Jonathan Holslag

Comment lutter contre le radicalisme?

Jonathan Holslag Jonathan Holslag est professeur en relations internationales à la VUB.

Pour le professeur Jonathan Holslag, l’islam radical doit moins nous inquiéter que la faible croyance envers les valeurs clés européennes. Il plaide pour une revalorisation des cours d’histoire.

Vérifiez combien d’Européens sont dévoués en paroles et en actes aux valeurs clés européennes : l’esprit civique, l’égalité, la solidarité, la liberté, la paix et la démocratie ? Combien de jeunes Européens réalisent encore à quel point la lutte de leurs ancêtres pour arracher ces valeurs clés, la lutte contre la dictature, la lutte contre l’exploitation, la lutte pour les droits égaux pour les hommes et les femmes, a été douloureuse ? Combien de jeunes Européens réalisent que ces valeurs ne sont pas acquises ? Combien d’Européens réalisent que l’avenir de ces valeurs dépend de notre engagement en tant que citoyens d’aujourd’hui ?

Les musulmans s’isolent cinq fois par jour pour prier leur Dieu. Beaucoup de gens méprisent cette habitude, alors qu’il regardent leur smartphone cinquante fois par jour pour un peu d’attention virtuelle. C’est un raccourci, me direz-vous, mais ce n’est pas une mauvaise idée de prendre un peu de distance plusieurs fois par jour : pas nécessairement pour prier, mais pour réfléchir au sens de ce que nous faisons, pour nous rappeler qu’en tant qu’êtres ingénieux, nous avons le devoir de développer nos talents au maximum et de traiter les autres avec respect.

Nous avons laissé tomber notre religion, mais souvent on omet de combler le vide. Ça pèse. Les recherches prouvent que les croyants ont un but plus clair dans la vie, et qu’il s’agit justement d’un facteur clé de notre bien-être. Les gens qui ont un but sont ancrés plus solidement dans le monde. Si on est conscient des buts et des valeurs, on renforce notre société comme communauté de destin et il est plus facile de jeter des ponts vers les croyants modérés de quelque religion que ce soit. On verra mieux ce qui nous lie et pourquoi cela vaut la peine de nous engager pour l’intérêt commun.

Nous ferions mieux de nous inquiéter un peu plus de la faible croyance envers les valeurs clés européennes et un peu moins de la prétendue force de l’islam radical.

Nous ferions mieux de nous inquiéter un peu plus de la faible croyance envers les valeurs clés européennes et un peu moins de la prétendue force de l’islam radical. Si on sème la haine sur la terre en friche morale de l’Europe, on faillit à notre tâche de poursuivre le développement de valeurs et de normes pour lesquelles des millions d’Européens se sont battus ces derniers siècles. Il faut plus d’espace dans notre société pour s’arrêter aux choses vraiment importantes.

Familiarisons les jeunes avec notre histoire, afin qu’ils sachent comment celle-ci a formé notre société. Quelle est la signification, par exemple, du monument des cheminots tombés au champ d’honneur devant lequel les navetteurs de la Gare Centrale à Bruxelles passent sans savoir, pourquoi on fête le premier mai et pourquoi tous les soirs à 20 heures on entend les clairons sous la Porte de Menin. Une société sans histoire est comme un arbre sans racines.

Consacrons plus de temps à la philosophie et à la conception de la vie pour réfléchir à nos choix dans les écoles, à la valeur de nos valeurs, au sens et au non-sens de ce qu’on a vu la veille à la télévision. Tout comme les écoles américaines commencent la journée par un serment au drapeau, on pourrait débuter la journée par un hommage à nos valeurs clés en y réfléchissant.

Consacrons plus de temps à cultiver la citoyenneté. Il faudrait vraiment fêter à nouveau certains jours fériés dont le sens nous échappe. On pourrait instaurer une journée de la Constitution : pas un jour de congé, mais une journée où on réfléchit avec ses collègues, les membres de sa famille et ses amis à nos droits et surtout à comment renforcer la société, au-delà des convictions différentes et des religions.

Si quelques millions de citoyens se trouvent de cette façon, il sera très pénible de perturber leur équilibre. Si quelques dizaines de millions de citoyens le font, ce sera encore plus difficile. Et si 500 millions de citoyens le font, aucun radicalisme ne pourra nous détruire.

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