Trump et Pence. © REUTERS

« Donald Trump semble penser comme Jean-Luc Dehaene »

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Pour Tanguy de Wilde, professeur de géopolitique, le président Trump pourrait bien tourner le dos aux promesses du candidat Trump.  » Ses futurs conseillers lui diront qu’un retrait des Etats-Unis de la scène internationale serait un facteur très déstabilisant, y compris pour le pays. « 

Le Vif/L’Express : Peut-on déjà tracer les lignes directrices de la politique étrangère des Etats-Unis sous l’ère Trump ?

Tanguy de Wilde d’Estmael (professeur de géopolitique et de relations internationales à l’UCL) : Le cas de figure actuel est celui d’un président des Etats-Unis qui n’est pas du tout dans la ligne de son prédécesseur. Donald Trump s’est, en outre, fait élire avec des arguments de politique intérieure. Ses vues en politique étrangère restent floues. Le même scénario s’est produit en 1993 : Bill Clinton, novice sur la scène internationale, a succédé à un grand président diplomate, le père Bush, auréolé de ses succès en politique étrangère. Le mari d’Hillary a mis du temps à former son équipe de conseillers diplomates, mais il est tout de même devenu, par la suite, un président libéral interventionniste.

La politique menée dépendra donc en partie des conseillers dont le président Trump va s’entourer ?

Il a deux mois pour former son équipe. Son parti ne manque pas de ressources, de compétences et d’expertise en matière de relations extérieures. Toutefois, en août dernier, 50 républicains qui ont exercé d’importantes fonctions à la Maison Blanche, au département d’Etat ou dans l’appareil américain de sécurité nationale ont dénoncé dans une lettre ouverte l’ignorance et l’incompétence de Trump. Il faudra voir si certains de ceux-là seront tout de même remis en selle par le nouveau président. Rappelons que les républicains comptent de grands noms dans l’histoire de la diplomatie américaine, que l’on songe à des personnalités comme Henry Kissinger, James Baker, Condoleezza Rice.

Trump veut réduire la contribution américaine à l’Otan et ne voit pas l’intérêt de maintenir une présence militaire onéreuse en Asie. Que penser de cette tendance à l’isolationnisme ?

Bush fils s’était, lui aussi, fait élire sur un programme isolationniste en politique étrangère. Il a commencé à appliquer cette politique au début de son premier mandat. Mais les attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis l’ont obligé à y renoncer. Un événement international peut changer la politique étrangère de l’Amérique. Trump ne veut pas trop s’impliquer dans les affaires du monde, mais ses conseillers ne tarderont pas à lui dire qu’un retrait des Etats-Unis de la scène internationale serait un facteur de désordre et une cause majeure d’instabilité économique, ce qui ne serait pas bon pour l’Amérique elle-même.

Dans son discours prononcé après l’annonce des résultats de la présidentielle, Trump s’est adressé à la communauté internationale. « Nous aurons des relations honnêtes, assure-t-il, même si nous mettrons toujours des Etats-Unis en premier ». Est-ce l’amorce d’une attitude plus consensuelle et rassembleuse ?

Si l’on s’en tient à ce premier discours classique, non-révolutionnaire, Trump pense apparemment comme feu Jean-Luc Dehaene : après les élections, on oublie tout ce qui a été promis pendant la campagne et le travail sérieux commence. Pour Dehaene, cela signifiait former une coalition. Trump aussi devra être un rassembleur, comme président de tous les Américains. Ainsi, il est de tradition d’inclure dans le gouvernement un membre de l’équipe adverse. En 2009, Obama avait nommé Robert Gates secrétaire à la Défense, poste qu’il avait déjà occupé dans l’administration du républicain George W. Bush. On verra si Trump fait de même en prenant un démocrate dans son équipe. Le nouveau président devra aussi convaincre les siens, cohabiter avec le Congrès, même s’il est majoritairement de sa couleur politique. Il n’y a pas de discipline de vote et des parlementaires républicains et démocrates peuvent s’allier dans certains dossiers. Un président américain ne peut donc tout se permettre.

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