Thierry Bellefroid

« Cher Coluche, si tu voyais Hanouna… »

Cher Coluche, vous permettez que je te tutoie ? De ton vivant, vous n’avez pas dû voussoyer grand monde. Et si je t’appelais par ton nom de scène ? Ce serait sans doute plus facile pour te tutoyer. Allez, je me lance.

Dernièrement, je relisais une citation de toi :  » Pour critiquer les gens, il faut les connaître. Et pour les connaître, il faut les aimer.  » Tu as dû aimer beaucoup de monde… Toi, tu savais rire de tout. Pourtant, il y en avait des trucs qui ne te faisaient pas marrer. De ton côté, faisais-tu rire tout le monde ? Nous, les Belges, par exemple, dont tu imitais si maladroitement l’accent ? On en prenait pas mal dans la tronche, on était un peu les  » blondes  » de l’époque. Eh bien, on t’aimait quand même. Parce qu’on sentait que c’était pas méchant. Mais surtout, parce qu’on voyait que tes vrais ennemis, c’étaient les cons. Les VRP de l’intolérance. Les court-pensants. Les pubeux et les marketeux qui voulaient nous faire avaler des couleuvres plus blanches que blanches. Les égoïstes de tout poil. Les repliés, les recroquevillés, les fortifiés, les momifiés. Dans tes sketches, tu te mettais toujours du côté du plus faible : le chômeur, le SDF, le consommateur grugé par la pub… Sur la fin, après ton premier rôle de clown blanc dans Tchao Pantin et avec Les Restos du coeur qui prenaient forme, tout ça était évidemment un peu plus clair. Mais au fond de nous, on n’a jamais vraiment douté que sous ta salopette, il y en avait un, de coeur. Tout ça pour te dire, cher Coluche, qu’il y a un type qui déplace beaucoup d’air aujourd’hui et qui, parfois, se réclame de toi. Tu vois de qui je parle ? Cyril Hanouna, la coqueluche du PAF. T’as peut-être pas la télé, là où tu es. Et tu as sûrement mieux à faire que de regarder TPMP (oui, de nos jours, on choisit des noms d’émissions longs comme le bras de Vincent Bolloré et on les réduit ensuite à leurs initiales).

N’empêche, j’imagine que le buzz est arrivé jusqu’à tes oreilles. Qu’au paradis des humoristes, aussi, on en a parlé de ce canular cyrillique, qui ridiculise de pauvres garçons persuadés de répondre à une annonce érotique. Que des types ont sauté sur leur clavier et envoyé un petit courriel bien senti au CSA pour dénoncer cette humiliation homophobe subie en direct. C’est vrai, quoi ! D’abord, Hanouna, il n’est pas de votre caste. C’est un amuseur public, pas un comique. Quand il t’appelle son chéri ou sa petite beauté, tu as toujours l’impression de voir Kaa, le serpent du Livre de la Jungle, qui essaie de t’hypnotiser. Vous, les humoristes, votre chemise, vous la mouillez sur les scènes. Les amuseurs se réclamant de la liberté d’expression qui s’acharnent sur les faibles au milieu d’un public trié sur le volet et monté en sauce par un chauffeur de salle, ça doit plutôt vous énerver. Et puis, ce sketch, vraiment, t’en as pensé quoi, mon Coluche ? Allez, tu peux me le dire. Toi non plus, t’as pas toujours été fin et délicat. Comment ? T’as pas aimé ? T’as trouvé qu’il n’avait pas compris la fin de la phrase :  » Pour critiquer les gens, il faut les connaître. Et pour les connaître, il faut les aimer ?  » C’est peu de le dire, mon bon Michel…

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