pour répondre à la crise de l’accueil jusqu’à présent se sont révélées « inadéquates » et celles prévues « ne permettent pas non plus d’envisager une amélioration de la situation à court terme », se désole d’ailleurs l’ONG. « Si nos autorités le veulent vraiment, elles disposent des ressources nécessaires pour accueillir dans la dignité ces personnes vulnérables et respecter ainsi leurs obligations », encourage Philippe Hensmans, qui blâme au passage la Belgique pour les expulsions forcées des personnes réfugiées dans des bâtiments publics, comme à Schaerbeek ou Saint-Josse. 

La crise de l’accueil n’est pas le seul aspect qui inquiète l’ONG pour le respect des droits humains en Belgique. Une discrimination structurelle « directe et persistante » a été observée contre les étrangers sur le marché du travail et en particulier contre les personnes d’origine africaine dans le domaine du logement. En outre les étrangers sont plus à risque de subir des violences lors d’arrestations, de gardes à vue ou juste de témoignages, constate encore Amnesty. 

Autre aspect sombre au tableau de la Belgique, la surpopulation dans des prisons « délabrées » où les conditions de détentions sont qualifiées d' »inhumaines », notamment en raison du manque d’accès aux sanitaires et soins médicaux.  Amnesty International signale encore que la Belgique autorise des transferts d’armes jugés « irresponsables ».

L’organisation rappelle à ce titre avoir engagé une action en justice, avec d’autres associations, contre l’armurier liégeois FN Herstal, détenu par la Région wallonne, pour la vente d’armes à des États « susceptibles de les utiliser pour commettre de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire ». 

Une bonne note est cependant attribuée à la Belgique par l’ONG en ce qui concerne les violences sexuelles ou fondées sur le genre: elle salue que des dispositions pénales relatives à la notion du consentement et à la dépénalisation du travail du sexe sont entrées en vigueur l’an passé.

Contenu partenaire