Bernie Sanders © REUTERS

Coriace et rebelle, Sanders inquiète les partisans de Clinton

Rudi Rotthier
Rudi Rotthier Journaliste Knack.be

Bien qu’il n’ait plus de chance de remporter la nomination démocrate, le candidat présidentiel Bernie Sanders continue à remporter des primaires, et sa rhétorique contre Hillary Clinton et l’appareil du parti ne fait qu’enfler.

Ce dernier élément est fondamental. Bernie Sanders fait régulièrement comprendre que l’appareil du parti le gêne, et ses supporters sont encore plus radicalement opposés à l’establishment du parti.

Il n’est pas difficile de trouver l’origine de la frustration de Sanders. Avant même qu’il ait effectivement posé sa candidature, Hillary Clinton avait déjà acquis le soutien de 400 superdélégués (ténors du parti), ce qui lui a donné une avance pratiquement infranchissable. Beaucoup d’états n’acceptent que des membres de parti aux primaires, ce qui diminue les chances d’un Sanders « indépendant ». Dans les états où les élections sont ouvertes aux indépendants, il gagne plus souvent que Clinton. « Le parti doit ouvrir ses portes », a-t-il déclaré mardi, après sa victoire dans l’état d’Oregon : « Ouvrez les portes, laissez entrer le peuple ». L’alternative, a-t-il poursuivi, est un parti qui continue, qui compte sur les gros sous « avec peu de participation et peu d’énergie ».

Il a pu attribuer sa défaite (il était presque ex aequo avec Hillary Clinton) à ces portes fermées. Si les indépendants avaient pu voter aussi au Kentucky, les résultats auraient été tout à fait différents.

Seulement s’il y a du sport

Cependant, ce qu’il considère comme une obstruction du parti va plus loin que ça. Initialement, la présidente du parti Debbie Wasserman Schultz ne voulait pas organiser de débats télévisés, avant de changer d’avis et de les programmer le samedi soir en même temps qu’une rencontre sportive très regardée. Ce n’est que quand il s’est avéré que Clinton s’en sortait bien, que la direction du parti s’est assouplie et que les candidats présidentiels démocrates ont pu débattre en semaine aussi.

Sanders et ses partisans ont du mal à accepter les règles du parti, qui parfois, comme dans l’état du Nevada, sont incroyablement compliquées. Cela a été à la base de leurs problèmes au Nevada, où samedi on a jeté des chaises (ou aurait jeté, car certains le contestent).

Selon la direction du parti, le camp Sanders n’avait pas fait ses devoirs et trop peu de délégués régionaux se sont manifestés. Pour les partisans de Sanders, la direction du parti a essayé d’escamoter ses délégués, en disqualifiant massivement ses délégués régionaux (au Nevada, il y a trois niveaux de délégués). Le conflit s’est terminé par une évacuation de la salle et la colère de la direction du parti nationale contre Sanders. Le leader du parti de l’état a été menacé de mort parce qu’il serait « corrompu » à l’avantage de Clinton.

Le camp de Sanders s’interroge toujours sur les 60 000 électeurs barrés des listes à Brooklyn et à New York. On a ouvert une enquête qui n’a toujours pas fourni de réponses. Aujourd’hui, quand Sanders évoque la direction du parti démocrate, le public siffle.

Indépendamment des objections concrètes, le « moment ou jamais » joue également un rôle. Sanders raconte la même chose depuis trente ans, généralement personne ne l’écoutait, mais aujourd’hui, son message remplit des stades de sport. Et donc il continue à faire campagne jusqu’à ce que « la dernière voix ait été exprimée », même s’il n’a pratiquement aucune chance de remporter la nomination. Il devrait remporter 68% des délégués et convaincre les superdélégués de laisser tomber Clinton.

En attendant, Sanders continue à divulguer sa « révolution politique », il critique de plus en plus Clinton et le parti et les fait glisser vers la gauche.

Condescendant

Pour le camp Clinton, le problème est plus grave. Clinton peut argumenter qu’elle a engrangé 3 millions de voix de plus que Sanders, qu’elle a remporté de plus grands états, et que règles du parti existaient déjà avant que Sanders décide de mener campagne comme démocrate. Certains de ses partisans trouvent qu’un nouveau membre comme Sanders ne doit pas immédiatement remettre les règles du parti en question.

Clinton essaie de faire comme si elle menait déjà campagne contre Trump. La campagne de Sanders la détourne de son objectif. Cela lui coûte de l’argent aussi, comme au Kentuck où elle a instauré un tour supplémentaire pour remporter l’état.

Selon certains démocrates, Hillary sous-estime la prestation de Sanders, et ne déborde pas de sympathie pour ses électeurs qu’elle a traités avec condescendance de « jeunes sans expérience ». Cependant, elle a besoin des voix de Sanders pour battre Trump. D’après un sondage effectué en Virginie-Occidentale, 39% de l’électorat de Sanders a déclaré qu’il voterait pour Donald Trump en novembre.

À présent, la direction du parti craint que l’animosité entre les deux camps entraîne des tensions à la convention du parti en Philadelphie, avec ou sans chaises lancées.

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