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Covid: la Chine et la tolérance zéro

Muriel Lefevre

A moins d’un mois des Jeux olympiques d’hiver, les autorités chinoises sont sans pitié et confinent des villes de plusieurs millions d’habitants pour, officiellement, à peine quelques contaminations.

La Chine a réintroduit dans plusieurs villes des mesures drastiques et un confinement ultra strict. Le pays suit une politique du zéro Covid qui s’appuie sur des mesures radicales dès le dépistage de quelques cas. Les autorités sont particulièrement sur le qui-vive à l’approche des Jeux olympiques de Pékin (4 au 20 février).

Ainsi les habitants de la ville d’Anyang, qui compte 5 millions d’habitants dans le centre de la Chine, ont a leur tour été placés ce mardi en quarantaine après l’apparition de cas de Covid (84 depuis samedi), notamment de la souche Omicron. Les habitants ne peuvent plus sortir de chez eux, la circulation des véhicules de particuliers est interdite, tous les commerces non essentiels sont fermés et une campagne de dépistage généralisée est en cours. Ils sont les troisièmes du pays à devoir rester à la maison, après une mesure similaire prise le mois dernier dans la métropole de 14 millions d’habitants de Xi’an (nord) et dans une autre ville du Henan, Yuzhou (1 million d’habitants).

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Ailleurs dans le pays, plusieurs autres villes imposent aussi d’autres mesures comme l’interdiction de sortir des limites municipales. L’une d’elles est la métropole portuaire de Tianjin, une ville limitrophe de Pékin de 13 millions d’habitants (voir encadré). Dès l’apparition d’un cas de Covid, les autorités imposent de strictes mesures de confinement et procèdent au dépistage massif et répété de la population. Enfin, partout dans le pays est appliqué un système de laissez-passer numérique pour pénétrer dans tous lieux publics. Celui-ci se base sur du « big data »comme les données GPS et attribue à chaque personne un code couleur – rouge, orange ou vert. Concrètement, une personne peut être mise en quarantaine simplement parce qu’elle a le malheur d’être dans un magasin au même moment qu’une personne contaminée.

Des mesures ultras sévères lorsqu’on sait que la Chine ne fait officiellement état, ce mardi 11 janvier, que de 157 nouvelles contaminations au cours des dernières 24 heures, dont 60 cas importés. Et que le bilan officiel total dépasse à peine 100.000 cas depuis le début de la pandémie, dont 4.636 mortels.

Aucun risque

Mais il semble qu’à moins d’un mois des Jeux olympiques, les autorités ne sont prêtes à prendre aucun risque. Des athlètes du monde entier se rendront alors à Pékin et comme la plupart des infections ont jusqu’à présent pénétré dans le pays par l’intermédiaire de voyageurs, la Chine ne veut rien laisser au hasard. D’autant plus que le président Xi a fait de la lutte contre le virus une affaire personnelle en la déclarant « guerre populaire » et le régime communiste a convaincu sa population que sa politique est la seule possible, en comparaison du chaos sanitaire du reste du monde. Permettre la propagation incontrôlée du virus serait une hérésie politique puisque cela risquerait de faire chanceler Xi, de faire perdre toute légitimité au parti, voire de provoquer une crise sociale. Outre les aspects politiques, la Chine n’a en réalité, selon un spécialiste interviewé par The Guardian, plus vraiment d’autres choix que d’appliquer la manière dure y compris d’un point de vue santé. En effet, le système de santé y est beaucoup plus fragile qu’en Europe (moins de personnel qualifié, de lits en réanimations…) et il y a la surpopulation. Et comme il n’y a pas eu de vagues de contamination, personne ou presque n’a une immunité, ce à quoi s’ajoutent des vaccins qui seraient moins efficaces. Ce qui fait dire à des chercheurs de l’Université de Pékin que le pays subirait « une contamination colossale » s’il devait assouplir ces restrictions. Au regard de ce constat, il n’est pas complètement aberrant de penser que le variant Omicron pourrait faire dérailler le pays entier.

D’autant que les mesures bénéficient d’un large soutien. « La transition (à une autre stratégie sanitaire) risque effectivement d’être compliquée parce que la société a pris l’habitude de vivre avec un bas niveau de transmission du virus », observe le chercheur Thomas Hale, de l’Université d’Oxford au Royaume-Uni. « La Chine a prouvé que l’on peut poursuivre une stratégie du Zéro Covid presque indéfiniment », observe lui l’épidémiologiste Ben Cowling, de l’Université de Hong Kong. Le pays a pratiquement fermé ses frontières en mars 2020, réduisant le nombre de vols internationaux à la portion congrue ainsi que les visas accordés aux visiteurs étrangers. En ce qui concerne les citoyens chinois, l’Etat a cessé de renouveler les passeports, sauf en cas de nécessité impérieuse. Mais la fin des voyages à l’étranger ne pénalise qu’une minorité de la population. Les rares voix à mettre en question la politique du gouvernement se sont vues accusées de collusion avec l’étranger. En juillet, le prestigieux virologue Zhang Wenhong a suggéré « d’apprendre à vivre avec le virus », avant de se retrouver placé sous enquête par son université.

