Joe Biden et Vladimir Poutine. © iStock

Comment la guerre en Ukraine devient clairement une bataille entre la Russie et l’Occident

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le soutien croissant que l’Ukraine reçoit de l’Occident et des États-Unis ne fait que rendre Vladimir Poutine plus déterminé. Peu étonnant, dès lors, que Moscou parle de plus en plus d’un risque de troisième guerre mondiale. Les récents événements en Moldavie confirment cette crainte d’extension du conflit.

« La possibilité d’une troisième guerre mondiale est réelle. » Dixit Sergeï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères. Il n’a pas prononcé cette phrase de façon anodine. Celui qui était considéré comme un diplomate fiable par l’Occident, dans un passé pas si lointain, aime désormais rappeler que la Russie dispose d’armes nucléaires. Une menace qui fait de moins en moins son effet en Occident, qui continue de fournir des armes -aussi bien défensives qu’offensives- à l’Ukraine en quantité de plus en plus importante.

La déclaration de Lavrov sur le danger réel d’une troisième guerre mondiale a suscité davantage réactions que les précédentes menaces nucléaires du régime russe. Les pays occidentaux ont perçu cette déclaration comme une nouvelle escalade de la part de Moscou.

Le timing des déclarations de Lavrov n’est pas accidentel. Elles interviennent après la visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken et de son homologue de la défense Lloyd Austin à Kiev et avant une importante réunion sur la sécurité à Ramstein, (principale base militaire américaine en Allemagne), où quarante pays, menés par les États-Unis, ont continué à coordonner leur soutien militaire à l’Ukraine.

Le fait que l’Ukraine reçoive des armes lourdes de l’Occident est de plus en plus perçu par Moscou comme une attaque contre la Russie. Dans l’esprit du président Vladimir Poutine, la guerre qu’il a déclenchée en Ukraine est devenue une lutte de vie ou de mort avec l’Occident. Ce mois-ci, il a déclaré que la chose la plus importante qui se passe en ce moment « n’est pas les événements tragiques en Ukraine, mais la rupture du monde unipolaire créé après l’effondrement de l’Union soviétique ».

Dans sa lutte avec l’Occident, Poutine s’est lourdement trompé. Jusqu’à présent, l’OTAN et l’UE sont unies derrière l’Ukraine. Il ne s’attendait pas à une telle solidarité. Le fait que l’Occident n’ait plus peur de fournir des armes lourdes entraîne également une frustration croissante dans le chef de Poutine. Car il ne pourra pas atteindre des objectifs militaires aussi vite qu’il l’espère. En armant l’Ukraine, l’Occident, dirigé par les États-Unis, mène également une guerre contre la Russie elle-même par un moyen détourné, dans l’esprit de Poutine. Et en fait, les États-Unis sont plutôt d’accord avec lui. Lloyd Austin a déclaré cette semaine que Washington voulait « affaiblir la Russie militairement autant que possible ».

Les prochaines semaines seront cruciales

On n’en est pas encore arrivé à une confrontation directe. La question est de savoir si Poutine osera le faire. En tout cas, il est prêt à mener une guerre longue et sanglante avec l’Ukraine. Le temps ne joue pas en faveur des Ukrainiens », a admis le chef d’état-major américain, Mark Milley, à Ramstein. « Ils veulent se battre, mais nous devons leur donner les moyens de le faire. Les prochaines semaines seront cruciales. »

La Russie ne cherche pas seulement à conquérir le Donbass. Poutine veut s’emparer de tout le sud de l’Ukraine pour ensuite détruire économiquement le reste du pays. C’est pourquoi nous devons aider les Ukrainiens « à la vitesse de la guerre », a ajouté Austin après la conférence de Ramstein. Il y a été décidé que les quarante pays qui aident militairement l’Ukraine se réuniront désormais tous les mois.

C’est une bonne nouvelle pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky, mais cela convaincra encore plus Poutine dans son idée que la Russie est engagée dans une guerre avec l’Occident tout entier. Il ne peut pas la gagner, mais cela le rendra plus déterminé. Le fait que la Pologne et la Bulgarie ne recevront plus de gaz russe à partir d’aujourd’hui /mercredisont des signaux qui prouvent l’extension du conflit.

La Moldavie dans la ligne de mire ?

Les rapports en provenance de Transnistrie sont également de mauvais augure. Dans la région séparatiste de Moldavie, le gouvernement pro-russe a décrété le plus haut niveau de préparation. La raison : une série d’explosions survenues lundi. Le ministère de la sécurité de la capitale Tiraspol a été touché, et hier, ce sont les tours de transmission des stations de radio (pro-russes, et c’est important) qui ont été frappées.

Des explosions qui s’apparentent beaucoup aux attaques qui ont eu lieu dans la partie pro-russe du Donbass les jours précédant l’invasion russe en Ukraine.Mises en scène, elles étaient destinées à donner à Moscou un argument supplémentaire pour déclencher la guerre. La crainte est donc que la Russie veuille désormais créer des troubles supplémentaires à la frontière sud-ouest de l’Ukraine. Pour la présidente pro-occidentale de la Moldavie, Maia Sandu, la situation est claire: les factions belligérantes de Transnistrie veulent déstabiliser davantage la région.

La semaine dernière, le général en chef de la Russie, Rustam Minnekayev, a exposé les objectifs de Moscou. Il a clairement indiqué que la Russie voulait conquérir tout le sud de l’Ukraine et le relier à la Transnistrie pro-russe. Et il a ajouté que « la Russie est déjà en guerre avec toute l’Europe, comme elle l’était pendant la Grande Guerre Patriotique ».

Dans ce scénario, la Moldavie est donc dans la ligne de mire. Ce pays est sans défense contre l’agression russe. Elle n’a pratiquement pas d’armée et n’est pas membre de l’OTAN. Elle souhaite toutefois adhérer à l’Union européenne. Si la situation en Transnistrie devient incontrôlable, cela donnerait des maux de tête supplémentaires pour l’Europe. La guerre par procuration entre l’Occident et la Russie ne sera alors plus limitée à l’Ukraine. Selon un conseiller du président Zelensky, le jour où Kiev tombera, la Russie passera immédiatement à la Moldavie. Et, selon Zelensky lui-même, « les objectifs de la Russie vont bien au-delà de l’Ukraine. »L’invasion de l’Ukraine est-elle simplement le début d’un conflit mondial total?

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