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Alors on continue la politique impitoyable du zéro Covid, quitte à priver les habitants de ces trois villes de tout contrôle sur leur vie. Les transports en commun et les taxis sont à l’arrêt, des quartiers entiers sont barricadés et les gens ne peuvent même plus faire leurs courses. Les habitants doivent commander en ligne et se faire livrer. Si jamais une personne est testée positive, elle est envoyée dans un centre de quarantaine lourdement gardé ou elle devra rester des semaines isolée et testée constamment. Des règles strictes, qui ne semblent souffrir d’aucune exception (ceux qui veulent fuir le confinement risquent au moins 10 jours de prison). Comme ces portes qu’on soude, ces gens qui crient qu’ils ont faim parce qu’ils n’ont plus de nourriture, ou l’humiliation publique des « contrevenants covid » dans la ville de Jinxi. Ou encore cette femme enceinte à qui on a refusé l’accès à l’hôpital, car son test (négatif) était périmé depuis 4 heures. Elle sera laissée dans une mare de sang et fera une fausse couche. Devant le tollé, les responsables de l’hôpital seront renvoyés, mais ces images rappellent par leur dureté celles du premier confinement à Wuhan et font remonter les traumatismes de l’époque maoïste. Et c’est aussi oublier un peu vite que les confinements stricts n’auraient que peu d’impact sur le variant Omicron. Un variant qui se propage très facilement par l’air et est capable d’infecter même à distance.

Les mesures dans chaque villes

Xi’an (nord)

Les 13 millions d’habitants de cette ancienne capitale de l’Empire chinois, connue pour son armée enterrée en terre cuite, sont dans leur troisième semaine de confinement. La ville est confrontée à un regain épidémique qui a déjà fait 2.000 malades ces dernières semaines. C’est très peu en comparaison de la situation dans beaucoup d’autres pays. Il s’agit toutefois du foyer le plus important en Chine depuis 2020. Concrètement, les habitants n’ont le droit de sortir se ravitailler qu’une fois tous les trois jours. Ils ne peuvent pas quitter la ville. Les commerces non essentiels sont fermés. Des habitants se sont plaints d’un manque d’accès à la nourriture. Et certains autres n’ont pas pu accéder à des établissements hospitaliers faisant de l’excès de zèle. Les autorités de Xi’an ont également admis que certains habitants avaient des difficultés à s’approvisionner en nourriture. Le problème semble s’être atténué ces derniers jours.

Tianjin (nord)

Située à 100 km au sud-est de Pékin, cette grande cité portuaire de 14 millions d’habitants cristallise les inquiétudes, car au moins deux malades y ont été infectés par le variant Omicron, très contagieux. Dimanche, les autorités ont appelé la population à ne pas quitter Tianjin « sauf raison impérieuse », et ont interdit toute sortie sans autorisation. Les établissements scolaires sont fermés et un dépistage de l’ensemble des habitants a été lancé. Limité, ce foyer est toutefois surveillé comme le lait sur le feu en raison de la proximité de Pékin. Les liaisons ferroviaires reliant Tianjin à la capitale ont été suspendues. Des points de contrôle routier empêchent tout véhicule d’entrer dans Pékin depuis la ville portuaire.

Henan (centre)

Plusieurs villes de la province du Henan ont renforcé leurs restrictions face à une vague de plus de 250 cas depuis fin décembre. La capitale provinciale, Zhengzhou, a imposé un confinement de certains quartiers et ordonné à ses 13 millions d’habitants de se faire tester. La ville d’Anyang a fait état lundi de 18 nouveaux cas — dont deux Omicron liés au foyer de Tianjin. La mairie a lancé un dépistage de ses 5 millions d’habitants. La vente de billets de train et de bus longue distance au départ d’Anyang a été suspendue et des barrages routiers ont été installés. Des mesures prises pour empêcher les sorties de la ville et la propagation du virus ailleurs dans le pays.

Pékin

A l’approche des JO, la capitale a lancé la semaine dernière son concept de « boucle fermée ». Cette bulle sanitaire doit empêcher tout contact direct entre ses futurs habitants (sportifs, officiels, volontaires, chauffeurs, cuisiniers) et la population générale chinoise. Toutes les personnes entrant dans cette « boucle fermée » devront être entièrement vaccinées ou subir une quarantaine de 21 jours à leur arrivée. Un dépistage quotidien au Covid-19 sera imposé dans la bulle. A l’extérieur de cette « boucle fermée », les règles sont bien moins strictes pour les Pékinois. La ville interdit toutefois l’entrée de personnes en provenance de lieux ayant enregistré des cas de Covid durant les deux dernières semaines. Elle exige également la présentation d’un test négatif datant de moins de 48 heures.

Shenzhen (sud)

Après une poignée de cas ces derniers jours, cette métropole où sont implantées de nombreuses entreprises technologiques a confiné certains complexes résidentiels, lancé une campagne de dépistage générale et fermé certaines stations de bus longue distance.

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